La place des Vosges, une place Royale
La place des Vosges, la première place du Paris monumental, voulue par Henri IV, avec ses façades harmonieuses et son jardin au centre… une belle parenthèse pour le flâneur.
« Hors du temps », « une place mythique », « Jolie place riche en histoire », « Superbe place où il fait bon se promener ». Voici quelques avis laissés par des visiteurs de passage à la Place des Vosges.
En fait, la Place des Vosges, c’est un peu tout ça. Un lieu presque clos avec ses façades harmonieuses, une histoire venue des rois de France et poursuivie après la Révolution, un cadre bucolique où il fait bon flâner, en souvenir de résidents célèbres, mais avec aussi ses anecdotes insolites…
Voulue par Henri IV en 1605 et inaugurée pour le mariage de Louis XIII, à la place d’un ancien château médiéval, la Place des Vosges s’inscrit alors dans la réalisation du Paris monumental, qui sera poursuivie ensuite.
Dans le Marais, à proximité de Bastille, elle est accessible facilement à partir des stations de métro Saint Paul, Bastille ou Chemin Vert. A voir alors, ainsi que ses alentours !
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L’histoire de la place : sa construction et la volonté d’un roi
Décision d’Henri IV, dans la poursuite de la construction du Paris monumental avec les places royales
Après un début de règne chaotique, pris par les guerres de religions, Henri IV conduit une politique d’embellissement de sa capitale. Ainsi, il finit la réalisation du pont neuf, lancé par Henri III et se lance dans la construction de grandes places : les places royales.
La première fut la place des Vosges, suivie ensuite par la place Dauphine. Un dernier projet ne vit jamais le jour, emporté par l’assassinat du roi en 1610 : la place de France.
Lancement des travaux en 1605
En 1605, Sully, principal ministre d’Henri IV lance les travaux de la place. A noter alors, que le ministre en revendique la paternité : « Une construction qui sera l’une des plus magnifiques de Paris, voire peut être d’Europe, sans qu’elle ne vous en coûte rien… » aurait-il dit au roi, comme il le rapporte dans son livre, Economie royale.
En tout état de cause, les lettres patentes de juillet 1605 prévoient la construction de parcelles de trois côtés uniformes et une entrée par la Rue Royale (devenue aujourd’hui la rue de Birague) venant de la rue Saint Antoine. C’est la première place ordonnancée de Paris qui voit le jour.
Un exemple venu de l’est de la France et d’Italie
Selon Jean Pierre Babelon, spécialiste du XVIIe siècle, Henri IV aurait été ébloui par ce qu’il avait vu lors de ses visites en Lorraine, en s’inspirant de la place de la Carrière de Nancy pour les joutes, les arcades de Pont-à-Mousson.
L’influence italienne était également forte. En effet, depuis la Renaissance, on avait construit dans la péninsule, des places dont l’ensemble de l’architecture était posée, de manière harmonieuse. C’est d’ailleurs une italienne, Catherine de Médicis qui lance la construction du Paris monumental avec son palais des Tuileries.
Une place progressivement réservée aux aristocrates
En 1612, Paris fête les fiançailles du jeune Louis XIII, avec l’infante d’Espagne, Anne d’Autriche, A cette occasion un carrousel est organisé dans la Place Royale, comme on l’appelle alors. Elle est alors pratiquement terminée.
Ensuite, en 1615, pour le mariage du roi, la place est finie. Elle est alors l’écrin parfait pour les fêtes royales.
Vingt ans plus tard, en 1632, on plaça la statue de Louis XIII au centre.
Au départ, la place n’était pas destinée aux aristocrates. En effet, contrairement aux hôtels particuliers d’alors, les immeubles de la place n’avaient pas de cour ou de jardin. Aussi, il était prévu que les appartements aux étages soient loués. Cependant, rapidement des personnes prestigieuses de la bonne société du XVIIe siècle s’y installèrent.
Voulant limiter les allées et venues dans la place, les habitants firent fermer l’accès dans la partie centrale. Seuls les résidents disposèrent alors des clés. C’est ainsi que le square de la place apparait.
A noter que seul le jour de la Saint Louis, le 25 août, le jardin était ouvert à tous.
Retour sur ses noms successifs
Après sa construction, la place s’appelait la Place Royale. En effet, volonté du prince et mettant en avant sa splendeur, la place s’articulait autour de la statue du souverain. Evidemment ce nom fut rapidement remplacé à la Révolution, au même moment où on supprimait la statue royale.
