Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de Seine

Promeneurs sur la Seine gelée en décembre 1879 

Promeneurs sur la Seine gelée en décembre 1879 : à leurs risques et périls certains s’aventurent sur la glace

 

A la faveur d’un froid intense pendant plusieurs semaines, la Seine se retrouve totalement gelée en décembre 1879 sur une grande partie de son parcours à Paris.

Cette situation n’est pas les plus courantes, même au cours du XIXe siècle. Aussi, nombre de curieux se précipitent pour venir voir le fleuve, malgré les difficultés de circulation en lien avec l’accumulation de la neige. Les plus intrépides d’entre eux eurent vite qu’une seule envie : aller au-delà des berges et marcher sur la Seine.

 

Un jeu du chat et de la souris

Comme on peut l’imaginer, ce sont les jeunes qui sont les premiers à vouloir se rendre en bas. Ce d’autant, ainsi que nous le détaille le Petit Journal du 7 décembre, « le petit bras de la Seine, depuis le Pont au Change jusqu’au pont de l’Archevêché, est pris ».

La tentation de faire du patinage est forte : « Les gamins commencent à y essayer leurs patins. »

Ces idées ne sont du reste pas du tout du goût des policiers qui se mettent activement à surveiller les passants. Et les points à contrôler sont nombreux, ainsi qu’on peut l’imaginer ! Le Petit Parisien du 13 décembre 1879 détaille la scène :  

« Une surveillance des plus actives est exercée sur tous les ponts, afin d’empêcher les patineurs de se risquer sur le fleuve et les gamins d’y faire des glissades. »

Un drôle de jeu s’installe : « Ce qui n’a pas empêché hier deux d’entre eux de traverser la Seine au pont de la Concorde, tandis que plus de cinq cents personnes les regardaient passer avec quelque anxiété. Les deux petits drôles ont dû revernir sur leurs pas four échapper aux agents qui les guettaient sur l’autre bord. »

 

Une activité qui reste bien dangereuse

Ainsi qu’on peut l’imaginer, il était très dangereux de s’aventurer sur la Seine. Tout d’abord, au début du phénomène, par la fine couche de glace qui risque de craquer sous le poids d’un passant. Ensuite, sous la glace, l’eau poursuit son mouvement. Cela implique des évolutions du courant, pouvant attaquer la partie solide et lui retirer sa solidité.

Enfin, dans cette période, le niveau de la Seine était très changeant. Avant les semaines gelées, la Seine était fortement alimentée par les précipitations précédentes. Avec le froid, ce flux diminua, faisant baisser le niveau du fleuve. Aussi, par endroit, entre la glace et l’eau, il pouvait y avoir un certain trou.

En tout état de cause, gare à celui qui tombait dans l’eau !

Pour nous accompagner dans notre conviction, nous revenons sur ce fait rapporté le 14 décembre, par le Petit Journal :

« Au pont Solferino, où la Seine est complètement prise, un cocher de maison a voulu traverser le fleuve, hier matin. Il est arrivé sans encombre jusqu’à la hauteur de la deuxième pile ; mais la glace a cédé sous le poids de cet imprudent, dont une des jambes s’est enfoncée dans l’eau à travers la glace. Les efforts qu’il a tentés pour essayer de se retirer ont fait céder un autre morceau de glace, et aussitôt cet homme s’est trouvé complètement plongé dans l’eau jusqu’aux aisselles.

Ce malheureux a poussé un cri de terreur et a eu la présence d’esprit d’étendre les bras, ce qui lui a permis de se soutenir dans cette position périlleuse, en attendant qu’on vint à son secours. Ce n’est qu’au milieu des plus grandes difficultés qu’on est parvenu à le retirer, à demi gelé et sans connaissance. » 

 

Des promeneurs toujours plus nombreux

Toutefois, les jours s’enchaînent et se ressemblent. La neige est toujours là. Le froid intense en dessous de -10°C. se poursuit.

Toutes les conditions pour que la couche de glace devienne plus épaisse.

Aussi, la curiosité et le courage des promeneurs se renforcent. Ils y avaient, d’ailleurs, été en quelque sorte encouragé par le rappel d’un épisode étonnant de 1859, rapportée par le Petit Journal du 11 décembre 1879 : « Ce sera la cinquième fois que ce fait se sera produit, dans notre siècle. Si notre mémoire nous est fidèle, en 1859, on avait installé, sur la glace, des baraques et des boutiques, semblables à celles qu’on établit, tous les ans, à partir de Noël, sur les boulevards. »

 

Cette situation se confirme un peu avant les fêtes. Le Petit Journal écrit le 23 décembre 1879 :

« La Seine forme en ce moment un plancher des plus solides ; on peut la passer sans danger dans plusieurs endroits. »

 Ce ne dissuade pas les policiers de prendre garde :

« De nombreux gamins patinent sur le canal Saint-Martin, et les gardiens de la paix sont obligés de garder l’accès des escaliers qui mènent à la Seine pour empêcher les gens d’y descendre. »

 

Cette situation ne le limite pas à la Seine. Rendons sur les bords de Marne avec le Petit Parisien du 15 décembre 1879 !

« La Marne est toujours complètement prise. Hier, décembre, doux constructeurs de bateaux bien connus, MM. Sadoux père et fils ont traversé cette rivière avec une brouette chargée de 100 kilos de charbon. »

Comme on le voit, le froid infernal de 1879 fut difficile pour de nombreux parisiens, dont un certain nombre eurent de graves accidents. Mais l’hiver a ses joies, sans être totalement sans risque.

 

Sources bibliographiques :

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