Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

Le Gluten Chatillon

Le Gluten Chatillon, vendeur d’additifs alimentaires du Passage Vivienne aux pratiques au-delà de la légalité

 

A la moitié du XIXe siècle, la presse se fait l’écho de plusieurs encarts pour des additifs alimentaires : le Gluten !

A notre grande surprise, alors même que nous voyons fleurir depuis plusieurs années de nombreuses intolérances à ce composé protéique, le gluten était mis en avant en cette période.

En outre, cette histoire, impliquant un établissement installé dans le Passage Vivienne présente un bon côté loufoque, avec ses différents rebondissements, ainsi que vous allez pouvoir le constatez en lisant ces lignes.

 

Gluten Chatillon, un marchand installé dans le Passage Vivienne

Comme c’est le cas aujourd’hui, le Passage Vivienne était au milieu du XIXe siècle, une rue commerciale, couverte et hébergeant de nombreuses boutiques.

Au numéros 26 et 28, un drôle de magasin avait ouvert ses portes : Gluten Chatillon. Il proposait en gros ou en détail des potages. De ce fait, il se proposait de vendre ses marchandises à des visiteurs particuliers, tout comme à des épiciers qu’il approvisionnait.

Officiellement, notre magasin est inscrit au registre du commerce comme un fabricant de pâtes alimentaires.

 

Une publicité forte

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas eu de mal à mettre la main sur des publicités du Gluten Chatillon. Certes le moteur de recherche proposé par le site de presse de la BNF, Retronews, est performant, mais nous avons l’embarras du choix pour vous proposer des encarts :

 

« GLUTEN CHATILLON NOUVEAU POTAGE, 50 c. le 1/2 kg, chez Châtillon, passage Vivienne, 26 et 28. Dépôt chez tous les épiciers de toute la France. » Le Siècle du 4 mai 1849

« GLUTEN CHATILLON Tapioca pulvérisé et bagou de l’Inde, 11 59 c. le 1p2 mil.; potages recommandés par les médecins. Gros et détail. Chez Chatillon, passage Vivienne, 26 et 28. » Le Droit du 20 janvier 1850

« GLUTEN CHATILLON. Nouveau potage 50 c le ½ kg. Tapioca pulvérisé et sagou préparés par Chatilion, 1.50 le 1/2 kil.; potages recommandés par les médecins. ESSAYEZ et JUGEZ. Chez chatillon, pass. Vivienne, 26-28, à Paris, et chez les principaux épiciers de France. — Remise au commerce » Le Constitutionnel du 11 février 1851

Force est de constater que ces publicités sont concentrées sur les années 1849 à 1851 ! Nous y reviendrons.

 

La mode du gluten en cette moitié du XIXe siècle

Comme nous avons pu un peu percevoir dans ces extraits publicitaires, le Gluten était mis en avant alors par l’Académie de Médecine. Aussi, se procurer du gluten et l’utiliser en additif alimentaire était perçu comme un gage de santé. Tout ce qu’il faut pour surfer sur une vague, ce qui explique l’engouement du tenancier de notre magasin.

Les industriels de cette spécialité pouvaient mettre en avant les rapports de l’Académie de Médecine, ainsi que la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, vantant le produit.

Dans ce domaine, un producteur tirait un avantage, M. Véron, installé à Poitiers.

En y regardant de près, nous sommes tout de même troublés sur les sources de gluten mis en avant Chatillon : le tapioca notamment, alors même que la protéine est issue de certains froments de blé, spécialement sélectionnés pour cela.

 

Tromperie sur marchandise

Mais voici, que tout début 1851, la publicité pour le Gluten Chatillon connait un coup d’arrêt brutal. En effet, le leader, Véron, avait intenté un procès contre Chatillon ainsi qu’un certain Manchion, vendeur installé dans les Batignolles, pour tromperie dans la marchandise.

En effet, Véron est alors détenteur d’un brevet pour une pate à potage constituée pour un tiers de gluten frais ou hydraté et de deux tiers de farine ordinaire. Or, il s’était rendu compte que Chatillon, tout comme Manchion vendait leurs pâtes, composées totalement de farine ordinaire et sans aucun rajout de gluten. En outre, Chatillon avait intégré dans ses étiquettes des mentions de l’Académie de Médecine vantant ce type de complément.

Ainsi, Chatillon fut condamné et dut cesser son activité.

 

Sources bibliographiques :

 

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