Histoires de Paris

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Histoires au détour d'une rue

La Maison Fraisnais et Gramagnac

La Maison Fraisnais et Gramagnac : pour la beauté du dessin du cachemire français et indien du XIXe siècle…

 

« Les soirées, les bals vont bientôt commencer. C’est le beau moment de la mode, celui où les nouveautés de tous genres pour l’hiver se produisent avec le plus d’avantage, car si, pour un concert ou une réunion dansante les toilettes d’étoffes légères sont indispensables, d’un autre côté, il faut se vêtir chaudement quand on sort de ces salons où l’on étouffe, sous peine de payer de sa vie un plaisir de quelques momies » Quel programme pour nos parisiennes en cette fin d’année 1839 ! Nous le retrouvons en extrait dans la France du 14 décembre.

Les parisiennes veulent sortir. L’hiver est là. La saison des bals s’ouvre et toutes cherchent des châles. Le cachemire est de nouveau tendance. Sa douceur est recherchée. Tout est réuni pour faire la richesse du quartier de la rue de Richelieu, où de nombreuses boutiques spécialisées se rivalisent les clients. Parmi eux, nous retrouvons la maison Fraisnais et Gramagnac.

 

Une maison datant du début du XIXe siècle

Nous ne vous donnerons pas la date exacte du lancement de cette enseigne. Tout ce qu’on peut vous dire c’est qu’elle existait dans les années 1820. La France du 1er décembre 1838, nous en donne une certaine confirmation :

« Nous en dirons autant des magasins de MM. Fraisnais et Gramagnac, rue Feydeau, 32, qui sont connus depuis plus de vingt ans par la spécialité des châles-cachemires de l’Inde, et qui, par leurs relations constantes avec les principales fabriques de l’Indoustan, sont en position de vendre à des prix plus avantageux que tous leurs concurrents. »

 

La maison Fraisnais et Gramagnac était certes en relations avec l’Indoustan, mais ne se fournissait pas uniquement auprès des importateurs. Certains de ses produits venaient de beaucoup moins loin.

« Cette maison est également recombinée pour son magnifique assortiment de cachemires français, aux dessins les plus riches, les plus nouveaux et les plus variés. MM, Fraisnais et Gramagnac ont la première de nos manufactures. »

Ce détaillant les fabriquait aussi. Ils avaient en effet une manufacture dans l’Aisne, à Origny-Sainte-Benoîte.

 

Des châles qui se montraient dans les plus beaux endroits ?

Où voir des châles issus de la maison Fraisnais et Gramagnac ? En se rendant dans les belles représentations musicales d’alors, tout simplement. Si on en avait les moyens bien-sûr.

La France rapporte le 14 décembre 1839 :

« Les cachemires de l’Inde sont toujours on ne peut mieux portés. Pour s’en convaincre, il suffit d’assister à une seule représentation de I Opéra et de l’Opéra-Italien, ces lieux de rendez-vous de la haute fashion. La maison en première ligne pour la vente de ces précieux tissus est toujours celle de MM. Fraisnais et Gramagnac, rue Feydeau, n. 32, qui entretient un agent à Bombay. Les dessins les plus originaux lui arrivent de première main. La maison spéciale de Fraisnais est aussi admirablement assortie en cachemires français. »

 

Apologie du cachemire dans les années 1843

Alors, pour trouver du beau cachemire et rayonner en soirée, il fallait rejoindre la rue Feydeau et la maisons Fraisnais Gramagnac, à en croire la France du 2 juin 1843.

« Dans divers articles où nous avons eu à parler de la fabrication du cabale français et à rendre compte de l’étal actuel de cette industrie, nous avons cité la maison Fraisnais et Gramagnac comme étant entrée dans une voie nouvelle eu faisant composer, sous ses yeux, poudre seule, tous ses dessins, en n’exposant pas ses produits à être fanés et vulgarisé dans des étalages. A ce propos, nous nous sommes plus à faire ressortir les avantages offerts par ces messieurs, qui, réunissant les deux qualités de fabricants el de détaillants, peuvent faire jouir leur clientèle d’avantages inusités. 

De ce que nous n’avons parlé que du châle français, quelques personnes ont ci u comprendre que MM. Fraisnais et Gramagnac cessaient de faire le commerce des cachemires de l’Inde, pour se vouer tout entiers à la génération qu’ils se sont proposée et à laquelle nous avouons que notre sympathie est acquise. Ces messieurs nous ont fait entendre à cet égard de justes réclamations, et, pour y faire droit, nous nous empressons de déclarer que jamais leur assortiment de châles de l’Inde n’a été plus magnifique ni plus complet, et que jamais ils n’avaient donne plus d’extension qu’aujourd’hui à cette branche de leur commerce. »

En novembre, la situation est la même, avec un beau succès parmi les visiteurs. La France poursuit le 23 novembre 1843

« Quand nous applaudissions aux efforts de MM. Fraisnais et Gramagnac pour régénérer le châle français, nous n’osions leur promettre un succès aussi prompt. Ce succès, ils le doivent à leur position exceptionnelle, qui les met tous les jours en rapport immédiat avec les dames habituées à bien se mettre. Leur goût s’épure à ce contact, et les desseins qu’ils font exécuter sous leurs propres yeux sont le fruit de ces inspirations puisées à cette précieuse école. Par cette raison, les produits de leurs fabriques ont un cachet de distinction et de rare élégance qui les fait aisément reconnaître ; et la vente de ces châles dans leur seule maison, jointe à la suppression de toute exposition, leur conserve une fleur de nouveauté que ne sauraient avoir ceux qu’on retrouve dans tous les étalages.

