Les Guénégaud et les Arts : Un Mécénat au Service du Prestige et du Pouvoir
La Maison de Guénégaud, l’une des familles les plus influentes du XVIIe et XVIIIe siècles en France, occupe une place centrale dans l’histoire politique, économique et culturelle de l’époque. Originaires d’un milieu bourgeois, les Guénégaud ont su s’imposer comme des figures marquantes de la haute noblesse sous l’Ancien Régime, notamment grâce à leur proximité avec le pouvoir royal et à leurs activités dans les sphères administratives et financières. Cependant, leur influence ne se limite pas à ces domaines : les Guénégaud ont également joué un rôle déterminant dans le développement de la culture et des arts en France, à travers un mécénat artistique qui leur a permis de marquer durablement le paysage culturel du pays.
Au XVIIe et XVIIIe siècles, la France connaît une véritable floraison des arts, notamment sous le règne de Louis XIV. La monarchie, soucieuse d’affirmer sa grandeur et son prestige, voit dans le mécénat une forme de propagande et de représentation de sa puissance. Dans ce contexte, l’élite aristocratique, dont les Guénégaud faisaient partie, a largement contribué à soutenir la production artistique, en soutenant les artistes et en participant activement à l’essor de grandes institutions culturelles. Leur mécénat s’inscrit donc dans un cadre plus large, celui d’une société où l’art, loin d’être simplement un produit esthétique, devient un outil au service du pouvoir et du prestige.
L’objet de cet article est de comprendre comment les Guénégaud ont utilisé les arts pour affirmer leur prestige et leur influence au sein de la société de l’Ancien Régime. Quelles formes a pris leur engagement artistique ? Quelles ont été les motivations sous-jacentes à ce mécénat ? Enfin, quel impact ce mécénat a-t-il eu sur le développement artistique et culturel de la France, et en particulier sur le rayonnement de la monarchie ? À travers cette analyse, nous tenterons de mesurer l’ampleur de l’engagement des Guénégaud dans le domaine artistique, en explorant les multiples facettes de leur mécénat.
Ainsi, cet article se propose d’examiner les motivations des Guénégaud à soutenir les arts, de détailler les domaines artistiques qu’ils ont privilégiés et de mesurer l’impact de leur engagement sur la culture française. En explorant ces questions, nous chercherons également à comprendre l’ambiguïté de leur mécénat : est-il véritablement au service de l’art et de la culture, ou est-il avant tout une stratégie pour affirmer leur statut et leur pouvoir au sein de la noblesse ?
Une famille mécène : Les Guénégaud et le soutien aux arts
Les Guénégaud ont compris que la culture et les arts étaient des instruments essentiels pour marquer leur ascension sociale et politique. Le mécénat artistique, loin d’être un simple acte de générosité, était pour eux une manière de s’affirmer dans une société où la noblesse ne pouvait se contenter d’un statut héréditaire. Le soutien aux arts devenait ainsi un moyen de renforcer leur prestige familial et de se situer parmi les grandes familles aristocratiques de leur époque. Ce mécénat s’inscrivait également dans une tradition plus large de la noblesse du XVIIe siècle, où les grandes familles utilisaient l’art comme un moyen de briller et de se faire connaître dans les cercles influents du royaume. Mais chez les Guénégaud, il y avait une dimension particulière : un véritable engagement personnel dans le domaine artistique, marqué par une passion sincère pour l’art, tout autant que par des ambitions sociales et politiques.
Les motivations du mécénat des Guénégaud
Les motivations derrière l’engagement des Guénégaud dans le mécénat artistique étaient multiples et complexes. D’abord, il y avait une volonté claire de solidifier leur position au sein de l’aristocratie française, en utilisant l’art pour affirmer leur statut social. Dans un contexte où les rangs de la noblesse étaient marqués par la compétition, le mécénat représentait une opportunité de démontrer leur pouvoir financier et culturel. Par le soutien aux arts, les Guénégaud cherchaient à établir un lien direct avec le roi et à se rapprocher des cercles royaux.
