Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de quartier

La disparition des moulins de Montmartre

La disparition des moulins de Montmartre : de la meunerie de subsistance à l’attrait de l’urbanisation et des bals

 

Pour les auteurs romantiques, les moulins de Montmartre avaient une place à part. Ils rappelaient un Montmartre champêtre. La butte ne fut pas la seule à avoir vu des moulins sur ses flancs. On en trouvait aussi à Belleville, mais aussi au sud de Paris. Non loin de la porte Saint Honoré, on avait aussi dans le passé une butte des moulins.

Mais les moulins de Montmartre, car ils étaient probablement plus nombreux, car ils inspirèrent les guinguettes et les bals du XIXe siècle, ont une place à part dans l’imaginaire parisiens. Ainsi, ils font en quelque sorte partis du Paris disparu.

 

L’histoire récurrente des moulins de Montmartre

Issue ici de l’Ordre de Paris du 18 octobre 1889, il était une histoire qui revint fréquemment dans la presse parisienne à la fin du XIXe siècle : celle des moulins de Montmartre

« Au siècle dernier, on comptait encore par centaine les moulins à vent tournant leurs ailes au sommet ou sur les flancs de la butte Montmartre.

Pas une gravure, pas un dessin représentant un coin quelconque de Montmartre qui ne contienne plusieurs moulins.

Un dessin de Pieur, gravé par Berthault : « les canons amenés, pour la défense de Paris, sur les hauteurs de Montmartre le 15 juillet 1789 » ne comporte pas moins de quatre moulins dans un espace relativement restreint.

Les plans de Roussel et de Deharme nous donnent les noms des moulins montmartrois : le « moulin des Prez », le moulin de la Fontaine Saint Denis, le moulin Neuf, le moulin de Paradis, le moulin de la Béguille, le moulin de Brouillards, le moulin du But à fin, le moulin de la Petite Tour, le moulin Vieux, le moulin de la Grande Tour, le Radet, le moulin du Palais, le moulin de la Lancette, le moulin des Couronnes, le moulin de Sureaux, le moulin des Potences, le moulin de la Poule.

Dans l’avenue de Clichy, il y avait aussi la rue du Moulin, qui conduisait aux trois moulins des Batignolles. La rue de la Goutte d’or s’est appelée la rue des Cinq Moulins.

En 1800, la grand’mère de M. Wigshoff, le maire actuel de Montmartre, possédait un moulin appelé la Turlure et situé près du moulin de la Lancette.

Le Radet, qui avant de faire partie du groupe du Moulin de la Galette était rue Norvins, était un des émigrés de la Butte Roch au dix-septième siècle.

Le But-à-fin, l’autre moulin, du groupe de la Galette, appartenait, en 1295, aux Dames Bernardines de Montmartre, et était exploitée par des fermiers ancêtres de la famille Debray. »

 

Des moulins dont l’usage avait fini par disparaître

Sur les flancs et à proximité de la butte Montmartre, il existait au XVIIIe siècle une agriculture, que nous qualifierions aujourd’hui d’extensive, de type polyculture. Ainsi, on trouvait un peu de culture de céréales, non loin de vignes. C’était pour moudre ces blés que les moulins avaient fleuris sur la butte.

Leur débouché était, comme on l’imagine, la nourriture de la capitale, même si cette dernière comptait davantage sur les plaines de la Brie, mais aussi de l’Oise, et de la Beauce.

Aussi, nos meuniers vivaient avec difficultés de leur production.

Cependant, avec la diffusion de la pratique de la promenade, tout comme de l’agrandissement de la ville de Paris, il y avait de plus en plus de monde gravissant Montmartre, pour profiter de la vue, ainsi que de l’air de la campagne. Rappelons-nous que l’air était très difficilement respirable en ville, du fait notamment de l’exiguïté des rues, mais aussi du recours massif à un chauffage au bois !

Les meuniers proposèrent aux passants de venir faire une petite pause à l’ombre de leur moulin, tout en dégustant du fromage de chèvre et du vin blanc, deux spécialités locales.

Cette nouvelle activité devint rapidement bien plus lucrative que le broyage du blé.

 

Déclin de l’activité meunière et urbanisation : première cause de la disparition des moulins

C’est donc le repli d’une activité de subsistance à qui l’on doit attribuer la disparition des moulins. En outre, avec la fin de l’abbaye de Montmartre à la Révolution, les populations vivant sur les flancs de la colline perdirent leur protecteur.

Ainsi, les moulins se retrouvèrent abandonné. En outre, la ville de Paris grandissait. Le mur des Fermiers généraux ne se trouvaient qu’à flanc de la butte, au niveau des barrières Blanche, des Martyrs. Montmartre se trouva à l’intérieur de l’enceinte de Thiers et finalement absorbé par la ville de Paris au milieu du XIXe siècle.

Paris grandissait vite et on était toujours à la recherche de nouveaux logements. Pour les anciens propriétaires, cela signifiait souvent le départ, mais dans des conditions de prix difficilement refusable pour ces populations.

Ainsi, Montmartre se couvrit de maisons, puis d’immeubles, en lieu et place des anciennes vignes, des anciens moulins.

La dernière disparition d’un moulin de Montmartre s’inscrit dans cette veine. Le Moulin à poivre est détruit pour permettre le percement de l’avenue Junot, à la veille du Première Guerre mondiale.

 

Une autre cause de disparition plus baroque

Nous devons toutefois citer une autre cause de disparition beaucoup plus étrange. En effet, le moulin de la Lancette fut emporté par une chute de son terrain.

En effet, le sous-sol de Montmartre regorgeait de gypse, cette pierre sédimentaire que l’on exploitait pour produire du plâtre. Avec la forte demande de construction dans Paris dès le XVIIIe siècle, à la fois pour construire de nouvelles maisons, mais aussi pour aménager les intérieurs toujours plus distingués en centre-ville, l’exploitation de ces carrières explosa à cette période.

Les incidents dans les carrières étaient réguliers. Ils ne se limitaient aux périls des mineurs mais aussi pouvait emporter les terrains non stabilisés à la surface. De ce fait, il arrivait de temps en temps que la terre de Montmartre tremble, avec ses risques aussi pour les moulins.

Défense et protection tardive des moulins de Montmartre

Les moulins de Montmartre eurent une place à part dans la littérature et les arts. Ainsi, les romantiques eurent à cœur de défendre ces vestiges d’un temps passé, devenu désuet.

Complétons tout de même que les moulins de Montmartre, notamment au moulin de la Galette, hébergeaient des joyeuses guinguettes, que nos auteurs appréciaient tout particulièrement !

Le moulin de la Galette, véritable institution de la butte jusqu’à l’entre deux guerres, était exploité par les Debray, qui avaient su trouver des appuis pour défendre des éventuelles envies de l’administration parisienne de raser les deux vestiges encore debout. Le Radet et le Blute Fin servent en effet d’enseignes, visibles de loin, pour le moulin de la Galette.

Aussi, on trouve à la fin du XIXe siècle, une abondante défense de ces moulins dans la presse parisienne, n’hésitant pas à affronter le préfet de la Seine.

Enfin, dans les années 1930, finalement, les deux moulins survivants furent inscrit parmi les monuments historiques et de fait protéger.

 

Sources bibliographiques :

 

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