Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de quartier

Idée pour contrôler les apaches

Idée pour contrôler les apaches : Enfin la solution face au décalage du nombre des apaches et des sergents !

 

Dans les années 1900, les journaux déplorent la criminalité dans Paris. L’insécurité est liée aux rixes, mais aussi aux agressions et autres rackets de la part des apaches.

Cependant, à en croire les journalistes, le nombre d’apaches est en constante augmentation dans la ville. Aussi, tout le monde y va de sa petite proposition pour faire face.

En épluchant la presse de ces années pour identifier des drôles d’histoires sur les apaches, nous avons déniché cette conversation légendaire.

Le chroniqueur du Pèle-Mêle , Paul Héric, rencontre dans la rue le professeur de sociologie problématique Mitaine. Ils font un bout de chemin ensemble.

 

Des apaches qui sont trop rapidement relâchés

« – Je suis certain, en vous voyant si guilleret, que vous avez trouvé la clé de quelque question sociale réputée insoluble ?

– Je l’avoue, mon jeune ami, et voilà qui fait honneur à votre perspicacité. J’ai, en effet, trouvé, – après quels travaux – un moyen simple, pratique, propre, élégant et rapide de purger notre noble ville de Paris des Apaches qui la déshonorent »

Le professeur se proposait d’aller rejoindre le préfet de police pour lui conter sa nouvelle idée.

 

« – La question de la sécurité de Paris, débuta le professeur, est des plus simples. D’où provient le mal ? De Ce que le nombre des agents de police est insuffisant pour tenir en respect la totalité de MM. les Apaches.

– C’est, ma foi, vrai ! fis-je, vivement intéressé par l’originalité de cette remarque.

– Il faut donc, ou bien augmenter le nombre des agents de police, ou bien diminuer celui des Apaches. Or, ces deux propositions, en réalité, n’en font qu’une ; car, pour diminuer le nombre des Apaches, il faut augmenter celui des agents. »

 

Voici le point de départ de cette histoire ! Il était courant de considérer que la justice n’était pas assez dure auprès des apaches après que la police les ait arrêtés. Une courte peine et un retour à la rue pour de nouvelles aventures. Comment dans ce cas limiter en nombre les apaches se demandait-on ?

« – Vous avez dû remarquer, mon jeune ami, vous qui lisez beaucoup de journaux, que les Apaches arrêtés étaient presque toujours relaxés au bout de vingt-quatre heures. »

 

Réflexion sur l’arithmétique des nombres des agents et des apaches

« – Il faut donc, ou bien augmenter le nombre des agents de police, ou bien diminuer celui des Apaches. Or, ces deux propositions, en réalité, n’en font qu’une ; car, pour diminuer le nombre des Apaches, il faut augmenter celui des agents.

– Mon cher maître, vous m’émerveillez !

– Mais, continua le grand sociologue, dans quelle proportion devrions-nous augmenter la quantité d’agents ! Nous savons que le contingent apachien possède une force numérique trois fois et un tiers plus considérable que le contingent policier. D’autre part, la statistique établit qu’il faut, en moyenne, l’intervention de quatre agents et demi pour arrêter un Apache. L’arithmétique la plus élémentaire nous enseigne en conséquence que pour rendre la lutte égale, l’augmentation nécessaire du nombre des sergents de ville équivaudrait à la multiplication de ce nombre par le chiffre 75. Vous voyez où ce raisonnement nous entraîne ?

– Au-delà des limites du possible ? mon cher maître. »

Mettre quelques chiffres dans une argumentation fait toujours son effet !

« – Ou, tout au moins, au-delà des bornés de la générosité des contribuables, qui aimeront mieux garder leurs sous… et leurs Apaches, qu’entretenir cette véritable armée de défenseurs., J’ai donc trouvé mieux… »

 

La transformation d’apache en sergent de ville

La voici la solution miracle de notre professeur Tournesol !

« – Eh bien ! il s’agit simplement d’Appliquer le système contraire : tous les Apaches arrêtés seraient gardés.

– Mais, qu’en ferait-on, mon cher maître ?

– On en ferait… des sergents de ville !

– Oh !

– Des sergents de ville, parfaitement. N’avez-vous pas entendu dire que, dans les rangs de la police société et des brigades centrales, on avait enrôlé une certaine quantité d’anciens forçats et de cambrioleurs, dont la collaboration était précieuse ? Ces gens-là possèdent, comme on dit, des tuyaux fort intéressants : Voyez plutôt Vidocq, le Roi des Voleurs, qui devint le Roi des Policiers.

– Une petite remarque, mon cher maître. Votre système reviendrait à introduire le loup dans la bergerie, — si toutefois l’on peut comparer les agents à de douces brebis.

– Point. La surveillante des ex-Apaches serait facile, puisqu’ils demeureraient sous les yeux, et la poigne, des anciens agents. De plus, et c’est peut-être le point capital de mon idée, les vagues crapules qui se trouveraient revêtues d’une livrée municipale, tiendraient à faire honneur à leur tunique noire ornée de bouton d’argent… L’éternel prestige de l’uniforme à soutenir !… Et puis, leur existence nouvelle les délivrerait des mauvaises fréquentations. Ainsi, mon projet s’affirme-, non seulement pratique, mais aussi moralisateur et régénérateur… »

 

Chute de cette histoire

La discussion se finissant, nos deux acolytes venaient de rejoindre la préfecture de Police. Ils furent déçus de ne point trouver le préfet parti faire face à une manifestation quelconque.

« Nous nous retirions, un peu désappointés, lorsque nous croisâmes, dans un couloir, deux Apaches qui, sous la conduite d’un municipal, allaient subir un interrogatoire chez un sociétaire. Par malheur, l’antique parapluie de mon vénérable ami effleura légèrement le tibia d’un des deux Apaches…

Et alors, quel inoubliable spectacle !

Les chenapans se ruèrent sur le professeur de sociologie problématique, qui disparut dans un étourdissant tournoiement de poings et de pieds !…

  1. Mitaine gisait sur le sol, avec les yeux poches, le nez en compote, plusieurs côtes enfoncées, et son râtelier brisés en mule pièces… L’opération n’avait guère duré que deux ou trois secondés.

II se releva, radieux.

— Hein ! me dit-il, quel passage à tabac ! Je savais bien que ces gaillards possédaient des dispositions étonnantes pour devenir sergents de ville »  

 

Sources bibliographiques :

 

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