Un autre avantage qu’on ne s’attendrait pas à rencontrer chez ces messieurs, en raison de la supériorité de leurs produits, c’est une notable modicité de prix, résultat de leur double qualité de fabricant et de détaillant, qui leur permet offrir leurs châles à un tiers au-dessous des prix ordinaires.

Fraisnais et Gramagnac viennent de mettre en vente leurs nouveautés de la saison ; elles nous ont paru extrêmement remarquable ; nous, nous proposons d’en parler avec quelque détail dans un prochain article. Que ces messieurs nous pardonnent de ne point nous occuper de leurs cachemires de l’Inde ; ce n’est point que nous ne sachions en apprécier la magnificence, nous avouons même n’avoir jamais vu de collection plus riche ; mais notre sympathie est tout acquise au châle français, et tout ce que nous avons de voix sera employé à encourager cette précieuse industrie. »

 

La qualité du dessin

Grâce à sa fabrique, la maison Fraisnais Gramagnac pouvoir offrir des motifs particulièrement recherchés. Voici une illustration extraite du Journal des débats littéraires et politiques du 30 septembre 1845 !

« Châles français. MM. Fraisnais – Gramagnac, 32, rue Feydeau, ont fait faire un progrès à notre industrie en mettant en vente les produits de leurs fabriques. Leurs châles, dessinés sous leurs yeux, vendus dans leur seule maison, n’étant jamais exposés dans des étalages, ne sont ni copiés ni fanés, et ont un cachet inconcevable de distinction. »

 

La Presse l’évoque elle le 23 juin 1854

« Fabriquant et vendant elle-même les dentelles d’Alençon, Bruxelles et Chantilly qu’elle vient de faire paraître, la maison Fraisnais et Gramagnac supprime tout intermédiaire entre le producteur et le consommateur, ce qui lui permet d’établir ses prix à un tiers au-dessous du cours ordinaire.

Ses dessins étant sa propriété exclusive, – ne se trouvent que dans ses magasins. Cette maison, si connue pour ses grands assortiments de cachemires des Indes et français, n’en a jamais possédé un choix aussi considérable et aussi varié qu’en ce moment. »

 

Une maison qui faisait de belles promotions

Comme les maisons de nouveautés, on trouvait des annonces avec des prix cherchant à battre toute concurrence. Ainsi la France communique le 29 novembre 1844 : « La maison Fraisnais gramagnac, 32, rue Feydeau, est maintenant en possession des achats importants en cachemires des Indes, faits à Bombay et à Lahore, par son acheteur spécial ; elle peut donc offrir le premier choix des cachemires le plus nouveaux à un cours moins élevé que celui de ventes de Londres, ou ne s’achètent soie des châles d’une qualité inférieure.

Fraisnais et Gramagnac viennent aussi de mettre en vente, à un tiers au-dessous des prix ordinaires, les nouveaux cachemires français de leur fabrique d’Origny-Sainte-Benoîte (Aisne). Leurs châles, dessines sous leurs yeux, vendus dans leur seule maison, n’étant jamais exposés dans les étalages, ne sont ni copiés ni fanés, et ont un cachet incontestable. »

 

Le Journal des Villes et des Campagnes du 19 décembre 1857 évoque lui : « Grande baisse des soies. Les maisons encombrées de soieries achetées à la hausse, et ne pouvant pas profiter de la baisse, prétendent, à tort, que certaines étoffes, les taffetas particulièrement, n’ont pas subi de diminution. »

 

… et savait attirer lors de moments spéciaux

Mais pour certains moments un peu exceptionnels, les châles de Fraisnais et Gramagnac visaient leur public, comme nous le lisons dans le Journal des débats littéraires et politiques du 30 septembre 1845 :

« Cachemire des Indes. MM. Fraisnais – Gramagnac, 32, rue Feydeau. Là se font les corbeilles de mariage les plus riches. La maison Fraisnais – Gramagnac, par ses relations directes avec Lahore et Bombay, est toujours en mesure d’offrir les plus beaux dessins à des conditions avantageuses. »  

La Presse du 23 juin 1854 évoque aussi : « CORBEILLES DE MARIAGE. – – Cachemires des Indes, crêpes de Chine. Fabrique de dentelles. Maison FRAISNAIS ET GRAMAGNAC. 32, rue Feydeau, et rue Richelieu, 82. »

 

En quelque sorte les moments de vies, ces périodes si chères aux marketeurs d’aujourd’hui, faisaient déjà partie du panel des annonceurs d’alors.

Mais cela n’est pas terminé. La météo est toujours un bon moyen pour se mettre en avant.

Le Journal des débats littéraires et politiques du 30 septembre 1845 nous en offre un aperçu

« Le soleil semble nous a voir quittés pour longtemps, et peut-être serait-il téméraire d’espérer encore de beaux jours celte année ; aussi le cachemire a-t-il repris la place qu’il doit occuper dans la toilette de toutes les femmes comme il faut ; il est entendu que nous parions des cachemires hors ligne de la maison Fraisnais-Gramagnac, rue Feydeau. La fraicheur des soirées en fait une parure indispensable pour les sorties de spectacle ou les promenades au bois. »

 

Sources bibliographiques :

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