Histoires de Paris

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Histoires de Seine

Les bateaux-lavoirs, des obstacles à la navigation ?

Les bateaux-lavoirs, des obstacles à la navigation ? Véritable lutte d’influence pour sauver ces installations

 

Solidement installé sur les bords des quais depuis le XVIIe siècle, les bateaux-lavoirs s’étaient faits des ennemis au XIXe siècle.

Comment les faire partir du centre de la capitale ? Et selon quelles raisons ? Parmi celles-ci, l’administration en trouva une d’importance : les bateaux-lavoirs, des obstacles à la navigation.

 

Paris, un port de commerce important

C’est le Monde illustré du 30 décembre 1899 qui nous donne une bonne explication de l’importance de la navigation à Paris.

« Beaucoup de gens ignorent que Paris est le premier port de commerce de France par son tonnage. Ses quais sont à peine suffisants pour la manipulation des marchandises. Actuellement il vient chaque semaine plusieurs vapeurs d’Angleterre qui ont organisé un service régulier entre Londres et Paris et on peut voir le port du Louvre presque constamment encombré de leurs caisses et de leurs ballots. »

 

Cette histoire de l’importance de la navigation à Paris n’est pas nouvelle. Les nautes avaient un rôle clef déjà au Moyen Age. Mais avec le développement de l’industrie, l’activité commerciale sur la Seine s’était fortement développée, afin d’approvisionner les nombreuses usines.

Aussi, les bateaux-lavoirs étaient des obstacles, pour certains, à la navigation, gênant le déchargement des précieux colis.

 

Des mariniers voulant la fin des bateaux-lavoirs !

Poursuivons avec le XIXe siècle du 22 mai 1886.

« Lorsqu’en 1868 les mariniers commencèrent à se plaindre, le préfet de la Seine prit simplement un arrêté par lequel il décidait en substance que nul ne pourrait faire de réparations aux bateaux-lavoirs sans autorisation préalable et que, d’ailleurs, aucune autorisation ne serait jamais accordée. C’était décréter la suppression par extinction à brève échéance.

 Les mariniers se frottaient les mains, mais les patrons des bateaux crièrent à l’excès de pouvoir et portèrent leurs doléances devant le conseil d’Etat. Le conseil d’Etat, suivant la coutume, garda la cause deux ans, puis déclara qu’il appartient au préfet de la Seine d’apprécier dans quelle mesure le maintien des établissements stationnant sur la rivière dans la traversée de Paris peut se concilier avec le service de la navigation et, s’il y a lieu, d’ordonner la suppression de ceux de ces établissements qui seraient nuisibles à ce service ».

 

On constate que c’est une querelle un peu ancienne. Une sorte de lutte pour la place, alors qu’elle semble de plus en plus limitée sur les bords de la Seine.

 

Le journaliste poursuit :

« Depuis lors, on ne songeait plus à taquiner les lavoirs flottants, quand, au mois de septembre dernier, la création des « bateaux-express, qui contribuait à augmenter l’encombrement des rives du fleuve, amena les ingénieurs de la navigation à proposer une seconde fois la suppression de ces établissements incommodes.

 Cependant, et malgré la décision du conseil d’Etat, M. le préfet de la Seine ne prit pas un arrêté draconien : il se contenta de nommer une commission pour étudier la question ; en même temps, M. le préfet de police priait deux inspecteurs des établissements classés, MM. Gérardin et Pouchet, de lui présenter chacun un rapport « sur l’altération des eaux de la Seine par les bateaux-lavoirs établis dans l’intérieur de Paris ».

 

Outre les mariniers, une autre activité commençait à croître sur le bord de la Seine : le transport de voyageurs.

 

Les seuls bateaux amarrés sur les bords de la Seine

Comme on a pu le constater dans les archives de la presse de la seconde moitié du XIXe siècle, le sujet des bateaux-lavoirs soulevait de vraies passions, notamment en 1885. A cette date, poussé par l’administration de la navigation, le préfet de Paris pousse pour la disparition des bateaux-lavoirs.

Parmi les réactions, citons ici celle du Mot d’ordre du 22 octobre 1885

« Nous devons avouer que nous ne comprenons pas pourquoi les bateaux-lavoirs, qui stationnaient sur la Seine depuis plusieurs siècles, sans qu’on y trouve d’inconvénients, sont devenus tout à coup des objets encombrants et dangereux au point de rendre notre fleuve impropre à la navigation.

Mais est-ce qu’il n’y a pas aussi sur la Seine d’autres bateaux occupant une surface plus considérable que les bateaux-lavoirs, dont les ingénieurs de la navigation ne disent pas le moindre mal, tels que les bateaux à charbon, de teinturerie, et les établissements de bains, chauds et froids, dont nous ne demandons certes pas la disparition, parce que les uns et les autres ont leur utilité incontestable.

C’est donc une véritable querelle d’Allemand qui est faite à ces pauvres bateaux si inoffensifs, les plus anciens locataires de la Seine, auxquels on veut signifier un congé sans avoir de motifs sérieux à faire valoir pour le justifier. »

 

Des suppressions qui se voulaient dépasser les bateaux-lavoirs

Dans ses colonnes du 30 septembre 1899, le Monde illustré indique que les bateaux-lavoirs n’étaient pas les seuls viser.

« Il est en effet question depuis longtemps de supprimer toutes les installations permanentes qu’on avait laissées petit à petit s’établir sur la Seine. A l’exception des pontons des bateaux parisiens, le Préfet de police, qui compte dans son administration le service de la navigation dans Paris, est résolu à poursuivre énergiquement cette réforme. Les bains chauds et les bains froids iront chercher un refuge au-delà des fortifications. L’établissement de la Samaritaine avec son palmier en zinc noirci par la fumée cessera de meubler ce coin de Paris si pittoresque.

 Où cette construction ira-t-elle échouer ? Les localités des environs de Paris ne sont pas pourvues outre mesure d’établissements de bains et nous aurons la chance de retrouver dans un coin de banlieue cette pittoresque installation.

 Nous avons aussi les nombreux bains froids, au Pont Royal, au Pont Neuf, à Grenelle, dans le petit bras de la Seine, à Charenton, etc., etc. Ils sont également appelés à disparaître. C’est une mesure qui sera vivement regrettée par une grande partie de la population peu aisée qui pouvait se livrer l’été à de fréquentes ablutions à peu de frais. Certes la Seine est loin d’être dans Paris d’une limpidité de cristal, mais on la trouve encore bien plus polluée en aval. En amont il faut remonter jusqu’à Alfortville ou même au-delà du barrage pour trouver des eaux saines et tranquilles, mais les moyens de locomotion manquent et on ne peut guère admettre que les ouvriers et les petits employés s’imposent un déplacement qui entraînerait la perte d’une matinée entière ou d’une après-midi pour aller prendre leur bain. »

 

Cette question n’était pas insensible, notamment car ces installations profitaient principalement aux populations les moins nanties de Paris.

 

Sources bibliographiques :

 

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