Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de Seine

Les curieux sur les quais de Seine de l’est parisien lors de la crue de 1910

Les curieux sur les quais de Seine de l’est parisien lors de la crue de 1910 : une foule compacte sans fin !

 

Retour le 30 janvier 1910. Après une semaine infernale marquée par la crue, le week end est enfin là. Fini la nécessité de devoir trouver un moyen pour circuler et se rendre au travail avec des transports totalement perturbé. Le temps est devenu rassurant. En effet, on annonçait alors que le pic de la crue était passé.

Aussi, les parisiens très curieux de nature, en profitèrent pour aller voir de leurs propres yeux l’étendue des dégâts. Direction les quais de Seine ! Rendons nous sur les quais de l’est de Paris, entre les pont National et d’Austerlitz ! Compte rendu par le Petit Parisien du 31 janvier 1910 !

 

« Sur les quais, les curieux s’écrasent pour voir »

« La baisse, bien que lente encore, continue, et, les informations reçues de la haute Seine, ainsi que des affluents qui s’y jettent, permettent d’escompter pour aujourd’hui et demain une décroissance plus accentuée.

Ces nouvelles n’ont pas été sans apporter quelque réconfort, et aussi une réelle satisfaction au public de la capitale. Le soleil, qui brillait hier, le conviait à affluer sur les quais, où cependant les autorités publiques eussent préféré qu’il accourut moins nombreux. On peut dire que tout Paris s’était porté sur les rives de la Seine, qui furent son champ de bataille toute la semaine. Ceux que leur travail avait retenus loin du fleuve, voulaient voir, avant que l’eau fût descendue, et ils gravaient dans leur mémoire ce spectacle de l’immense nappe liquide qu’ils ne contempleront sans doute plus jamais. Les jours qui viennent de s’écouler seront historiques pour les parisiens.

Au reste, cette foule, qui calculait les redoutables dommages subis, qui songeait aux misères partout répandues et aux lendemains attristants dont les pessimistes exagèrent la rigueur, cheminaient posément et non sans gravité. La population de la capitale a conscience de la grandeur de l’assaut que l’inondation lui a donné, et de l’importance des précautions qui s’imposent encore à elle. Son attitude aura été digne jusqu’au bout. 

 

Tout le long de la Seine, c’était, l’après-midi, la même foule compacte charriant mille épaves, s’étonnant de constater que les eaux décroissaient si lentement. »

 

« Du pont National à la Bastille »

« Les curieux se pressent en rang épais pour contempler le terrifiant spectacle de l’inondation.

Approcher les rives du fleuve tant du côté du douzième arrondissement que du côté du treizième n’est pas précisément chose aisée. C’est que presque tous les quais, encore recouverts d’eau, sont interdits à la circulation. Sur certains, sur ceux de Bercy et de la Rapée, notamment où la profondeur du liquide se maintient encore à une moyenne de un mètre cinquante, seules les barques de la marine de guerre naviguent.

Les curieux venus de toutes parts, dés le matin, pour la voir la Seine, doivent donc faire de longs et pénibles détours pour gagner les ponts. »

 

« On traverse mais défense de s’arrêter ! »

« Au pont National, une déception les attend. Il est permis de traverser mais non de s’arrêter.

Des soldats d’infanterie, l’arme à la bretelle font les cent pas sur le pont, et tout comme les gardiens de la paix, ils invitent à circuler les groupes de curieux.

Le cours de la Seine est resté rapide.

Sur les flots jaunes et sales, on voit toujours flotter les épaves les plus diverses, des barriques, des poutres, des cadavres d’animaux. On voit aussi des monceaux de détritus et d’ordures ménagères.

Le fleuve est devenu collecteur. C’est sous ce nouvel aspect qu’il va s’offrir toute cette journée dominicale aux regards de la foule accourue de tous côtés pour le voir.

Ceux qui avaient compté s’arrêter sur le pont de Tolbiac se sont trompés. Le passage du pont n’est permis qu’aux seuls habitants des immeubles voisins. De chaque côté, aux pontons de fortune, des barques attendent, prêtes à les conduire à leurs domiciles inondés. Mais les curieux venus de très loin, venus d’on ne sait où, se pressent en légions serrés dès midi. Ils veulent gagner la digue des entrepôts de Bercy qui émerge au-dessus des flots. Quel magnifique observatoire ce point constituerait ! Ils sont là des centaines qui veulent passer. L’officier de la paix, M. Marchand, accouru, fait interdire le pont à la circulation.

Les curieux se rattrapent heureusement : plus en aval, ils peuvent stationner – oh pas longtemps – sur le pont de Bercy. »

 

« Au pont d’Austerlitz »

« La consigne est moins sévère au pont d’Austerlitz ; aussi fut-il noir de monde, tant que le jour dura. Ce pont, fort spacieux, est d’une solidité à toute épreuve.

 

La foule fut surtout considérable sur ce pont et à ses abords sur les deux rives, de une heure à quatre heures de l’après midi : accoudés sur les parapets, des gens endimanchés, des familles passent des heures à regarder les flots s’écouler. On s’intéresse à la fuite des épaves, on observe avec le plus grand intérêt des madriers qui naviguent de conserve, semblant lutter de vitesse. Puis c’est une escadre de grosses futailles qui arrive, suivie bientôt par des poutres semblant faire office de croiseurs. »

 

Sources bibliographiques :

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