Histoires de Paris

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Histoires au détour d'une rue

Le combat au Cours la Reine face à la crue de 1910

Le combat au Cours la Reine face à la crue de 1910 : lieu de grand danger pour le quartier des Champs Elysées

 

Où se situe – le Cours la Reine ? Quelle est l’origine de son nom ?

Avant de nous intéressez un plus sur l’histoire de ce lieu lors de la crue de 1910, revenons un peu en arrière. En effet, le Cours la Reine avait été créé à la demande d’une reine, Marie de Médicis pour construire une promenade en face de son jardin des Tuileries. Le lieu évoluera par la suite pour devenir les Champs Elysées que nous connaissons aujourd’hui.

Avec le temps, on appela le Cours la Reine, le quai qui longe, en hauteur, la Seine à cet endroit. En 1910, le Cours la Reine partait de la Concorde pour aller jusqu’à la place de l’Alma. A noter qu’en 1918, la partie entre le pont Alexandre III et la place de l’Alma fut rebaptisé pour mettre à l’honneur le roi des Belges, Albert Ier.

Mais revenons sur la crue de 1910 ! Au plus fort de la crue, le Cours la Reine fut au cœur d’une des plus inquiétudes des secours. Ce qui se jouait là pouvait risquer de causer de graves dommages dans le quartier des Champs Elysées

 

Premiers risques

Au Cours la Reine, c’était la hauteur de la Seine qui inquiétait. Et pourtant, quand on se promène sur ce lieu, on se sent en sécurité, en hauteur, dominant le port de la Conférence. Ce n’était pas du tout la sensation à la fin du mois de janvier 1910.

Dans son édition du 26 janvier 1910, le Radical rapporte des inquiétudes au niveau du parapet du quai !

« Par suite de la crue de la Seine, l’eau menaçait d’envahir le Cours la Reine par la brèche qui existait dans le parapet du quai ; toutes les mesures nécessaires ont été prises par les soldats du génie, sous la direction des ingénieurs de la ville. »

 

La situation menaçait directement le Petit Palais également

 

Un quartier qui est globalement plus touché

Ce n’était pas seulement le Cours la Reine qui faisait face à la montée des eaux, mais tout le quartier. C’est ce qui ressort de la lecture d’un article du Matin, le 27 janvier 1910 :

« Au quartier des Champs Elysées, la rue Jean Goujon, l’avenue Montaigne étaient définitivement bloquées. Les habitants réclamaient des barques. On jugeait opportun de bâtir un mur de protection sur le Cours la Reine, à l’emplacement des serres récemment détruites. Et c’étaient des infiltrations rue de Courcelles, derrière Saint Philippe du Roule, à l’angle de la rue La Boétie. »

Comme on se rend compte, une nouvelle, c’était le parapet qui inquiétait. On fit rapidement un mur plus haut pour tenter d’éviter que la Seine ne déborde par-dessus.

 

Une montée des eaux inexorable

Cependant, à cette date, le pic de la crue n’était pas encore atteint. Aussi, le 28 janvier, le Petit Parisien signale :

« Sur le Cours la Reine, le niveau des eaux s’élève lentement depuis hier matin. Sur certains points, la hauteur dépasse un mètre et demi. »

 

Le lendemain, le 29 janvier, le Matin poursuit :

« L’eau affleure les parapets au Cours la Reine et menace les Champs Elysées. A chaque instant, on signale un nouvel immeuble atteint dans ses fondations. On coupe un pont, on interdit une rue, une avenue. »

La bataille ne fait que commencer !

 

La sauvegarde du parapet du Cours la Reine

Le 29 janvier, le Matin titre un de ses articles : « Un parapet artificiel protège la place de la Concorde et le Cours la Reine »

Le journaliste écrit ensuite :

« Le danger le plus grand peut être qui ai jusqu’à cette heure menacé Paris continue à gronder sourdement au sombre remous du fleuve. Quelques centimètres de crue encore, la moindre poussée et la place de la Concorde sera envahie. Alors si ce malheur arrive, c’est le plus effroyable désastre qu’on puisse imaginer. »

 

Les enjeux du combat

Il précise ce qui se jouait alors : il fallait à tout prix protéger tout le quartier !

