Histoires de Paris

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Vies de fêtes

Les répliques du catéchisme poissard

Les répliques du catéchisme poissard : des invectives dans un niveau de langue cherchant à imiter les marchés et les rues

 

A Carnaval, lors des jours gras, notamment le mardi gras, dans la première moitié du XIXe siècle, les rues étaient envahies par les masques. C’était une grande procession qui s’élançait dans les rues : la promenade des masques.

Cette fête se terminait le matin du mercredi des cendres par la fameuse descente de la Courtille entre Belleville et le boulevard du Temple, actuelle place de la République.

Les masques avançaient en s’amusant mais aussi en s’invectivant et en se querellant. Toutefois, malgré l’impression de désordre, tout était codifié par les catéchismes poissards.

Revenons sur les répliques du catéchisme poissard ! Découvrons ces insultes et le niveau de langue utilisé ! Pour cela, nous allons nous plonger sur quelques textes issus des catéchismes poissards.

 

Quelques insultes pour commencer

Le catéchisme poissard visait à reconstituer les échanges dans la rue ou dans les marchés par les habitants de Paris. Parmi ces habitants, il y a avait les célèbres poissardes, c’est-à-dire les vendeuses de poissons. Femmes avec beaucoup de caractères, elles répondaient à leurs détracteurs avec un langage très fleuri :

« Tiens c’marpeau » « infernal’gueule à soupape » « rouchi » « double gueuse »  « maquereau »

« Vilain habitant d’Barbarie » « Vieux manche de gigot » « magot d’la Chine » « maritorne »

« bambocheur »  « race de vipère »

« Cet argousin » « Ton grand nez qui fait carillou » « Figur’ de hareng pec » « Ta gueule est l’portrait d’un égoût »

 

Des répliques toutes faites en fonction des masques rencontrés

Dans la promenade des masques, des figures revenaient régulièrement. Il pouvait s’agit de personnages déguisés sur la base des métiers parisiens qu’on trouvait dans la rue et les marchés : forts, écaillères, chiffonniers… Mais il y avait aussi des figures du folklore parisien : Arlequin, Polichinelle, les sultans, les magiciens… Au centre de tout cela, les poissardes !

Ainsi, dans les catéchismes poissards, ces personnages en avançant, s’adressaient pour commencer à la poissarde, qui leur envoyait systématiquement une réplique cinglante :

 

Personnage croisé dans la rue Exemple de réplique adressée par la poissarde
Apothicaire  « limonadier des postérieurs qui vend la mort dans ses liqueurs »
Chiffonniers « M. Cendrillon » « mauvais marchand d’lapin d’gouttière ».
Fort  « vieille cloison démolie, avec ta tête de chauve souris »
Décrotteur  « Monsieur Fanfan ! Qui croirait qu’il a toute ses dents ».
Sultan  « Monsieur l’sultan’turban » « Monsieur l’cousin du grand chien »
Don Quichotte  « vilain moule à poupée »
Jockey  « t’as les jambes en pied d’blanc »
Magicien « vieux loup garou des rues, avec ta figure de pendu »

 

Les thématiques des répliques

Ces invectives s’inscrivaient dans une passion parisienne d’alors : se quereller. Pour beaucoup, il était très amusant de chercher la dispute et la bagarre autour de soi dans la rue. Cela pouvait être une stratégie de subsistance pour certains, en profitant des occasions pour voler et chaparder. On retrouve ces effets dans des nombres scénettes évoquées dans les catéchismes poissards, mais aussi dans les écrits du genre poissard, dont ils s’inspiraient.

Pour d’autres parisiens, c’était indispensable pour marchander. Tout ce qui se vendait se marchandait dans la rue. Aussi, aller faire le marché impliquait se quereller. Pour impressionner l’autre, l’invective et l’insulte étaient monnaie courante. On retrouve ces traits dans les catéchismes poissards

Par ailleurs, le registre sexuel se retrouve également souvent dans ces textes. Carnaval était un moment de liberté d’ailleurs. Beaucoup allaient au bal de l’Opéra pour intriguer. On dirait, aujourd’hui, draguer.

Aussi, ce registre sexuel se retrouvait pour ces intrigues bien sûr. Il entrait également dans le registre de l’invective pour laisser penser que l’autre personne n’avait que peu de vertu, élément essentiel de réputation et de survie à l’époque.

 

La langue française dans les catéchismes poissards.

La promenade des masques visait à reproduire la vie des parisiens dans les marchés et les rues. Aussi, elle voulait reprendre son niveau de langue. Le patois de Paris, qu’on retrouve largement dans les écrits du genre poissard, était largement utilisé pour ces échanges.

Ainsi, le registre de langue était volontairement simplifiant : « Qui qui lui parle à ce faux malin » « Je vois ben pourquoi tu m’attaques » « Quien ! D’ous que tu m’connais »

 

Par ailleurs,  certaines formes de conjugaison sont modifiées : à la première personne du singulier, il était utilisé la forme habituelle de conjugaison pour la première personne du pluriel : « tu verras si j’sommes dans l’cas de t’répondre. ».

On avait également une modification dans le pluriel : « ils l’aimeriont ».

On retrouve les mêmes apostrophes et les mêmes rétrécissements de mots que pour le français du genre poissard : « Not’société » « v’là-t-il une belle société ».

 

Quelques expressions 

Pour finir, voici pour illustration, quelques répliques du catéchisme poissard :

« Je vois ben pourquoi tu m’attaques : c’est pour dégueuler ton catéchisme. »

« As-tu dégoisé assez d’menteries ? »

« Tu mériterais ben queuq’taloche ».

 

Sources bibliographiques :

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