En outre, il existait une forte dimension politique dans ce mécénat. En soutenant les arts et la culture, les Guénégaud contribuaient au rayonnement de la monarchie et à l’épanouissement culturel du royaume, s’associant ainsi à la grandeur de la France sous Louis XIV. En devenant des mécènes de premier plan, ils renforçaient leur propre position en tant qu’acteurs influents dans la sphère politique et culturelle. L’art devenait, par conséquent, un outil puissant de représentation et de communication : non seulement un moyen de montrer leur richesse et leur goût raffiné, mais aussi un moyen de participer activement à la construction de l’image de la France et de la monarchie.
Enfin, ce mécénat visait également à favoriser l’épanouissement de la culture française, par le financement de projets artistiques et d’initiatives culturelles d’envergure. Les Guénégaud s’impliquaient non seulement pour leur propre prestige, mais aussi pour contribuer à l’essor d’un art national, à la fois innovant et prestigieux. En soutenant des artistes talentueux, en commanditant des œuvres majeures, et en participant à des projets artistiques ambitieux, ils s’engageaient dans un projet culturel d’envergure qui allait bien au-delà de leurs intérêts privés.
Soutien aux artistes et aux académies
Le soutien des Guénégaud aux artistes se manifesta par un financement généreux et un encouragement actif envers des peintres, sculpteurs, et architectes, dont les noms ont marqué l’histoire de l’art français. Ces mécènes ont ainsi soutenu de nombreux talents en offrant des commissions importantes, en assurant des protections et en facilitant leur intégration dans les cercles aristocratiques et artistiques. L’un des aspects les plus marquants de leur mécénat fut leur relation avec des artistes de renom tels que Charles Le Brun, François Girardon, ou encore Pierre Mignard. Ces artistes, qui étaient des figures incontournables de l’époque classique, ont eu l’opportunité de réaliser des œuvres pour les Guénégaud, renforçant leur image de mécènes éclairés et raffinés.
Outre ce soutien individuel aux artistes, les Guénégaud ont également joué un rôle essentiel dans le financement et la structuration des grandes académies royales qui formaient la base de la vie artistique en France. Ils ont contribué au développement de l’Académie royale de peinture et de sculpture, qui, sous Louis XIV, était un des piliers de la culture française, favorisant l’émergence d’un art conforme aux idéaux monarchiques. En tant que membres influents de la société, les Guénégaud ont participé activement à ces institutions, leur permettant de jouer un rôle dans le développement du goût et de la norme artistique qui régnaient à la cour. Leurs contributions aux académies ne se limitaient pas uniquement à des soutiens financiers ; elles incluaient également des apports intellectuels et sociaux, en favorisant la promotion de certaines formes artistiques et en orientant le discours esthétique de l’époque.
Commanditaires et collectionneurs d’art
La Maison de Guénégaud s’est également distinguée par son rôle de commanditaire d’œuvres artistiques de grande envergure. En commandant des pièces pour leurs résidences, ils ont permis à des artistes de laisser une trace indélébile dans l’histoire de l’art. Leurs hôtels particuliers, comme l’Hôtel de Guénégaud à Paris, ont été ornés de nombreuses œuvres d’art, contribuant à la définition du goût aristocratique de l’époque. Les Guénégaud ont ainsi joué un rôle clé dans le développement des collections d’art privées qui, au XVIIe et XVIIIe siècles, constituaient un marqueur de statut social. La collection d’œuvres d’art chez les aristocrates n’était pas seulement une affaire de possession ; elle était aussi une manière de démontrer son statut et son pouvoir. Dans ce cadre, les Guénégaud ont acquis des œuvres d’une grande qualité et ont constitué des collections prestigieuses qui ont nourri la culture visuelle de l’époque.
Leurs acquisitions n’étaient pas seulement des œuvres de valeur, mais aussi des symboles de leur goût raffiné et de leur place dans l’élite sociale. Les objets d’art étaient aussi des instruments de propagande et de représentation : à travers leurs collections, les Guénégaud affichaient non seulement leur richesse, mais également leur positionnement politique et leur engagement culturel. De cette manière, l’art devenait un moyen de légitimer leur influence au sein de la société et de se rapprocher des cercles de pouvoir, tout en s’inscrivant dans une dynamique plus large de soutien à la grandeur de la France.
