Histoires de Paris

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Histoires d'art

James Tissot et la guerre de 1870

James Tissot et la guerre de 1870 : enrôlé volontaire parmi les Tirailleurs de la Seine pour défendre Paris !

 

Comme tous les français, James Tissot fut rattrapé par la guerre de 1870. Malgré la défaite de Sedan et la chute de Napoléon III ! En effet, le gouvernement de la IIIe république naissante poursuit le combat. L’armée prussienne se rapproche toujours et toujours plus près de Paris. La capitale est assaillie. Aussi, nombre de parisiens rejoignent les couleurs pour participer à la défense de la ville. C’est le cas de plusieurs artistes. James Tissot en fait partie et se retrouve sous les ordres dans la compagnie appelée les Tirailleurs de la Seine.

 

Les Tirailleurs de la Seine.

« Dès les débuts du siège de Paris, une compagnie de cent quinze hommes s’est formée sous le nom des tirailleurs de la Seine. Dans cette compagnie se sont enrôlés quelques avocats de talent, des artistes ayant fait leurs preuves, tous jeunes hommes d’avenir qui n’ont pas hésité, les Prussiens s’avançant à échanger les dossiers judiciaires, le pinceau et l’ébauchoir contre un chassepot ou une carabine. Là se trouve le peintre Vibert, l’auteur du Gulliver couché, qui eût tant de succès à l’exposition dernière ; Eugène Leroux, qui doit sa récente réputation à la Naissante bretonne ; le fin et original Tissot ; Berne Bellecour, et Louis Leloir ; le graveur Jacquemart, les sculpteurs Jacquet et Cuvelier ; l’architecte Vanier. »

Ce récit nous est donné par le Monde Illustré du 5 novembre 1870, relatant les événements de cette guerre. Nous y reviendrons nous-mêmes.

Ainsi, nous pouvons nous rendre compte que les Tirailleurs de la Seine accueillaient parmi les siens, un certain nombre d’artistes et personnalités connues dans le Paris d’alors.

 

Les premières opérations de défense

En septembre 1870, l’armée prussienne est aux portes de Paris. Il convient pour les forces françaises de chercher à éviter à ce qu’elle ne rentre dans la capitale. Ainsi que le décrit, le Petit Moniteur universel, les Tirailleurs de la Seine sont de la partie.

« La compagnie des tirailleurs de la Seine, commandant Dumas et capitaine Sauvage, a défendu hier toute la journée le pont de Sèvres contre les attaques incessantes de la cavalerie ennemie (chasseurs bavarois). Grâce à l’attitude énergétique de cette troupe, le pont de Sèvres a pu être détruit par la mine, le soir même.

Des carabiniers volontaires de la garde nationale et un détachement de gendarmerie à pied ont puissamment contribué à la défense. »

 

Les missions de reconnaissance au Mont Valérien

Ces opérations se déroulant, l’armée prussienne donne l’impression comme un jeu de chat et de la souris avec les défenses françaises fin septembre et début octobre 1870.  En effet, les prussiens ne souhaitent pas prendre d’assaut la ville, protégée par ses fortifications. Elle souhaite se concentrer sur des attaques à distance, laissant la ville se retrouver sans approvisionnement.

Aussi, l’armée française organise plusieurs actions de reconnaissance, à laquelle participent les Tirailleurs de la Seine de James Tissot.

Le Moniteur de la République rapporte la situation le 3 octobre 1870

« Pendant que le général Ducrot faisait sa reconnaissance du côté de Bougival, le général Renault poussait avec 25 000 hommes une reconnaissance vers Rueil, où l’on disait 10 000 Prussiens massés à la Malmaison, avec 6 pièces d’artillerie.

Le corps d’expédition est parti à 3 heures du matin du rond-point de Courbevoie, avec 72 pièces de canons, dont 36 mitrailleuses.

Dans ce corps de 25 000 hommes, il y avait le 6e et le 7e bataillon de la mobile de la Seine, les francs-tireurs et les tirailleurs de la Seine, un régiment de gendarmes nationale de Clichy.

La présence de la garde nationale placée au centre de l’expédition, a électrisé les troupes.

L’expédition a contourné à droite le fort du Mont Valérien et est arrivée à Rueil à 5 heures du matin.

Les Prussiens, prévenus à temps – on ne sait comment les Prussiens sont toujours prévenus à temps- avaient déménagés depuis une heure vers Versailles par le bois du Butar, évitant ainsi les atteintes du Mont Valérien.

