Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de quartier

Les canaux gelés en décembre 1879

Les canaux gelés en décembre 1879  : un lieu pris en étaux entre les plaisirs glacés et les drames personnels.

 

Il fit froid cet hiver-là.

Décembre 1879 : un mois entier avec des températures en-dessous de -10°C !

Si froid que même la Seine gela.

Alors, que dire des canaux traversant l’est parisien ! Sous la glace comme nous allons le voir ensemble. Une situation rajoutant au pittoresque des lieux.

 

La glace sur les canaux dès le début du froid

A la toute fin de novembre 1879, les températures plongent fortement. Et elles ont l’air de rester dans les territoires bien négatifs.

La neige tombe abondamment dans la ville. Puis, la glace fige beaucoup d’endroits. Le Petit Journal du 8 décembre 1879 témoigne :

« La crue de la Seine continue. Toute navigation est interrompue sur le fleuve et sur les affluents. Le petit bras de la Seine reste toujours gelé. Les canaux sont également pris. De nombreux ouvriers, occupés aux quais de débarquement, ont été embauchés pour l’enlèvement des neiges. »

 

Ce même journal poursuit le lendemain :

« Tous les canaux sont gelés : cet état de choses cause un grand préjudice au commerce de charbon. »

On a froid, mais on a peur pour le commerce. Le charbon fait tourner les usines et peut apporter un peu de chaleur.

 

Les canaux, lieu de déversoir du trop plein de neige

En ce début décembre 1879, le froid n’est pas le seul péril. La neige tombe drue. Les rues en sont couvertes, tout comme les toits. Aussi, une forte pression s’exerce sur la Mairie pour son évacuation. Mais que faire de toute cette neige ?

On décide de l’évacuer dans la Seine et dans les canaux. Le Petit Journal signale le 10 décembre :

« Grâce aux nombreuses escouades d’ouvriers, embauchés par le service de la voirie publique, cette fois, l’enlèvement des neiges s’est fait plus promptement, surtout dans les quartiers du centre. La Ville a fait l’acquisition d’une grande quantité de nouvelles pelles et pioches. Tous les ouvriers des ports et des canaux ont é enrégimentés dès la première heure ; ils gagnent 30 centimes l’heure, pendant le jour, et 1 centimes pendant la nuit. »

 

Une glace qui s’épaissit et offre de nouveaux avantages

Passé la surprise et la désolation, la glace apporte également des satisfactions aux parisiens, comme le confirme le Petit Journal du 23 décembre 1879. En ce temps-là, le parisien aime le patinage. Dès qu’il le peut, il s’élance sur les lacs gelés des bois de Boulogne et de Vincennes. C’est même une institution pour les classes les plus aisées. Les parisiens populaires ne dédaignent pas cette joie non plus.

« Le froid s’est accentué dans la journée d’hier dimanche, d’une façon malheureusement très remarquable, et la neige menace toujours de tomber.

De nombreux gamins patinent sur le canal Saint-Martin, et les gardiens de la paix sont obligés de garder l’accès des escaliers qui mènent à la Seine pour empêcher les gens d’y descendre.

Le thermomètre a marqué 10 degrés glace à sept heures du matin, 9 degrés glace à une heure de l’après-midi. Hauteur barométrique, 771 »

 

Puis l’annonce de la débâcle

Toutes les bonnes choses ont une fin. Enfin, nous parlons ici de seulement ceux qui voyaient dans la glace un plaisir. D’autres, plus nombreux, vivaient une véritable épreuve, dont on déplorait de nombreuses victimes.

Le redoux s’annonçait à la fin du mois de décembre. Il signifiait la fonte des neiges et des glaces : la débâcle.

Compte rendu par le Petit Journal du 31 décembre 1879 :

« Sur les canaux, le brise-glace continue à fonctionner. En prévision de la débâcle, le service de la navigation a pris les mesures les plus rigoureuses pour éviter les accidents ; les ponts surtout sont l’objet d’une surveillance spéciale. »

Il faut se préparer ! La glace va entrer en mouvement et poser des difficultés.

Pour cela, on préfère dynamiter les plus gros morceaux de glace pour limiter les dégâts. Le Petit Journal du 4 janvier 1880 rapporte à cet effet :

« Hier soir, à partir de quatre heures, les parties encore solides de la glace ont été attaquées avec de la dynamite, sur la Seine, du pont des Arts au Point-du-Jour, sur le canal Saint-Martin et sur le canal Saint-Denis. »

 

Une période propice aux noyades

Plusieurs faits divers furent rapportés autour du canal Saint Martin !

Le Petit Journal du 6 janvier 1880 est le premier à en faire part :

« Samedi matin, M. Vaillant, liquoriste, avenue de la République, était en train d’ouvrir son établissement, lorsque plusieurs personnes accoururent lui dire qu’une jeune personne se noyait dans le canal, en face du n° 3 du quai Jemmapes.

Vaillant, dont nous avons déjà souvent eu à signaler les sauvetages, n’hésita pas à se jeter à l’eau et dut marcher sur des glaçons pour la ramener vivante à bord.

La malheureuse jeune femme, âgée de vingt à vingt-cinq ans, transportée au poste du boulevard Richard-Lenoir, a expiré au bout d’un quart d’heure. »

 

Le Petit Journal du 7 janvier en évoque un second.

« Dimanche soir, quai Valmy, le gardien de la paix Scyller s’est jeté à l’eau tout habillé pour retirer du canal une femme qui venait de s’y précipiter ; il avait déjà saisi la malheureuse et s’apprêtait à regagner le bord, lorsque des glaçons paralysant ses mouvements le mirent en grand danger.

Son collègue Ohlmann, accouru à son secours, put le dégager. Ils portèrent ensuite au poste la noyée, que d’énergiques soins firent revenir à la vie. »

 

La période est rude et bien adverse pour Paris.

 

Sources bibliographiques :

 

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