On lui donna alors le nom de place des fédérés, place du Parc d’Artillerie, place de la Fabrication des armes et place de l’Indivisibilité.
Il fallut attendre 1800 pour que le nom que nous connaissons aujourd’hui apparaisse : la Place des Vosges. Il s’agissait alors de rendre hommage au premier département, les Vosges, à s’être acquitté de l’impôt établi par la Révolution.
Avec la Restauration de 1814, la place retrouve son nom d’ancien régime, qu’elle perd en 1830 pour le retrouver en 1852. Enfin, en 1870, avec l’avènement de la Troisième République, elle prend définitivement le nom de Place des Vosges.
L’architecture et l’harmonie des façades
Certes, le pouvoir royal organisa cette place rectangulaire de 140 mètres de largeur, l’ordonnançant comme on dirait aujourd’hui. Mais ce ne fut pas lui qui le finança. En effet, il laissa des particuliers mettre en œuvre le plan dessiné par Louis Métézeau.
Chaque immeuble correspondait à un lot vendu à des particuliers, chargés ensuite de les construire.
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Des immeubles de style Louis XIII respectant un plan strict.
Trente six pavillons, soit six par côté de la place, ont été construits en respectant un plan homogène. Chaque immeuble devait disposer d’un rez-de-chaussée en pierre, deux niveaux d’étages en briques et en pierre, puis un toit en ardoise. Chaque niveau de chaque pavillon est éclairé par quatre fenêtres.
Les proportions étaient également bien précises : la hauteur des toits devait être égale à leur largeur, ainsi qu’à la moitié de celle de la façade. Voici le secret en quelque sorte de l’harmonie de la Place des Vosges !
Les pavillons du Roi et de la Reine
Deux pavillons, toutefois, ressortent. Tout d’abord, côté sud, le Pavillon du Roi, le premier. Majestueux avec un premier niveau en pierre, rehaussé par des pilastres cannelées et jumelées.
Ensuite, côté nord, le Pavillon de la Reine. Il reprend la symétrie, sans que cela n’ait été prévu dans les premiers projets.
Au final, la construction de la Place des Vosges contribue à inscrire le style Louis XIII en architecture : façades entre deux et trois étages, des lucarnes ressortant des toitures et les surmontant…
Des arcades où le promeneur peut marcher à l’abri de la pluie et se laisser tenter par les boutiques
Grâce aux arcades, le promeneur peut effectuer le tour complet de la Place des Vosges, les pieds au sec.
Leurs plafonds donnent une vision magique, avec les jeux de briques et de pierres. Ensuite, sous les arcades, de nombreuses boutiques, dés l’origine de la place était prévue. Il est encore agréable aujourd’hui de se poser dans un des cafés qui s’y tiennent. N’hésitez pas à entrer dans les boutiques et admirer les plafonds en bois.
Un jardin tranquille, installé dés 1682, renonçant à l’aspect orignal de grande cour
Lors de l’aménagement initial de la Place des Vosges, le territoire central devait rester comme une grande cour. D’ailleurs, la place Ducale à Charleville Mézières, sœur jumelle de la Place des Vosges, conserve cet esprit totalement urbanisé, sans aucune place à de la végétation.
Le lieu devait permettre ainsi de tenir des grandes fêtes. Ce fut notamment le cas pour le mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche en 1615. Là, furent donnés des grands carrousels, spectacles équestres, remplaçant les joutes, à l’occasion des grandes fêtes
Toutefois, au centre la Place des Vosges, alors Place Royale, un premier jardin clos est installé en 1682. A cette époque, il est réservé aux habitants des lieux. En effet, il faut se rappeler que les immeubles de la place ne disposaient pas de cour et de jardin. Aussi, ce square central devait leur permettre de profiter de l’extérieur… et de l’ambiance générale de la place.
En outre, à cette date, Louis XIV faisait déménager la cour à Versailles, éloignant de Paris la tenue des carrousels. A noter d’ailleurs que les principaux de son règne s’étaient tenus, entre le Louvre et les Tuileries. Ce lieu en garde le nom : le Carrousel du Louvre.
