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Histoires d'art

James Tissot et le japonisme

James Tissot et le japonisme : une collection d’avant-garde attirant la curiosité de ses visiteurs et modèles

 

La seconde partie du XIXe siècle est un temps choyé par les collectionneurs. Après la passion des objets chinois et venus d’ailleurs, les français se prirent d’attrait pour d’autres produits venus de l’extrême orient. Aussi, le Japon était devenu au centre des curiosités, tant et si bien qu’il marqua l’histoire de l’art européen. Nous ne reviendrons pas dans cet article sur le lien entre les estampes japonaises et les impressionnistes, mais sur une autre coïncidence mise en valeur par l’exposition « James Tissot, l’ambigu moderne » :  l’attrait du peintre pour le japonisme.

 

Retour sur le japonisme en France

La seconde moitié du XIXe siècle se prend de passion pour l’art du Japon. Précédemment, la France n’avait pas été étanche au charme des produits nippons. En effet, les produits reprenant la laque du pays du soleil levant faisaient fureur dans les belles maisons aristocrates du XVIIIe siècle. Mais, toutefois, avec l’ouverture de ports japonais aux navires européens, les échanges se multiplièrent. Ainsi, les parisiens pouvaient voir dans cette seconde partie du XIXe siècle, nombres d’objets japonais. Lors de son allocution reprise par la Revue des arts décoratifs de janvier 1898, Louis Gonse évoque l’art japonais de collection, « comme il en existe un grand nombre à Paris » et qui « a cette particularité merveilleuse que plus on le regarde et l’examine, plus il vous donne la sensation de perfection. »

 

Quelques repères historiques sur le rapport du Japon avec le reste du monde

L’ouverture du Japon à l’extérieur se fit en plusieurs années. En effet, le pays était sous le joug du système des Shoguns depuis le début du XVIIe siècle. Cette période, appelée également l’ère Edo, était marquée par une logique de forte fermeture. En effet, toute personne, entrant au Japon, sans aucune autorisation, risquait une exécution immédiate. Cette politique, appelée le Sakaku, s’était traduite par une expulsion des missionnaires chrétiens dans la moitié du XVIIe siècle et la forte limitation de ports aux navires européens. De ce fait, les produits venus du Japon étaient très rares.

Ce sont les américains qui réussirent à faire lever le blocus en 1853, à l’aide de relais militaire. Ainsi, avec quatre navires lourdement armés que Matthew Perry apporta une lettre du président américain demandant l’autorisation de commercer… qui fut acceptée non sans déception.

Les 15 années qui suivirent furent marquées par des troubles au sein de la société japonaise, impliquant en 1868, un changement de régime avec le gouvernement Meiji et la fin des Shoguns. Le commerce fut davantage ouvert, facilitant alors la diffusion d’objets d’art japonais en Europe.

 

Des premiers objets japonais arrivant par petits lots et intéressant principalement quelques intéressés

Dans ces premières périodes, les venues de produits japonais se firent avec difficulté, sans véritable connaissance. Ainsi, il y avait le goût de nouveautés dans les premières années, puis un attrait sans encore de véritables connaissances. C’est ce que suggère Louis Gonse que nous citons.

« Ces objets d’art ayant été recueillis par les marchands du pays, quelques hardis pionniers, draineurs intelligents venus d’Europe, les ont ramenés pour la majeure partie en France, pêle-mêle, mélés à des amas de choses médiocres, comme des perles ignorées qu’il s’agissait pour les néophytes de discerner des objets sans valeur. »

« Le début fut fâcheux. Les arrivages étaient médiocres, les bonnes choses déplorablement perdues dans le fatras des mauvaises. On ne vit qu’un Japon de surface, qu’on exploita sans aucun discernement. »

 

James Tissot faisait partie des premiers collectionneurs avant-gardistes

Rapidement après le coup de semonce des navires étatsuniens sur les ports japonais, des nouveaux objets d’art arrivèrent en Europe. Certains artistes se mirent à les acheter, souvent en conservant leurs liens avec des marchands d’objets asiatiques qu’ils avaient l’habitude de visiter, comme la Porte Chinoise de la rue Vivienne. Frappant de voir ces marques d’intérêt alors même que l’ouverture du pays restait mesurée et que le régime des Shogun était toujours en place, quoique titubant.

Ainsi, Tissot partageait avec Manet, Whistler, Braquemont et d’autres artistes cet intérêts.  Dans sa maison de l’avenue de l’Impératrice, on pouvait trouver chez Tissot des kimonos, des paravents, des éventails, puis ensuite des estampes.

 

Le japonisme dans l’art de Tissot

La présence de ces œuvres d’art japonaise chez lui se retrouve dans l’œuvre de Tissot. Ainsi, en 1864, il habilla un modèle d’un de ses kimonos qu’il représenta dans son tableau Japonaise au bain. Il aimait aussi peindre des visiteuses admirer ses œuvres japonaises. On peut citer ainsi le Rouleau japonais, où une jeune femme est penchée sur un long rouleau, dans une ambiance de salon d’hiver.

En illustration de cet article, nous vous proposons de revenir sur deux tableaux : les jeunes femmes admirant des objets japonais. Tous deux furent exécutés en 1869. On peut y voir à chaque fois deux demoiselles concentrées à regarder dans le détail des œuvres d’art japonais. Comme le décrivait Louis Gonse, il était d’usage de prendre son temps à apprécier la finesse des traits et de la décoration, plongés dans la découverte des nombreux détails.  Ces tableaux nous permettent également de revenir sur l’attrait de Tissot de recevoir chez lui : cela se traduisait par sa vie mondaine, mais également par la venue de nombreux modèles qu’il pouvait représenter à sa guise.

La curiosité était forte et James Tissot se plaisait à faire partie à sa manière à cette diffusion, certes d’avantage dans sa présentation à ses visiteurs que la véritable reprise artistique de ses œuvres. Mais ces dernières sont pour nous un témoignage de cette mode naissante.

Le Japonisme en France démarrait juste et les estampes japonaises purent ensuite, dans les dernières décennies du XIXe siècle marquée les impressionnistes dans le traitement des paysages que Toulouse Lautrec dans ses portraits.

 

Sources bibliographiques :