Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

La catastrophe de la rue Vicq d’Azir

La catastrophe de la rue Vicq d’Azir : quand une chaudronnerie explose grippée par le froid intense de 1879 !

 

Tout au long du XIXe siècle, il y avait dans Paris une activité industrielle importante. C’était notamment le cas dans les quartiers Nord-Ouest, non loin du canal Saint Martin.

La voie fluviale, avec ses ports, permettait des approvisionnements faciles à la fois de matières premières mais aussi de charbons pour faire tourner les usines.

Ainsi, dans la rue Vicq d’Azir, il y avait à la fin des années 1879, une chaudronnerie industrielle.

Le 28 décembre 1879, il s’y déroula une catastrophe horrible. Grippée par le froid, les machines eurent du mal à démarrer, entraînant, nous allons le voir une explosion mortelle.

 

Une catastrophe survenue au petit matin

Le Petit Journal du 29 décembre 1879 commence son article de la manière suivante :

« Une épouvantable catastrophe s’est produite hier matin à sept heures et demie, rue Vicq-d’Azir.

Une chaudière à vapeur a fait explosion dans les ateliers de chaudronnerie de M. Hugot, situés aux n° 23, 25 et 27.

Un nuage de fumée et de poussière a rempli l’air en même temps que les débris des toitures retombaient de tous les côtés. »

C’un véritable bruit de canon qui fend l’ambiance parisienne. Toute la rue est émoi. Tout le quartier également !

« Des ouvriers affolés coururent en tous sens en criant au secours. Des passants, des voisins et des gardiens de la paix pénétrèrent aussitôt dans l’usine malgré les flammes et aperçurent plusieurs cadavres mutilés et des blessés ensevelis sous les décombres. »

On se précipite partout : de l’extérieur pour voir ce qui se passe et aider les blessés, de l’intérieur pour s’en sortir.

 

Les opérations de secours

Très vite, les secours arrivent

« On transporta en toute hâte les blessés dans un local attenant à l’usine, où un médecin vint leur donner les premiers soins. Les cadavres ensevelis sous les décombres furent retirés par les gardiens et ceux des ouvriers de l’usine qui avaient pu sortir des ateliers, au moment où l’alarme était donnée. A la première nouvelle de la catastrophe, M. Hugot, propriétaire de l’usine, est accouru. A la vue des morts et des blessés, il a été en proie à un accès de désespoir facile à comprendre. »

A ce moment-là, l’étendue de la catastrophe n’est pas terminée. Il s’agit de récupérer les éventuels blessés pour les soigner au plus vite. L’incendie guette également.

« Le feu, qui s’était communiqué aux bâtiments, a été très rapidement conjuré par les pompiers, et on a pu approcher des décombres. »

Afin d’apporter les premiers secours aux blessés, on les transporta rapidement chez une voisine, marchande de vin.

 

Une enquête pour chercher à en savoir un peu plus

« Tout en faisant déblayer le terrain, MM. Mariani, commissaire de police du quartier, et Roudil, officier de paix, ont commencé une enquête.

Ils ont d’abord interrogé quelques-uns des ouvriers qui avaient pu s’échapper, et voici ce que l’un d’eux a raconté : Auguste Jacotot, le contre-maître de l’usine, est arrivé, comme à son ordinaire, à sept heures, et les ouvriers étaient à leur ouvrage à sept heures et demie, lorsque l’un d’eux, Isidore Moquet, s’écria tout à coup : « Prends garde, Jacotot, la courroie de transmission a dévié ! » Le contre-maître se leva pour rajuster la courroie ; mais cela prit un peu de temps, et la chaudière chauchée à blanc fit explosion.

Seuls, les ouvriers se trouvant placés près des portes, purent s’échapper. Il résulterait des renseignements fournis, que la catastrophe aurait été causée par la négligence de Jacotot, qui n’avait pas examiné la courroie de transmission avant de donner l’impulsion à la vapeur. »

Ce malheureux a payé cette négligence de sa vie. M. Caubet, chef de la police municipale, est arrivé sur les lieux à dix heures du matin. Pendant toute la matinée des femmes, des enfants, allaient, venaient en pleurant au milieu des décombres pour reconnaître les victimes. C’était un spectacle navrant. »

 

Les causes de l’explosion

Le Petit Parisien du 29 décembre 1879 est plus nuancé sur la responsabilité du contre maître.

« Dans le sous-sol se trouvait la machine à vapeur, d’une force de douze chevaux, qui donnait la puissance motrice à tontes les machines de l’usine.

En ce moment M. Hugot, qui a beaucoup de travaux en chantier, occupe quarante ouvriers environ, mais, à cause de la rigueur de la saison, ils ne sont tous présents que vers sept heures et demie.

Une heure après on met la machine en train. Hier donc, à huit heures vingt-cinq minutes, M. Morin, chauffeur dans la maison depuis douze ans, se trouvait au rez-de-chaussée en train de graisser les arbres de transmission ; cela lui a sauvé la vie.

En effet, au même moment on donnait l’ordre de mettre en train, et comme le froid rendait difficile la mise en marche de la machine à cause de la courroie qui tirait trop sur le volant, on appela quelques ouvriers qui descendirent.

A l’instant même où M. Folzer, compagnon mécanicien, tournait le robinet d’échappement, que les autres ouvriers unissaient leurs efforts pour mettre en mouvement le lourd volant, la machine éclata, les personnes présentes furent renversées, le plafond s’effondra, couvrant de débris les fragments de la machine et les corps des victimes. »

En raison du froid, le tuyau de la machine à vapeur était totalement gelé. Normalement, il aurait du éclater faisant résistance au passage de la vapeur. Cependant, comme il venait juste d’être réparé, il constitua une forte résistance. Pour cette raison l’explosion eut lieu plus en amont, au niveau de la chaudière, causant les dommages.

On compta dans la tragédie 6 morts et 4 blessés.

 

Les obsèques

Grâce au Petit Parisien du 1er janvier 1880, voici rapide compte rendu de ce moment difficile pour les ouvriers chaudronniers du canal Saint Martin

« Ainsi que nous l’avions annoncé, les funérailles des sept victimes de ce terrible accident ont eu lieu, hier, mercredi, à neuf-heures du matin.

A huit heures et demie, une grande partie de la corporation des ouvriers chaudronniers se trouvaient chez Mme Roudet, 21, rue Vicq d’Azir, attendant l’heure fixée pour les obsèques.

A neuf heures, deux corbillards viennent prendre le cercueil de Dangin, qui était resté chez M. Hugot, et celui de Michel Betzinger, exposé au seuil de la porte cochère voisine de l’établissement de Mme Boudet. Au même instant arrivait dans la rue le cortège accompagnant le corps de François Fritz, rue de Laos, et les trois voitures funèbres rencontraient, en se rendant à l’église, le convoi de Béguin, dont le domicile était, 115, boulevard de la Villette.

A l’église Saint-Georges, les sept cercueils ont été placés sur une seule ligne tout contre la grille qui sépare le chœur de la nef. Entre chaque bière étaient placés des candélabres.

Toutes les personnes présentes à l’église, ainsi que les membres de la corporation, qui avaient attendu au dehors, ont suivi le convoi jusqu’au cimetière de Saint-Ouen, où les sept victimes ont été inhumées.

Hugot s’est chargé de tous les frais des obsèques. Bien que l’enterrement ne fût que de septième classe, les pompes funèbres avaient orné gratuitement le portait de l’église d’une tenture mortuaire. »

Pour les familles des disparus, les moments difficiles démarraient. Aussi, un appel à la générosité fut lancé rapidement.

 

Sources bibliographiques :

 

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