Histoires de Paris

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Histoires au détour d'une rue

La dénonciation des visites publiques à la morgue

La dénonciation des visites publiques à la morgue : des journalistes militent contre la venue des curieux…

Dans la seconde partie du XIXe siècle, les visites par le public parisien par la foule et les curieux suscitent de plus en plus de critiques.

Certains articles de presse expriment une position très réservée voire hostile à cette situation.            

Contre la présence des enfants !

Dans son éditorial du numéro du 31 octobre 1884, le directeur du Petit Parisien, sous le pseudonyme Jean Frollot dénonce cette foule de visiteurs : « Des curieux y courent tout exprès le matin, et ils reviennent le soir compter ce que la journée a couché d’épaves humaines sur les tables de pierre du bâtiment. »

Il décrit leur visite comme d’une véritable pulsion : « c’est un besoin auquel ils ne résistent pas, une sorte de complément de leur vie, quelque chose comme un excitant dont ils se fouettent les nerfs et dont ils ne peuvent plus se passer. »

Cependant, dans le fond, ce que l’éditorialiste reproche le plus ce n’est pas la venue des hommes adultes. « Que des hommes adultes s’y jettent soit ! Il n’y a certes pas après tout, à crier à l’abomination de la désolation, mais ce que je déplore en toute sincérité c’est d’y voir tant de femmes et surtout tant d’enfants. »

A la morgue, c’est la misère de Paris qui s’affiche : celle liée à la pauvreté et la dureté de la vie pour un grand nombre de parisiens. Mais c’est aussi celle des affaires criminelles.

L’éditorialiste indique également qu’une ordonnance de police avait été rendue en 1876 pour interdire l’entrée des enfants dans l’enceinte de la morgue. Toutefois, cette décision n’a jamais été mise en application.

Une pièce à succès ou la comparaison avec le théâtre

Dans son édition du 5 décembre 1889, le journal le Radical évoque une foule venue à la morgue, en évoquant ce succès comme une concurrence au théâtre.

« Cent mille personnes au bas mots ont défilé devant la vitrine funèbre depuis une semaine.

Quel spectacle, quel acteur, quel paradiste a jamais, en huit jours fait pareille recette ? C’est qu’on a beau dire, la foule qui ne se dérangerait pas pour regarder un chef d’œuvre, et qui, passant sur le pont Neuf, subit les merveilleux couchers de soleil sur la Seine, sans les honorer même d’un clin d’œil, la foule, héréditairement sauvage, préfère l’odeur du cadavre et la vue du sang.

Elle court à la morgue comme au spectacle gratis. La charogne l’attire comme l’écrevisse ; et c’est pourquoi se tortille, s’agglomère, s’extasie, se monte sur les épaules, se marche sur les pieds, s’enfonce les estomacs et se martèle les petons, cette queue frétillante d’hommes, de femmes, d’enfants même, pour voir une malle dans laquelle il n’y a rien et une autre malle dans laquelle il y a sans doute quelque chose. »

Par la suite le journaliste reprend l’argument utilisé jusqu’alors pour justifier pour cette ouverture au public. En effet, c’était sous le prétexte de faire avancer la justice en permettant les reconnaissances que la morgue accueillait du monde. Mais c’est surtout la curiosité qui faisait venir la foule. « S’il va à la morgue, c’est en amateur, c’est pour son plaisir ».

Il poursuit : « Ainsi que cela se voit au théâtre, il y a des habitués de la morgue, ceux qui ne ratent une représentation et aussi les spectateurs extraordinaires, ceux qui ne se décident qu’à la centième et que les gros succès peuvent seuls attirer au guichet, j’allais dire au contrôle. ».

Sources bibliographiques :

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