Les Guénégaud et le théâtre : une passion affirmée
Parallèlement à leur engagement dans les arts visuels, les Guénégaud ont également manifesté une passion marquée pour le théâtre. La scène théâtrale, au XVIIe et XVIIIe siècles, était un moyen puissant de représenter les valeurs et la grandeur du royaume, tout en participant au rayonnement culturel de la monarchie. Le théâtre se trouvait à l’intersection de l’art, de la politique et de la culture, un lieu où la noblesse pouvait à la fois s’affirmer et participer à la vie sociale et intellectuelle de la cour. Les Guénégaud, en tant que mécènes éclairés, ont compris l’importance de cette forme d’art pour renforcer leur prestige et s’identifier aux grands acteurs de la culture royale.
Le soutien à la Comédie-Française et au théâtre parisien
Le soutien des Guénégaud à la scène théâtrale parisienne est un aspect significatif de leur mécénat culturel. Au cœur de cette dynamique se trouvait la Comédie-Française, institution symbolique de la culture théâtrale française. Les Guénégaud, en tant que figures influentes de la noblesse, ont contribué au soutien financier de la troupe, offrant ainsi leur protection à l’une des institutions les plus prestigieuses du théâtre classique français. Ce soutien n’était pas uniquement d’ordre financier, il s’agissait également d’une forme de légitimation culturelle, où les Guénégaud participaient à la reconnaissance et à la diffusion de l’art théâtral de leur époque.
En protégeant les troupes théâtrales, les Guénégaud ont également œuvré à promouvoir certains auteurs dramatiques, notamment ceux dont les œuvres s’inscrivaient dans le cadre des idéaux classiques portés par la monarchie de Louis XIV. Ils ont joué un rôle de prescripteurs culturels, soutenant des pièces qui allaient dans le sens de la grandeur royale et de la moralité d’État. Cette implication faisait des Guénégaud des figures de premier plan dans le mécénat théâtral de l’époque, intégrant le théâtre dans leur stratégie de représentation et de prestige. Leur soutien allait au-delà des simples spectateurs : en apportant une aide tangible aux artistes, ils participaient à la structuration du monde théâtral et contribuaient à la pérennité de la Comédie-Française.
Les Guénégaud étaient également attentifs à l’évolution du répertoire théâtral, apportant des contributions pour la mise en scène de certaines pièces et s’assurant que les productions s’adaptent aux goûts du public tout en préservant l’aspect moral et esthétique du théâtre classique. Ce soutien faisait des Guénégaud des acteurs déterminants dans la consolidation de l’art dramatique en France.
Le théâtre de Guénégaud : un lieu emblématique
Au-delà de leur implication dans les institutions parisiennes, les Guénégaud ont également créé un espace spécifique pour le théâtre : le Théâtre de Guénégaud. Ce théâtre, fondé dans la première moitié du XVIIIe siècle, est devenu un lieu emblématique de la scène théâtrale de l’époque, témoignant de l’engagement direct de la famille dans le soutien à l’art dramatique. Le Théâtre de Guénégaud a d’abord été un lieu de représentation des grandes œuvres classiques, mais aussi un espace où de nouveaux talents ont pu se faire connaître. En soutenant ce lieu, les Guénégaud se sont assurés une place centrale dans la vie culturelle de Paris, s’associant au développement de la scène théâtrale de l’Ancien Régime.
Le Théâtre de Guénégaud représentait non seulement un espace de spectacle, mais également un vecteur de prestige pour la famille. L’immeuble en lui-même était un symbole de leur statut : un théâtre somptueux, reflétant la grandeur de la famille et servant de point de rencontre pour l’élite culturelle et aristocratique. Le lieu attirait les plus grands noms du théâtre et du spectacle, offrant aux Guénégaud une occasion de s’inscrire dans le réseau culturel parisien tout en consolidant leur image de mécènes puissants et raffinés.
L’impact du Théâtre de Guénégaud sur la scène théâtrale française ne doit pas être sous-estimé. Il a contribué à l’affirmation du théâtre classique et a permis la promotion d’œuvres majeures du répertoire. Par leur engagement dans ce projet, les Guénégaud ont assuré une place de choix à la scène théâtrale dans l’histoire culturelle du pays. Le théâtre est devenu un moyen pour eux de se connecter à l’âme de la culture française tout en soutenant la propagande royale et l’affirmation des valeurs monarchiques par le biais de l’art.
