Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires d'immeubles

Entrées insolites des députés dans un palais Bourbon sous les eaux

Entrées insolites des députés dans un palais Bourbon sous les eaux : des égoutiers portent des parlementaires sur le dos

Après avoir vu ses caves inondées empêchant tout chauffage, la chambre des députés continue de faire face à la montée des eaux en janvier 1910. La Seine arrive de toute part. En effet, l’eau monte du  côté du boulevard Saint Germain et la rue de Bourgogne. Elle vient aussi par la rue de l’Université. La cour d’honneur est ainsi remplie d’eau le 26 janvier 1910.

Comment entrer dans le bâtiment et siéger dans la chambre ?

Voici une anecdote partagée par le Petit Parisien du 27 janvier 1910

Point de situation autour du Palais Bourbon

« Le flot boueux des échappées de Seine et des égouts bat sourdement inlassablement le palais législatif. Hypocrite et féroce,  c’est par derrière, par la rue de Bourgogne et l’allée du Palais Bourbon devenue rivière, que l’eau pénètre, clapotant, s’étendant par nappes tranquilles, puis impérieuse et noyant, sous de véritables flots, la cour d’honneur, les galeries basses, les rez-de-chaussée… D’un seul coup, elle envahit un vestibule et recouvre les premières marches de l’escalier qui donne accès aux Quatre colonnes,  aux pas perdus… Elle est presque au cœur de la chambre. »

La question de comment entrer se pose vite pour de nombreux députés

Nombreux sont les députés qui négligent l’entrée par le quai et préfèrent celle, plus discrète de la rue de Bourgogne. Mais le moyen de franchir le seuil où passait le torrent ?

Un torrent, qui trop large, se heurtait aussi aux murailles de granit et refluait sur place, baignant le pied de l’austère statue de la Loi. En détresse, autour de la statue, on voyait une trentaine de députés fort indécis, ne pouvant avancer ni reculer. Que faire ?

Le recours à des porteurs

« Des égoutiers, fort heureusement, se trouvaient là. Chacun d’eux, solidement bottés, chargea un représentant du peuple et un grand rire partit de la foule massée aux alentours lorsqu’elle vit pénétrer à dos d’homme, dans l’enceinte des lois,  M. Charles Benoist, père de la R. P., M. Allemane qui suffoquait de rire, M. Morel, redresseur de tous les droits de douane, M. l’abbé Lemire, enfin, que sa soutane empêchait de chevaucher son porteur et qui  avait pris, dans les bras robustes du prolétaire transbordeur, posture de petit enfant. » »

Une fois entrés, les députés retrouvaient leur gaieté et s’amusaient de l’anecdote.

« A l’intérieur du Palais, froid de loup. Des journalistes s’étaient munis de couverture de voyage. Ambiance gaie, pourtant car un beau soleil inondait les couloirs et, de longtemps, on n’avait pas vu si clair. M. Denys Cochin arrivé, lui aussi, par « la voie humaine » contait en riant que son porteur l’a trouvé bien lourd et que, montrant M. Emile Cère, tout menu, ledit porteur avait di 

– J’aime mieux ce député-là que le mien. »

Quand on préfère une passerelle à un radeau

« A trois heures, on construisit un radeau qui flotta  dans la cour d’honneur. A quatre heures, arriva une prolonge d’artillerie ornée de ce bel écriteau : A l’usage de MM. les députés. Le radeau fut laissé aux journalistes. » 

Dans ce contexte, la question de pouvoir siéger se pose tout de même.

« Des calorifères avaient été installés vers trois heures, tout auprès de la salle des séances. Ils fournirent assez de chaleur pour que nous fût évité le spectacle d’une chambre française siégeant à l’anglaise : en chapeaux !

Aujourd’hui, si l’eau monte sensiblement, pourra-t-on siéger ? On se le demande. Déjà, tous les bureaux, toutes les salles de commissions servent de chambre à coucher au petit personnel chassé des sous-sols, et ce ne sont dans tous les coins que matelas et ustensiles de ménage… »

Malgré la crise, on commence à s’inquiéter pour la suite, lorsque la décrue sera entammée.

« Ce qui est certain, c’est qu’après le retrait des eaux, le palais sera des plus insalubres. Mais nous n’en sommes pas là. »

Sources bibliographiques

%d