La place de l’Alma au cœur du spectacle de la crue de 1910
La place de l’Alma au cœur du spectacle de la crue de 1910 : elle accueillait la foule venue voir la Seine ….
C’est un automatisme ! Dés lors que nous entendons parler de la crue de la Seine, nous avons immédiatement en tête le zouave du pont de l’Alma. Dans le cas où on n’y avait pas pensé plus vite, journaux, télévision, réseaux sociaux nous le rappellent. C’est donc un euphémisme de dire que l’Alma se trouve au cœur du spectacle des crues. Ce fut évidemment le cas lors de la crue de 1910.
Replongeons-nous dans l’ambiance de la place de l’Alma lors de cette grande catastrophe au moyen des journaux de l’époque.
Première fermeture de la circulation automobile
Située en bord du fleuve, la place de l’Alma connait bien sûr les impacts de la montée de la Seine.
Ainsi, le 25 janvier 1910 (soit six jours après le début de la crue), le Radical écrit dans ses colonnes :
« A trois heures de l’après-midi, l’eau a envahi la chaussée de l’avenue Montaigne devant les numéros 12 et 14. Un barrage a été immédiatement établi de la rue Boccador à la place de l’Alma ».
Certes, l’eau ne se trouve pas sur la place de l’Alma mais on bloque aussitôt la circulation. Tout le quartier devient inaccessible depuis l’extérieur.
Mais une arrivée massive de curieux venue voir la crue
On ne circule pas en voiture dans le quartier ? Qu’à cela ne tienne ! On s’y rendait à pied. Et on y venait très nombreux.
Ce d’autant que tout le monde parlait de la crue depuis plusieurs jours.
Aussi, foule de parisiens et de curieux se rendirent sur place pour voir.
Dans son édition du 27 janvier 1910, le Matin rapporte :
« Sur tous les ponts de Paris, une véritable foule suivit d’heure en heure les progrès du flot montant. Dans les quartiers du Trocadéro, de l’Alma, de la Concorde jusqu’aux Tuileries et à la pointe de l’île de la Cité, les curieux se recrutaient dans la classe aisée. On venait là aussi entre les heures du bureau, entre deux rendez-vous d’affaires, entre deux visites.»
De son côté, le Petit Parisien complète :
« Malgré la neige qui tombait à flocon serrés, malgré le vent et la boue glacée, les curieux étaient nombreux dés le matin au carrefour de l’Alma.
Accoudés au parapet qui borde les quais, ils contemplaient les flots jaunâtres qui venaient, en grondant, s’engouffrer sous les trois voûtes du pont que semblent garder, vigilantes sentinelles, les grenadiers et les voltigeurs de pierre qui symbolisent l’armée de Crimée.
Il y a là des habitués, qui viennent voir tous les jours « leur » pont. »
Discussion et craintes autour du pont de l’Alma
« -Hier, dit l’un deux, le voltigeur avait de l’eau jusqu’au ceinturon.
Il en avait, hier soir, jusqu’aux épaules !
Un barrage de cordes, surveillé par un garde municipal à cheval et des agents, interdit l’accès au pont. Nous nous adressons au brigadier qui dirige ce service d’ordre et nous lui demandons à passer sur la rive gauche.
Nous essuyons un refus péremptoire !
– Seuls les ingénieurs des ponts et chaussées peuvent traverser, nous déclare-t-il.
Prépare-t-on une opération ? Le pont est-il miné ?
– Non, nous répond le brigadier. Mais on est très inquiet. Vous voyez que l’eau a du mal à s’écouler par les arches latérales. Son niveau est plus élevé dans le bief d’amont que dans le bief d’aval, et l’on redoute qu’elle n’envahisse le quartier du Gros Caillou. »
Rétablissement de la circulation automobile
Au fil des jours, les craintes autour du pont de l’Alma se dissipent. Certes, l’édifice devient un barrage de plus en plus important. Cela se traduit par l’inondation du quartier du Gros Caillou et par celle du Cours la Reine. Cependant, l’ouvrage tient.
On peut donc rétablir la circulation. C’était essentiel, car il était très difficile de passer d’une rive à l’autre.
Le Petit Parisien témoigne de la situation, le 28 janvier :
« Sur le pont de l’Alma, la circulation a été rétablie, sans restriction. Les voitures passent, et les curieux, qui y sont en nombre considérable, y font de longues stations. La Seine n’a cependant diminué ni en rapidité ni en hauteur. Elle s’engouffre toujours avec un mugissement sourd de bête furieuse sous l’arche centrale et celle de droite, dont les courbes s’aperçoivent à peine. L’arche de gauche s’entrevoit de temps en temps, quand l’eau se creuse dans un pli de colère de rencontrer une résistance et de ne pas pouvoir passer ».
Le 30 janvier, le Matin informe ses lecteur :
« Les ponts sur lesquels on circule
Voici, d’après la préfecture de la Seine, les ponts non barrés à la circulation générale : Ponts national, de Bercy, d’Austerlitz, Sully, Marie, de la Tournelle, Louis Philippe, Saint Louis, au Double, Notre Dame, Petit pont, pont au Change pont Saint Michel, pont Neuf, ponts de la Concorde (pour la circulation locale seulement), Alexandre III, des Invalides, de l’Alma, d’Iéna, de Passy, de Grenelle. »
Le quartier aux alentours progressivement inondé
Bien qu’on pouvait circuler au niveau de la place de l’Alma, l’eau menaçait toujours. Surtout dans le quartier à proximité, où le triangle d’or et le secteur des Champs Elysées vivaient désormais avec la pression de l’inondation.
Le Petit Parisien signale le 27 janvier :
« Avenue Montaigne, à l’angle de la place de l’Alma, on ne circule plus qu’en bachot.
De l’autre côté de la place, le quai Debilly a été barré à la hauteur de la rue Debrousse, et l’eau gagnant sans cesse du terrain, on sera contraint peut-être de reculer le barrage jusqu’au pont de l’Alma. »
La menace à proximité de la rupture d’une digue au Cours la Reine
La Seine continuait de monter. La peur elle aussi était bien présente, malgré tous les efforts déployés par les soldats, l’armée, et les secours.
Avec le barrage formé par le pont de l’Alma, l’eau montait en amont. On avait dû construire en urgence une surélévation sur le parapet du quai du côté du Cours la Reine. Mais l’eau montait toujours.
Alarmiste, le Matin écrit le 29 janvier :
« Cependant, à travers les madriers et le remblai de terre, l’eau filtrait si abondamment qu’elle inondait successivement la partie du Cours la Reine comprise entre le pont des Invalides et celui de l’Alma et les rues adjacentes. Mais hier soir, le danger devint extrêmement grave ; sous la poussée formidable des eaux qui arrivent à ce détour avec une vitesse énorme, la digue céda peu à peu. Si les assauts furieux des vagues continuent, elle finira par être emportée, elle est déjà dangereusement incurvée en demi cercle.
Des agents sont sur les lieux avec des ingénieurs. A huit heures, une crevasse s’était ouverte entre la digue et le pont, où l’eau tourbillonnait. »
Le journaliste complète :
« La Seine parait surplomber d’un mètre les voies inondées. »
Sources bibliographiques :
- Le Radical du 25 janvier 1910
- Le Matin du 27 janvier 1910
- Le Petit Parisien du 27 janvier 1910
- Le Matin du 29 janvier 1910
- Le Matin du 30 janvier 1910
- Image : Aux abords du pont de l’Alma, dame faisant de la photographie – Crédit BHVP