En somme, les Guénégaud n’ont pas seulement été des mécènes passifs du théâtre parisien ; ils ont joué un rôle actif et déterminant dans son évolution, en soutenant des productions importantes, en contribuant à l’élaboration de nouveaux répertoires, et en garantissant un lieu de représentation à la fois prestigieux et symbolique. Ce mécénat a permis à la famille de marquer de son empreinte l’histoire du théâtre français, un secteur qui, à l’époque, était au cœur des préoccupations culturelles et politiques.
Un mécénat au service de la gloire royale et personnelle
Le mécénat des Guénégaud ne se limitait pas à un simple soutien aux arts pour l’épanouissement esthétique, mais s’inscrivait également dans une démarche plus large, visant à affirmer leur position sociale, politique et culturelle. Dans un contexte où l’aristocratie rivalisait de prestige et où l’image de la noblesse se construisait à travers le soutien à la monarchie et aux grands projets artistiques, les Guénégaud ont habilement utilisé l’art comme un moyen de glorification personnelle et de soutien à la grandeur de la France.
L’image des Guénégaud : propagande et prestige
L’art, sous l’Ancien Régime, était souvent perçu comme un instrument au service du pouvoir. La noblesse, et en particulier les familles proches du roi, cherchait à projeter une image de grandeur et de splendeur à travers des œuvres d’art qui valorisaient leurs exploits, leur statut et leur dévouement à la monarchie. Les Guénégaud ont parfaitement compris l’importance de cette dynamique et ont, à leur tour, utilisé l’art pour cultiver une image de pouvoir, de loyauté et de raffinement. Par leur mécénat, ils ont contribué à la construction d’une identité aristocratique exemplaire.
En commandant des portraits, des sculptures, et des œuvres symbolisant la grandeur de la monarchie, les Guénégaud ont su projeter une image d’eux-mêmes en tant que soutiens indéfectibles du roi et de l’État. L’iconographie, notamment à travers la peinture, a permis de renforcer cette image de noblesse dévouée au service de la royauté. Le mécénat artistique était ainsi un moyen de communiquer des valeurs de loyauté, de distinction et de réussite sociale, en résonance avec l’idéologie du Grand Siècle, où chaque geste artistique devait témoigner de l’amour de la monarchie et de la défense de ses principes.
De plus, les Guénégaud ont orienté leur mécénat de manière à s’intégrer dans les grands projets artistiques de l’époque. En commandant des œuvres à des artistes de renom, ils se sont associés à la grandeur de l’État tout en renforçant leur propre prestige familial. Ce soutien à l’art se traduisait par une volonté de briller au même titre que les grandes familles de la cour, utilisant l’art comme un moyen de diffuser une image éclatante de leur grandeur. Les commandes artistiques servaient ainsi de véritable propagande, en valorisant non seulement le roi et ses valeurs, mais aussi la famille Guénégaud comme élément incontournable du paysage aristocratique.
La contribution des Guénégaud à la grandeur artistique de la France
Au-delà de leur soutien aux artistes individuels, les Guénégaud ont également joué un rôle majeur dans la contribution à des projets artistiques de grande envergure, aux côtés des cercles artistiques les plus influents de leur époque. Leur mécénat s’inscrivait dans la mouvance des grands projets de l’époque, comme ceux de Louis XIV, qui prônait la magnificence du royaume et l’illustration de la grandeur royale à travers l’art et l’architecture.
L’un des exemples les plus évidents de cette participation est leur implication dans les grands travaux de construction à Versailles. Comme de nombreuses autres familles aristocratiques proches de la cour, les Guénégaud ont investi dans la réalisation de ces projets monumentaux, contribuant à l’embellissement du château et des jardins royaux. Ces participations étaient à la fois un acte de loyauté envers le roi et un moyen de marquer leur présence dans le paysage artistique et architectural du pays.
En outre, les Guénégaud ont été partie prenante dans la commande de nombreuses œuvres pour les églises parisiennes et autres bâtiments publics. Ils ont soutenu l’architecture religieuse et les grands projets urbains de l’époque, contribuant à l’élargissement du patrimoine culturel de la monarchie française. Leur engagement dans ces projets témoigne de leur volonté de s’inscrire dans les grands moments de l’histoire artistique de leur époque, en aidant à ériger des monuments à la gloire de la France et de la monarchie.