Cette grande reconnaissance ou pas un coup de fusil n’a été tiré, est rentrée le matin à Paris. Si l’expédition est partie une heure et était montée par Garches au lieu de contourner le Mont Valérien par Nanterre, les 10 000 Prussiens à Rueil tombaient dans nos mains. C’est un coup à recommencer. »

 

Puis sur les bords de la Seine

Ces opérations de reconnaissance se poursuivent ensuite, ainsi que l’écrit le Petit Moniteur Universel du 8 octobre 1870

« Dans l’après-midi, les tirailleurs de la Seine, éclaireurs de la Seine, tirailleurs des Ternes et carabiniers de Neuilly, ont poussé une reconnaissance très hardie sur les bords de la Seine, entre Chatou et Argenteuil ; ils ont tiraillé ave les avant-postes ennemis, placés sur l’autre rive.

Cette reconnaissance, conduite par le général Ducrot, était appuyée par cinq escadrons de cavalerie, gendarmes et dragons, et quelques pièces qui ont jetés des obus dans un poste ennemi, au pont des Anglais.

Le général Ducrot se loue beaucoup de la très bonne attitude de ses troupes ; les gendarmes avaient, au préalable, exécutés une reconnaissance en éclaireurs consommés »

 

La bataille de la Malmaison

Toutefois, le combat se précise et se durcit fortement pour nos soldats. C’est un tout autre tableau que décrit alors le Monde illustré du 5 novembre

« L’autre jour, à l’affaire de la Malmaison, soixante d’entre eux sont mis en avant avec 80 enfants perdus de la ligne. A la tête de la colonne d’attaque, ils se déploient en tirailleurs, se jettent dans les vignes, se blottissent derrière les échelas, ouvrant le feu contre les prussiens qui, sortis du bois d’en face, font sur eux un feu d’enfer. Les balles sifflent, ricochent autour d’eux. On leur fait cesser le feu, on leur commande de se coucher ventre à terre et les mitrailleuses envoient leur mitraille à l’ennemi par-dessus leur tête. Ils restent ainsi une demi-heure au milieu d’une mêlée terrible. La retraite sonne. On se compte. Le sculpteur Cuvelier est là gisant. Une balle l’a frappé en pleine poitrine ; il est mort sur le coup. Eugène Leroux a reçu une balle à la hanche, une autre à la jambe gauche, il ne peut faire un pas ; l’architecte Vanier a la poitrine déchirée par un éclat d’obus, une balle dans les reins. Vibert est atteint à la hanche et à la cuisse, deux fortes contusions.

Les tirailleurs de la Seine ont vaillamment fait leur devoir à la Malmaison. Ils ont été mis à l’ordre du jour par le général et le gouverneur de Paris, qui, on le sait, n’est pas prodigue de ces citations honorables. »

 

La recherche des blessés après le combat de la Malmaison

Dans son édition du 4 novembre 1870, le Gaulois publie le compte rendu d’un ambulancier italien après le combat de la Malmaison. Le lendemain des combats, des secours quittent la porte Maillot pour rejoindre les lieux des affrontements. Sur le chemin, ils retrouvent James Tissot, qui visait le même but qu’eux. Lui aussi, s’était mis en tête de retrouver des soldats tombés au combat.

Sur le chemin, ils trouvèrent un soldat du 3e zouave. Malgré leurs efforts, ils ne purent le ramener à la vie, emportée par une trop longue hémorragie. Tissot, de son côté, put retrouver le corps de Cuvelier, récupérant alors son fusil et quelques objets qu’il pouvait avoir sur lui.  Cependant, rapidement après cette opération, les ambulanciers et Tissot furent arrêtés par les prussiens. Tout un itinéraire débuta lors pour eux, promenés entre les officiers et les soldats ennemis. Ils furent conduits à de nombreuses reprises devant différents interlocuteurs pour expliquer leurs motivations… les prussiens craignaient les espions.

Au fil des heures, ils furent autorisés à rebrousser chemin et revenir sur Paris.

 

Les souvenirs du Siège de Paris

De cette période très difficile et passée à arpenter, le fusil à la main, James Tissot laissa quelques dessins que nous reprenons en illustration de cet article. L’un attire particulièrement notre attention par son titre : il fait référence au croisement d’un soldat mort sur le chemin, qui frappa Tissot.

Cet ensemble de dessin, regroupés dans les souvenirs du Siège du Paris, témoigne de quelques-uns des compagnons de combat de Tissot, mais aussi les difficultés de la guerre. Il s’y remémore le premier soldat rencontré mort sur son chemin, ainsi qu’un campement de fortune.

 

Sources bibliographiques :

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