Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Vies de travail

Les teinturiers

Les teinturiers, de la lutte avec les tisserands, à la construction de trois communautés : laine, soie, noir.

 

A Paris, les teinturiers ont suivant les âges, été répartis entre trois grandes catégories :

  • les teinturiers de grand et bon teint,
  • les teinturiers de petit teint,
  • les teinturiers de soie, laine et fil.

Toutes trois eurent pour point commun, en dehors de la coloration des matières textiles, de connaître au cours des siècles des périodes d’expansion, des périodes de retrait, des périodes d’autonomie, des périodes sous l’autorité des métiers du tissage.

 

René de Lespinasse, dans son histoire des métiers parisiens, explique que ces variations s’expliquent par la nature même de leur activité. En effet, les teinturiers n’achetaient pas les vêtements à teindre pour les revendre ensuite aux particuliers, mais leurs travaux s’inscrivaient dans une production entrelacée avec les tisseurs. Les étoffes pour être réalisées, nécessitaient de réaliser ensemble le tissage et la couleur.

 

Les teinturiers de draps au XIIe siècle : en conflit permanent avec les tisserands

Au XIIIe siècle, dans le Livre des Métiers d’Etienne Boileau, Paris compte une communauté de teinturiers séparée, mais dépendante des tisserands de laine. Cette situation de proximité n’est pas sans générer des conflits.

En effet, les maîtres tisserands estiment être autorisés à teindre leurs production. Aussi, les teinturiers revendiquèrent au roi de pouvoir eux aussi tisser. Suivant les juridictions (Châtelet, Parlement), différents arrêts sont rendus, renforçant les deux communautés dans leurs revendications… et rajoutant leurs difficultés à s’entendre.

L’origine de ce conflit revient à la reine Blanche de Castille, mère de Louis IX (saint Louis). En effet, elle avait accordé à deux ateliers de tisserands le droits de teindre en bleu et d’avoir des valets dans une maison de teinturerie.

En 1292, les teinturiers se plaignirent des tisserands, qu’ils accusaient d’envoyer une partie de leur production en dehors des murs de la ville pour leur teinture. Ces derniers acceptèrent de cesser leurs pratiques, mais en réalité les poursuivaient. En effet, les tisserands furent à nouveau autorisés à teindre en 1359

 

Bien évidemment, ces conflits n’étaient pas sans impacts sur l’activité des teinturiers, qui dépendaient des tisserands. En effet, le nombre de valets sans emploi à Paris était tel en 1288, qu’il fut nécessaire d’allonger à 5 ans l’apprentissage.

 

La seconde moitié du XIVe siècle : affirmation d’un monopôle

1375, de nouveaux statuts pour les teinturiers :

  • Le métier est alors interdit aux tisserands.
  • Les valets et les apprentis redeviennent illimités
  • 10 sols sont à verser à la confrérie pour prendre position du métier
  • interdiction de teindre pour son propre compte, seulement sur commande
  • possibilité de teindre en utilisant de la galine, la garance, le guède (pastel), galoire et écorce de noyer.

Un second acte en 1383 élargit la gamme de leur teinture : le noir de moulée pour les gros draps commun, tapis, feutres et vieux vêtements.

 

Les teinturiers de soie et de fils apparaissent au XVe siècle

Cette nouvelle communauté apparaît à Paris au XVe siècle. En 1420, des statuts sont donnés, organisant cette profession naissante.

On les retrouve dans une bannières des milices parisiennes de Louis XI, aux côté des teinturiers de drap. Plus petite que la communauté de la laine (utilisée pour réaliser les draps), celle de la soie était à Paris plus calme. Aussi, elle accepta cette nouvelle division du travail. En effet, avec l’avènement de la Renaissance, les puissants recherchent d’autres matières textile et il y a du travail pour tout le monde.

Pouvant teindre en rouge et en bleu, la maîtrise s’acquiert après 5 ans d’apprentissage et un chef d’oeuvre réalisé en bleu. Ces teinturiers utilisaient de l’inde et la fleurée (très prestigieux) mais aussi les plus délaissées georget et le noir. Enfin, les maîtres avaient le privilège de pouvoir vendre directement leurs productions (contrairement à leurs collègues des draps).

 

Les teinturiers de noir s’organisent au XVIe siècle

Comme nous l’avons vu, la teinture de noir n’est pas bien vu pendant longtemps à Paris. Teinture médiocre ne veut pas dire absence d’activité. Aussi, une communauté se structure en 1575 avec la promulgation de statuts.

Les nouveaux maîtres sont alors autorisés à exercer en utilisant seulement la noix de galle, la couperose, l’écorce d’aulne, le brésil et la moulée. Toutefois, cette nouvelle concurrence ne fut pas du goût des teinturiers des draps. Ils obtinrent rapidement que cette communauté soit plafonnée à 12 maîtres et contrôlés par leurs propres jurés.

En 1577, les différentes teintures sont totalement définies et séparées.

 

La teinture bouleversée à partir du XVIIe siècle

Les XVIIe et XVIIIe siècles furent marqués par de grandes modifications pour l’industrie parisienne de la teinture.

Tout d’abord, le développement des manufactures royales change la concurrence dans le royaume, en particulier pour la teinture de drap. Ensuite, les unions d’offices les touchent fortement : 12 000 livres pour celles des jurés au début du XVIIIe siècle et 25 000 livres pour celles des inspecteurs des jurés en 1745.

 

Sources bibliographiques :

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