Dans cette perspective, les Guénégaud se sont également associés à des artistes prestigieux tels que Charles Le Brun, architecte du roi et peintre de cour, ou encore André Le Nôtre, le maître des jardins de Versailles, en participant à des projets artistiques d’une portée historique majeure. Ces alliances avec les grands maîtres de l’art ont permis aux Guénégaud de laisser une empreinte durable dans l’histoire artistique de la France, mais aussi de tisser des liens solides avec les cercles culturels les plus influents de l’époque.
En somme, le mécénat des Guénégaud, loin de se limiter à des actes isolés, faisait partie d’un projet plus vaste d’engagement dans la grandeur de la France et de l’art royal. En soutenant les projets artistiques les plus prestigieux de leur époque et en collaborant avec les plus grands artistes, ils ont renforcé leur image de famille noble dévouée à l’État, tout en contribuant à la consolidation de la culture royale. Leur mécénat a ainsi joué un rôle central dans la diffusion des idéaux monarchiques et dans l’élaboration du patrimoine artistique national.
Héritage et postérité du mécénat des Guénégaud
Le mécénat des Guénégaud, en tant qu’expression de leur ambition sociale, politique et culturelle, a eu des répercussions durables, non seulement sur leur époque, mais aussi sur l’histoire artistique de la France. Leur engagement dans l’art et la culture, loin d’être un simple phénomène passager, a laissé un héritage tangible, aussi bien sur le plan matériel qu’intellectuel. Cependant, cet héritage ne s’est pas fait sans critiques et ambivalences, comme c’est souvent le cas avec l’aristocratie qui associe mécénat et objectifs de grandeur personnelle.
Un legs artistique et culturel durable
L’influence des Guénégaud sur le patrimoine artistique français s’est durablement inscrite dans le temps grâce à la collection d’œuvres d’art qu’ils ont acquises et les commandites qu’ils ont passées auprès des grands artistes de leur époque. Ces œuvres, conservées dans leurs hôtels particuliers, ont traversé les siècles et, pour une grande partie, fait partie des collections publiques ou privées françaises. De grandes institutions comme le Musée du Louvre, le Musée des Beaux-Arts de Paris, et d’autres musées régionaux possèdent encore aujourd’hui des pièces liées à l’activité de mécénat des Guénégaud, en particulier des portraits et des sculptures commandées pour leurs demeures.
Outre les œuvres d’art, le mécénat des Guénégaud a aussi marqué l’architecture de l’époque. Leurs hôtels particuliers, notamment l’Hôtel de Guénégaud, sont des témoignages vivants de l’époque, avec des décorations qui reflètent le goût raffiné et la stature sociale de la famille. Ces bâtiments, qui aujourd’hui font encore partie du patrimoine historique de Paris, étaient conçus non seulement comme des résidences privées, mais aussi comme des espaces publics de représentation, un lieu d’échange entre les élites artistiques et politiques du temps. Ce type de construction, qui mêlait esthétisme et prestige social, a joué un rôle crucial dans le rayonnement de l’aristocratie au sein de la société française du XVIIe et XVIIIe siècles.
Ainsi, l’héritage des Guénégaud, bien que spécifique à leur époque, a eu un impact durable sur le paysage culturel et artistique de la France. En soutenant des artistes et en commandant des œuvres majeures, ils ont contribué à enrichir le patrimoine culturel national, faisant d’eux non seulement des mécènes influents, mais aussi des acteurs de la transmission de la culture française.
Critiques et ambivalences d’un mécénat aristocratique
Cependant, derrière ce mécénat qui semble purement dédié à l’élévation de l’art et à la gloire de la monarchie, se cache une ambivalence qui mérite d’être interrogée. Tout d’abord, la question de l’utilisation de l’art à des fins de prestige personnel reste un point de débat. Si les Guénégaud ont, sans conteste, contribué à l’essor de la culture et des arts en France, leur soutien aux artistes ne se faisait pas sans contrepartie. La commande de grandes œuvres d’art et la collecte de pièces de valeur n’étaient pas seulement des actes de générosité désintéressée, mais aussi un moyen de marquer leur présence dans le grand jeu des rivalités aristocratiques, où chaque famille cherchait à surpasser l’autre dans une quête de pouvoir et de distinction.