Ce jardin fut ensuite détruit à la Révolution, emportant également la statue de Louis XIII placée en son centre. Il fallut attendre le XIXe siècle pour qu’il soit replanté, s’organisant autour de quatre fontaines et de la nouvelle statue de Louis XIII.
Enfin, le square prend son aspect connu aujourd’hui avec la plantation des tilleurs de Crimée autour et des marronniers au centre. Là, avec une impression de « hors du temps », le promeneur y trouve du calme et de la fraîcheur, loin des tumultes de la ville.
A l’emplacement du parc d’un château royal
Difficile de s’imaginer là, sur le territoire d’un grand château royal. Et pourtant, là se dressait l’Hôtel des Tournelles. Au nord de la rue Saint Antoine, il avait édifié par le duc de Bedford, lors de l’occupation anglaise de Paris, en plein milieu de la Guerre de 100 ans. Après la retraite des anglais, Charles VIII et ses successeurs viennent rarement à Paris. Toutefois, ils préfèrent cette demeure, avec son grand jardin pour monter à cheval.
Parmi eux, Henri II fut un adepte des lieux. A côté, la rue Saint Antoine était suffisamment grande pour y tenir des joutes. C’est d’ailleurs des suites d’un accident au cours de l’une d’elles qu’il meurt en 1559.
Sa femme, Catherine de Médicis, prit ensuite en grippe ce château. Le roi y était mort et elle lui trouvait un côté trop ancien. Le temps était alors aux palais Renaissance. Elle quitta l’Hôtel des Tournelles pour l’Hôtel de Soissons d’abord, et le palais des Tuileries ensuite.
A la place, on installa dans les jardins des moulins à poudre, mais aussi un marché aux chevaux et une manufacture de tissage de soie.
Ses résidents célèbres
Avec son emplacement privilégié et son ambiance légendaire, la Place des Vosges attira des personnages illustres.
Ainsi, au cours du Grand Siècle, la Marquise de Sévigné y était établi, tout comme le compositeur Marc Antoine Charpentier, connu pour son Te Deum. A cette époque, on pouvait aussi croiser Bossuet, évêque de Meaux et écrivain.
De nombreux écrivains vécurent également Place des Vosges. Le plus illustres d’entre eux était bien sûr Victor Hugo, dont la maison est aujourd’hui transformée en musée. Alphonse Daudet et plus tard Colette, ainsi que Georges Simenon y vécurent également.
Les lieux insolites
Au niveau du numéro 5 de la Place de Vosges, l’entrée est marquée par des rails dans le sol. Là, en effet, le chemin de fer allait jusqu’à un local de cet immeuble, l’Hôtel de Rotrou. On y trouvait les cuisines de la Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens.
Ainsi, ici furent préparés jusqu’en 1954, de nombreux plats pour approvisionner les grandes gares parisiennes.
Le pilier de la statue équestre de Louis XIII ! Sur le modèle dessiné par Charles Dupaty et réalisée par Jean Pierre Cortot, une nouvelle statue du roi est placée en 1821 au centre de la place.
On ne lésine pas sur les moyens, avec une statue en marbre. Toutefois, elle avait un défaut, obligeant à installer sous le ventre du cheval un pilier, évitant ainsi qu’elle ne s’effondre.
Et autour ?
Tout d’abord, découvrez l’Hôtel de Sully. Ses jardins sont accessibles à partir d’une petite porte, située sur le côté Nord Ouest de la place. Magnifique lieu de résidence du principal ministre d’Henri IV, construit dans le pur style Louis XIII. Dans la cour, les statues des quatre saisons valent le coup d’œil.
Ensuite, vous pouvez bien sûr profiter des musées aux alentours : Musée de Victor Hugo, Musée Carnavalet…
Enfin, profitez de notre idée de balade du Marais médiéval, à la découverte de maisons du Moyen Age, de vestiges d’anciens remparts et de souvenirs de palais royaux. Bonne promenade !
Visiter la Place des Vosges
Place des Vosges – 75004 Paris
M° Saint Paul (L1)
Bus : Lignes 29 arrêt Place des Vosges ou 69 ou 76 arrêt Birague
Sources bibliographiques :
- Babelon Jean-Pierre. Histoire de l’architecture au XVIIe siècle. In: École pratique des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1975-1976. 1976. pp. 695-714.
- Dictionnaire historique de Paris, sous la direction de Roseline de Ayala, Livre de Poche 2013.