Les légendes de Nicolas Flamel et la Tour Saint Jacques
Les légendes de Nicolas Flamel et la Tour Saint Jacques, entre bien et mal, entre sorcier et bienfaiteur … Un bonheur pour les romantiques
Au milieu du XIXe siècle, la figure de Nicolas Flamel est largement mise en avant.
Cette icône est tellement centrale et liée à la Tour Saint Jacques, que lors de la restauration de 1855, Théodore Ballu fit inscrire le numéro de Flamel dans les vitraux.
Tout un ensemble de légendes tournait autour de cet homme, qui aurait d’un côté montré un visage mystérieux à l’homme de la rue et un autre très pieux et croyant aux autorités religieuses.
Qui était –il ? Quelles étaient ses histoires ?
Un écrivain parisien devenu très riche
Mort en 1417, « simple écrivain », il avait accumulé une grande fortune. Considéré comme un bienfaiteur pour les pauvres, il aurait laissé des rentes et des maisons pour les bonnes œuvres de Saint Jacques la Boucherie, comme l’attesterait une inscription au dessus de sa pierre tombale.
D’ailleurs, on lui prêta le financement d’un portail de l’église Saint Jacques la Boucherie, du côté de la rue des écrivains, actuelle rue Nicolas Flamel, ainsi qu’une peinture au niveau du cimetière des Innocents.
En outre, certains lui prêtaient d’avoir trouvé la pierre philosophale, graal des alchimistes.
Une richesse mal acquise pouvant lui être volée ?
En 1839, le Vicomte Walse écrit dans la Gazette de France l’histoire suivante.
Il mit d’abord en avant la piété de Nicolas Flamel et de sa femme, ne trouvant le repos que dans la prière à Saint Jacques la Boucherie et la distribution de bonnes œuvres pour les pauvres du quartier. Cependant, il rapporte que cette générosité ne fut pas récompensée totalement.
En effet, l’hiver 1344 fut très rigoureux. Le pain et le bois se mirent à manquer dans toute la ville. La période fut donc rapidement difficile pour les plus pauvres. Aussi, dans le quartier de Saint Jacques, une émeute se serait organisée. Certains invitèrent à se rendre chez Nicolas Flamel, qui aurait « de l’or et de l’argent, plein les caves ». Facilement, grâce à ces richesses, ces pauvres pourraient acheter du pain.
D’autres justifièrent ce mouvement en expliquant que Nicolas Flamel avait accumulé ces richesses de mauvaises manières : « il a beau adoré les églises et placer dans leurs niches des saints et des anges, ni les anges ni les saints ne voudront le défendre, car c’est un sorcier. » D’autres l’auraient qualifié d’hérétique, de magicien, de possédé, voire de suppôt du diable.
Sur le chemin, les émeutiers croisèrent un prêtre, revenant d’un enterrement. Les voyant, il leur lança, brandissant sa croix : « Tu n’iras pas plus loin ». Aussitôt, la foule se stoppa, « comme la foule obéit à Dieu ». Il leur demanda ce qu’ils voulaient. « Son trésor » lui répondirent au cœur les pauvres gens. Alors, le prêtre les guida devant Saint Jacques la Boucherie, en montrant une salle où de nombreux vieillards, infirmes et malades étaient soignés.
Un pacte avec le diable ?
Dans le journal La Quotidienne, du 7 au 28 mars 1846, Gerard de Nerval publia en feuilleton son Nicolas Flamel en signant H.S.D.
Inachevé, ce texte avait été écrit au cours des années 1820. Vivant dans le quartier, l’écrivain vouait une fascination pour la Tour Saint Jacques, qu’il visitait souvent. Il cherchait d’ailleurs à déceler le sens des animaux du haut de la Tour qu’on trouvait alors fantastiques. Mort en janvier 1855, il put suivre les travaux de restauration, sans toutefois les voir achevés.
Dans son drame chronique, Gérard de Nerval met en scène un Nicolas Flamel et sa femme Pernelle souffrant d’une grande misère. Le copiste se plaignait alors d’avoir quitté son métier pour s’adonner à la science, sans pouvoir fournir à son ménage l’argent nécessaire. La pression des créanciers était de plus en plus forte.
Alors un inconnu tapa à la porte, demandant à voir Flamel seul. Se présentant comme israélite, il indiqua qu’il devait quitter le royaume, en application des ordonnances royales. Craignant d’être dévalisé sur le chemin, l’inconnu lui proposa de lui donner son bien, à condition qu’il lui rende la moitié lorsqu’il reviendra. En le regardant, Flamel se rendit compte que la couleur de l’encre prenait celle du sang et reconnu Satan.
Refusant son offre, le diable partit, tout en l’invitant s’il changeait d’avis à monter en haut de la Tour Saint Jacques, son domaine nocturne. Les créanciers arrivèrent alors…
Le récit se poursuit ensuite, suivant le feuilleton publié par le quotidien.
Médecin du roi pour Alexandre Dumas
En 1856, Alexandre Dumas publie une pièce de théâtre : la Tour Saint Jacques. Elle fut jouée cette même année au Théâtre impérial du Cirque.
Ce drame, en cinq actes et rédigé en prose, décrit une France en pleine guerre de 100 ans, entre 1413 et 1418. Le roi Charles VI est fou et la guerre civile guette.
Le duc de Bourgogne, Jean sans peur avait laissé la prise de Rouen par les anglais. Aussi, à cette époque, le peuple avait des doutes contre le duc, ainsi que contre la reine. Par la voix de Maître Flamel, médecin du roi, il leur fit leurs réclamations.
En parallèle, le drame met en scène, Raoul, fils du comte de la Tremblaye. A la mort de son père, Raoul se voit privé de son titre par son cousin Jacques. Arguant qu’il était un batard, ce dernier s’empare du comté. Toutefois, loyal au dauphin, contre Jean sans peur, Raoul s’engage auprès des forces loyalistes.
A un moment, en difficulté, il se protège des truands des berges du pont au change. C’est alors que Flamel, intervient une deuxième fois, en le faisant accueillir par Odette, une de ses proches.
Cependant, voila, profitant de l’enlèvement du dauphin par le duc de Bourgogne, la reine se fait nommer régente. La vie de Raoul est de nouveau menacée. Aussi, Flamel lui fait de offrir l’asile de la Tour Saint Jacques.
Au cours d’une bataille de truands autour de la Tour, Flamel est assassiné et Raoul arrêté. Toutefois, la folie du roi cesse momentanément. Il reconnait alors la légitimité de Raoul. Il lui permet alors d’épouser Odette, dont il était tombé amoureux. Comme une parenthèse, le roi retombe ensuite dans sa folie.
Sources bibliographiques
- La Quotidienne du 24 mai 1838
- La Gazette de France du 1er mars 1839
- Abeille impériale : messager des familles : revue du grand monde, des modes et de l’industrie de février 1855
- Naugrette, Florence. « L’écriture dramatique de l’histoire dans La Tour Saint-Jacques », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. vol.104, no. 4, 2004, pp. 841-850
- Visite de la Tour Saint Jacques par l’Agence Des Mots et des Arts le 3 août 2018