De plus, la question du mécénat aristocratique soulève également des interrogations éthiques. Si les Guénégaud ont apporté un soutien précieux à l’art, il n’en reste pas moins que leur position sociale était fondée sur une structure inégale et parfois brutale de domination. L’exploitation de la main-d’œuvre, en particulier dans le cadre des plantations coloniales et de la traite des esclaves, était un aspect souvent négligé du mécénat des grandes familles de l’époque. Le paradoxe réside dans le fait que tout en soutenant la culture, les Guénégaud étaient en même temps bénéficiaires d’un système économique basé sur l’exploitation de populations marginalisées.
Il existe donc une certaine tension entre l’image de philanthropes engagés dans la préservation de l’art et de la culture et celle d’acteurs d’un système social profondément inégalitaire. L’héritage des Guénégaud ne peut donc être réduit à une simple histoire de mécénat et de générosité ; il faut aussi prendre en compte les complexités sociales, politiques et économiques qui ont nourri leur action.
En somme, le mécénat des Guénégaud, bien qu’il ait largement contribué au développement artistique de la France et à l’affirmation de son prestige international, reste marqué par ces ambiguïtés qui soulignent les contradictions de l’aristocratie de l’Ancien Régime. Loin d’être une action purement altruiste, il s’agissait aussi d’un moyen stratégique de renforcer le pouvoir familial et d’affirmer une supériorité sociale qui, bien qu’encadrée par les règles du pouvoir monarchique, reposait sur des structures de domination profondément ancrées dans la société de l’époque.
Conclusion
Le mécénat des Guénégaud sous l’Ancien Régime apparaît comme un phénomène complexe, à la fois moteur du rayonnement artistique et culturel de la France et symbole des paradoxes propres à la noblesse de l’époque. À travers leur engagement, la famille Guénégaud a non seulement affirmé son prestige social et sa place au sein de l’élite politique, mais elle a également contribué à l’enrichissement du patrimoine artistique français, notamment en soutenant des artistes majeurs, en commandant des œuvres emblématiques et en participant activement aux grandes institutions culturelles du XVIIe et XVIIIe siècles.
Leur mécénat, qui se manifeste aussi bien par le financement d’artistes que par l’implication dans des projets architecturaux d’envergure, a largement contribué à la mise en place de structures artistiques et culturelles qui perdurent aujourd’hui. L’Hôtel de Guénégaud, leur lieu de résidence, ainsi que les œuvres qu’ils ont commandées, continuent de témoigner de l’impact durable de leur action sur le paysage artistique français. Leur influence se prolonge aussi dans les domaines du théâtre, de la musique et des arts plastiques, où leur soutien a facilité l’épanouissement de plusieurs formes artistiques essentielles à l’histoire culturelle de la France.
Cependant, derrière cette contribution à l’art et à la culture, il convient de ne pas oublier les enjeux sociaux et politiques sous-jacents. Le mécénat des Guénégaud ne fut pas un acte totalement désintéressé, mais un moyen de renforcer leur pouvoir personnel et familial dans un monde où les distinctions sociales se jouaient autant dans les salons et les galeries d’art que dans les sphères politiques et économiques. De plus, leur positionnement vis-à-vis des dynamiques coloniales et l’exploitation des populations esclaves soulèvent des interrogations sur les fondements sociaux de leur richesse et de leur prestige. Ce mécénat, bien qu’il ait largement contribué à l’essor culturel du royaume, reste teinté des ambiguïtés propres aux élites de l’Ancien Régime, qui mêlaient souvent la recherche du pouvoir à la protection des arts et de la culture.
Ainsi, l’héritage des Guénégaud dans le domaine des arts n’est pas seulement une question de mécénat artistique, mais aussi de construction sociale et politique. Leur influence dans l’histoire de l’art français se trouve indissociable des contextes de pouvoir et de domination qui caractérisaient leur époque. En fin de compte, l’analyse de leur mécénat nous invite à une réflexion plus large sur le rôle des mécènes dans la formation des goûts artistiques et sur les relations complexes entre art, pouvoir et statut social dans l’histoire de la culture européenne.
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