Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

La rue de Rome croulant sous la crue de 1910

La rue de Rome croulant sous la crue de 1910 : arrivée par le métro et les égouts, l’eau montait sans cesse !

 

Quel quartier emblématique se trouva pris au piège lors de la grande crue 1910 ? Bien sûr, il faut penser aux quartiers populaires et ouvriers autour de Javel et d’Auteuil, de Bercy et du quai de la Gare. Dans ces lieux, la Seine fait partie du paysage, passant non loin.

Cependant, le quartier de la Gare Saint Lazare nous semble bien loin. Et pourtant !

 

Retour sur cette histoire !

 

L’inondation apportée par le métro en construction

En janvier 1910, depuis plusieurs années, le Nord Sud est en construction. Il doit apporter le métier dans le quartier, en passant par la Concorde et en venant du Sud Ouest de Paris.

Cependant, comme l’indique le Petit Parisien du 22 janvier, sous la pression des eaux dans les égouts, un mur éclate à la station Assemblée nationale. Là, l’eau s’infiltre avec fureur dans le tunnel, allant jusqu’à Saint Lazare.

 

Mais aussi par les égouts

Ici aussi passe un très ancien égout, venant du centre de Paris et allant vers l’ouest. Lors de la crue de 1910, les eaux passant dans l’égout sont très fortes et inondent totalement les sous-sols, comme l’écrit le 26 janvier, le Matin.

« L’eau a pénétré dans les caves de presque tous les immeubles situés entre la rue du Havre, la rue de Rome et la rue de Provence. Au 123 de la rue Saint Lazare, l’eau a creusé dans la cave d’un restaurateur un trou de 50 à 60 centimètres de diamètre. Elle atteint 50 centimètres de hauteur dans certains immeubles de la rue de Rome »

 

Rapidement, la situation se dégrade, ainsi que l’écrit le lendemain le Petit Parisien.

« Aucun véhicule n’étant admis à circuler entre la rue de Rome et la rue Caumartin d’un côté, et entre la rue de Provence de l’autre, tout bruit provenant du passage des voitures a cessé… Le silence du passage le plus absolu, le plus angoissant règne sur toute cette partie du centre de Paris, hier encore la plus animée et la plus gaie. »

 

 « La situation, ici, est toujours critique. Les maisons qui encadrent les places de Rome et du Havre, et qui bordent la rue Saint Lazare sont surveillées de très près. Les habitants ne dissimulent pas leurs vives inquiétudes » 

 

L’inondation sur la chaussée.

Dans la journée, l’eau finit par apparaître sur la chaussée.

« Vers dix heures du soir, un filet d’eau a commencé à sourdre lentement du puits du métropolitain, place de Rome, devant la grille d’entrée de la gare Saint Lazare. »

« Sous la pression des eaux souterraines, les plaques des trottoirs se soulevaient, ouvrant des trous, au fond desquels on entendait très nettement l’eau gronder.

En présence du péril qui menaçait les passants et les curieux, M. Duponnois, commissaire du quartier, a donné l’ordre de reculer les barrages qui, dans la rue du Havre ont été repoussés jusqu’à la rue de l’Isly, et, dans la rue Saint Lazare, de la rue de Rome jusqu’à la rue Caumartin. »

 

 

« Angoisses dans la nuit »

Compte rendu par le Matin du 28 janvier 1910 !

« De l’avis de l’ingénieur en chef du service du métropolitain, les abords de la gare Saint Lazare constituent à l’heure actuelle le point le plus dangereux de Paris.

Par suite de la rupture des égouts, l’eau s’infiltre partout, et sur certains points, notamment aux abords de la cour de Rome, c’est à peine s’il y a une épaisseur de sol de quarante centimètres entre le pavé et la partie du sol minée par l’inondation.

A neuf heures, M. Touny, directeur de la police municipale, se rend sur les lieux. Autour de lui, M. Leroy, commissaire spécial de la gare Saint Lazare, et M. Martin, officier de la paix du neuvième arrondissement, qui rendent compte des précautions par  eux prises.

Touny décide que toute la rue Saint Lazare, devant la gare et l’hôtel Terminus, sera rigoureusement interdite à la circulation. Les grilles des cours de Rome et du Havre vont être fermées. »

 

Avec les heures de la nuit qui avance, c’est la poussée de l’inondation qui se renforce

« Le sol continue à se tasser et à s’affaisser au carrefour de Rome, au-dessus de la galerie du métro. Entre les pavés de bois, l’eau suinte.

Sans discontinuer, de nombreuses pompes à vapeur en batterie dans la cour de la gare, dans les rues Saint Lazare, de Rome et de la Pépinière, rejettent à flots l’eau des égouts qui a envahi les gares. »

 

Une rue où seuls les soldats veillent 

Le lendemain, la situation est particulièrement critique, comme témoigne le Matin

« La gare Saint Lazare et les rues qui l’environnent offrent actuellement le spectacle le plus lugubre qui soit. La situation déjà critique avant-hier, n’ayant cessé d’empirer, des mesures de plus en plus sévères ont dû être prises d’heure en heure par les officiers de la paix des huitième, neuvième et dix huitième arrondissements, chargés d’assurer la sécurité et l’ordre sur les points menacés. Dés deux heures de l’après midi, hier, toute la partie en façade de la gare, cour de Rome et cour du Havre, ainsi que presque toutes les rues y donnant accès étaient interdites au public. Des cordages que gardent les soldats et des agents défendent l’accès à toute personne ne pouvant justifier qu’elle y a son domicile. Encore l’habitant est-il accompagné jusqu’à sa porte par un agent.

 

Va-t-on faire évacuer ?

C’est en tout état de cause, la question que se pose le Petit Parisien

« Bien qu’aucun péril immédiat ne menace les immeubles riverains des carrefours de Rome et du Havre, ils font l’objet d’une surveillance constante. A la moindre alerte, on fera partir les locataires qui les occupent encore. La plupart d’entre eux surveillent de leurs fenêtres les progrès de l’inondation.

Des barrages sont établis en travers des voies et notamment : rue Saint Lazare, à la hauteur du passage Tivoli, à chaque extrémité de la rue d’Isly, rue du Havre et rue de Rome. »

 

Sources bibliographiques :

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