Histoires de Paris

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Histoires au détour d'une rue

Le massacre de la rue Haxo

Le massacre de la rue Haxo : quand la foule tue 52 prisonniers lors des derniers jours de la Commune de Paris

 

C’est avec le regard croisé avec le blog de Paris Libris, que nous évoquons un des épisodes les plus sanglants de la Commune de Paris : le massacre de la rue Haxo. Là, dans l’Est parisien, en mai 1871, cinquante-deux otages furent tués, emportés par une foule en furie.

En nous appuyant sur les recherches d’Eugène Crépin contemporain de la Commune, nous revenons sur cet épisode.

 

Des prisonniers venus de la Roquette

Lors de la Commune, une prison s’élevait rue de la Roquette. Elle fut très utilisée par les communards. C’est d’ailleurs dans la cour de la prison, qu’ils exécutèrent l’archevêque de Paris, Mgr Darbois.

Vers 16 heures, le 26 mai 1871, de nombreux prisonniers furent descendus dans la cour de la prison. On y croisait des prêtres, des gendarmes, des sergents et des civils. Il y avait là, alors entre 80 et 90 prisonniers. L’objectif des geôliers était simple : les exécuter.

Cependant, craignant le nombre, les communards firent rapidement reconduire dans leurs cellules les sergents de ville.

Afin de les faire avancer dans la ville, les communards firent passer le bruit que les prisonniers restants pourraient être libérés. Ainsi, la troupe quitta la prison, pour remonter la rue de la Roquette, jusqu’au cimetière du Père Lachaise.

 

Un convoi dans les rues de l’est parisien

Rapidement, un attroupement se forma dehors, alimentés par les rumeurs que ces gendarmes et ces prêtres seraient rapidement fusillés. Sous les cris de « Mort aux gendarmes ! Morts aux culots ! », les prisonniers avançaient dans la rue.

La procession était précédée par des tambours et des trompettes, ouvrant la marche, suivis par un peloton de gardes nationaux, puis les otages. Des soldats armés fermaient le convoi, accompagnés par la foule des passants.

A la barricade de la rue des Amandiers, les soldats reçurent le renfort d’hommes du 174e bataillons. Ils purent reprendre leur route pour rejoindre le boulevard de Ménilmontant, la rue de Puebla.

 

La halte à la mairie de Belleville

Recevant toujours plus de civils de tous types, le convoi poursuivit au cœur de Belleville, dans la rue des Rigoles. Les otages purent ainsi rentrer dans la mairie, accueillis par le maire Ranvier, afin d’ « écrire à leurs familles ou faire leur testament ».

On entendit cependant des coups de feu dans l’enceinte de l’ancienne mairie. Trois prisonniers y trouvèrent la mort.

En tout état de cause, le convoi ressorti vingt minutes plus tard par la rue de Belleville. Cependant, les prisonniers manifestaient de plus en plus de colère. Alors même qu’ils devaient être conduits aux fortifications, le capitaine dirigeant le convoi décida, une fois arrivé à la rue Levert d’écourter le trajet. Il cria : « Mes amis, je n’écouterai par les ordres de Ranvier ; vous devez passer en jugement et je vous conduirai au secteur ; là, ceux qui seront reconnus n’avoir rien fait contre la Commune seront mis en liberté ».

Quelques prisonniers se mirent à espérer de nouveau et la tentative de rébellion des otages fut reléguée aux oubliettes.

 

L’arrivée à la rue Haxo

En tout état de cause, la foule était de plus en plus excitée, alimentée par des remarques des soldats. Puis, le convoi parvint à la rue Haxo. Deux coups de feu partirent en direction des otages, mais ne furent aucun blessé ! Trop haut !

En tout état de cause, les trompettes cherchaient à étouffer le bruit. Mais il y avait urgence à trouver une solution pour les gardes. Aussi, ils se mirent à chercher un terrain. Ils en virent un premier. Trop proche de la rue de Belleville et encore trop fréquenté !

Ils arrivèrent ainsi, au 88 de la rue Haxo, devant la propriété de M. Lévesque qui avait offert son immeuble à la défense de Paris. Le lieu était rempli de fédérés. On amena une charrette au milieu de la rue. Un homme monta dessus, portant le drapeau rouge et harangua la foule : « Citoyens, le dévouement de la population mérite une récompense. Voici des otages que nous vous amenons pour vous payer de vos longs sacrifices. A mort ! » La foule ne se laissa pas prier et répéta ses derniers mots.

 

Un simulacre de jugement et le massacre dans un petit terrain vague

Au 85 de la rue Haxo, les fédérés se firent ouvrir la grille pour y dresser un tribunal. Les prêtres entrèrent les premiers, suivis par les gendarmes.

Puis, dans le jardin, on les fit ranger en deux rangs, face au mur. De l’autre côté, les chefs de la Commune étaient montés sur un balcon, pour constituer ce tribunal. Après plusieurs minutes d’hésitation sur les arguments à donner, ils finirent par les condamner à mort.

C’est ainsi que progressivement, suivant une durée de vingt minutes, on les exécuta.

Les otages furent conduits dans un petit terrain vague, entre le mur d’enceinte de la propriété et celui d’appui de la cour. Ils y furent fusillés en groupe plus ou moins organisés, en commençant par les gendarmes, suivant la fureur de la foule. L’horreur est complète et quelques gendarmes, cherchèrent à se révolter, en vain. Les civils s’y donnaient à corps perdu, ne laissant aucune possibilité pour les otages.

Après les avoir tués, la foule dépouilla les victimes, voulant emporter tout ce qui pouvait d’abord avoir de valeur, puis d’utilité quelconque. Nombre de personnes se précipitèrent ensuite dans les marchands de vin du quartier, forçant même ceux fermés à ouvrir leurs échoppes.

 

Que faire des corps ?

Une fois le calme revenu, les gardes restèrent toute la nuit, pour surveiller les corps.

Le lendemain matin, on décida de creuser à même la propriété une fosse pour les ensevelir. La chose n’était pas facile, tant la terre y était dure. Ils y trouvèrent une fosse d’aisance et finirent leur triste besogne. Certains soldats réquisitionnèrent de la chaux chez un maçon de la rue du Télégraphe. Il fallait faire vite ! Les Versaillais s’approchaient.

Quelques jours plus tard, les nouveaux maîtres des lieux, après avoir un peu enquêté, exhumèrent les corps. On chercha à les reconnaître afin de les rendre à leurs proches ou à leur communauté religieuse.

 

Qui était Eugène Crépin ?

Comme il l’indique dans son ouvrage, Eugène Crépin avait été lui aussi un otage de la Commune, ayant été conduit à la prison de la Roquette. Il doit la vie à l’entrée dans Paris de l’ « armée régulière », celle des Versaillais. Lui aussi, ainsi qu’il l’écrit, aurait dû connaître le triste sort de l’exécution dans la rue d’Haxo.

Pour approfondir ce qu’il s’était passé, il s’était installé dans cette villa des Otages, sur le lieu du massacre, quelques années après la Commune de Paris.

Il raconte qu’il avait pu convaincre le propriétaire de l’immeuble de le laisser louer un appartement. La vie y avait repris les droits, effaçant les traces du massacre, sauf le jardin où un monument expiatoire y fut édifié.

C’est ainsi, de la « propriété des otages » qu’il s’efforça d’écrire l’histoire de ce massacre.

 

Sources bibliographiques :