« Un peu en aval du pont des Invalides, après le poste de sauvetage, le parapet qui défend le Cours la Reine finit brusquement à l’endroit où étaient anciennement les vieilles serres de la Seine qui furent abattues. Avant la crue de la Seine, des ouvriers y travaillaient déjà pour construire l’œuvre de maçonnerie qui faisait défaut et les parisiens doivent se rappeler cette longue palissade qui obstruait sur cette partie du Cours la Reine la vue du fleuve. Les travaux furent poussés avec rapidité dés que le fleuve commença à croitre mais il était impossible de réparer en si peu de temps l’énorme brèche ; on construisit une digue avec des gros madriers renforcés de poutres de fer derrière lesquels on entassa de la terre et des sacs de ciment. Ainsi, les efforts impétueux du fleuve se trouvaient momentanément paralysés. On parvint péniblement à établir des barrages. Cependant, à travers les madriers et le remblai de terre, l’eau filtrait si abondamment qu’elle inondait successivement la partie du Cours la Reine comprise entre le pont des Invalides et celui de l’Alma et les rues adjacentes. Mais hier soir, le danger devint extrêmement grave ; sous la poussée formidable des eaux qui arrivent à ce détour avec une vitesse énorme, la digue céda peu à peu. Si les assauts furieux des vagues continuent, elle finira par être emportée, elle est déjà dangereusement incurvée en demi-cercle. »

 

« Le fleuve à l’assaut des berges »

Notre journaliste du Matin était bien en verve ce 29 janvier matin, avec ce sous-titre. Mais on comprend en le lisant que le parapet n’était pas le seul risque :

« Il y a une excavation à l’angle du Cours la Reine et de l’avenue des Champs Elysées. »

 

Il explique également :

« Et à mesure que le fleuve grandit, on reconnait mieux le progrès de l’inondation avenue d’Antin, au Cours la Reine, rue François 1er, au Grand Palais, où l’eau s’avance vers la porte C et où les services d’architecture baigneront bientôt dans cinquante centimètres de boue. Le petit jardin au kiosque n’est plus qu’un étang »

 

Les secours sont sur le pied de guerre :

« Les bancs du Cours la Reine sont sous un mètre d’eau. Malgré tout, avec une bravoure qui poigne le cœur des assistants, les sapeurs du génie, les ouvriers s’acharnent à consolider leurs barrages »

 

Rencontre fortuite sur le Cours la Reine

Le Matin détaille aussi la trouvaille fait par un promeneur sur le Cours la Reine :

« Un conducteur des travaux du métropolitain a trouvé sur les pelouses du Cours la Reine un brème qu’il conserve précieusement dans l’alcool comme souvenir de l’inondation. Ce poisson doit provenir des anciennes canalisations de l’Exposition de 1900. C’est à celles-ci qu’on attribue également de nombreux jets d’eau qui se sont produits à cet endroit. »

 

La poursuite du combat tout en espérant progressivement les effets du passage du pic de la crue

Comme nous le savons, le pic de la crue de la Seine fut atteint le 29 janvier. Cependant, comme souvent, il est marqué par un plateau, période au cours de laquelle, le niveau de l’eau ne monte plus mais ne diminue pas encore. Le combat doit donc continuer pour protéger le Cours la Reine.

La digue montée en urgence sur le parapet va-t-elle tenir encore face à cette pression infernale ?

 

Le Matin du 30 janvier 1910, nous donne un état des lieux de ce qui s’y déroulait :

« Sur le Cours la Reine, par contre, on travaille toujours avec acharnement. En prévision d’un soulèvement possible du sol par les eaux qui circulent dans les diverses galeries souterraines et tendent à reprendre le niveau de la Seine, on édifie un second rempart de ciment destiné à barrer la route vers les Champs Elysées et la Madeleine, dans le cas où l’inondation arriverait à franchir le premier. »

 

Le lendemain, le Petit Parisien rapporte à son tour :

« Place de la Concorde, près du Cours la Reine, le puits n°8, d’où l’eau jaillissait en véritable cascade, a été bouché par les soldats du génie et les ingénieurs de la Ville. Il déverse maintenant ses eaux Cours la Reine sur la partie comprise entre le petit Palais et la partie basse de la place de la Concorde. Des barrages ont été établis à la hauteur du Jardin de Paris, pour empêcher l’envahissement des Champs Elysées. »

 

Comme nous pouvons le voir, le combat fut intense, la pression forte. Mais la digue tint. Bien sûr le quartier des Champs Elysées dut faire face à des inondations. Toutefois, le scénario craint d’une submersion totale ne se produit pas.

 

Sources bibliographiques :

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