Histoires de Paris

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Repères

Les mesures d’hygiène en amont du siège de 1870

Les mesures d’hygiène en amont du siège de 1870 : une commission adhoc diffuse de nombreuses recommandations.

 

Juste avant le Siège de 1870, les autorités civiles et militaires s’organisent à Paris. Il s’agit de se préparer à repousser les assauts de l’ennemi, tout en se protégeant le plus possible des conséquences les plus difficiles de cet état.

L’hygiène et la salubrité font partie, comme nous le verrons dans les lignes qui vont suivre, de ces préoccupations.

 

Quel était l’état sanitaire à Paris avant le siège ?

Le Petit Journal du 15 septembre nous apporte quelques précisions :

« D’après les statistiques officielles qui sont dès à présent mises chaque jour à la disposition de la Commission centrale d’hygiène et de salubrité publique, la situation sanitaire de Paris est de plus en plus satisfaisante. La variole continue à suivre sa marche décroissante. Quant aux autres maladies, elles n’offrent absolument rien que de normal et restent même pour la plupart au-dessous des chiffres donnés par les moyennes des années précédentes.

La commission fait exécuter en ce moment le relevé complet de tous les locaux qui peuvent, dans l’intérieur de l’enceinte tortillée, servir à l’établissement de vastes ambulantes.

Les indications déjà recueillies démontrent que l’on aura de quoi pourvoir à tous les besoins de cet important service. L’une questions les plus intéressantes a été étudiée avec le soin le plus minutieux par la Commission centrale d’hygiène et de salubrité publique : Nous voulons parler des conditions hygiéniques dans lesquelles se trouve le bétail introduit à Paris, ces conditions ont été reconnues bonnes.

Toutefois, pour aller au-devant de toute complication fâcheuse amenée par la saison, on est résolu à abattre successivement et à préparer, sous forme de conserves ou salaisons, une partie des bestiaux. L’industrie privée, avec un louable empressement, a, dans ce but, mis ses usines à la disposition de l’administration. »

 

 

Une commission dédiée rapidement pour poser les conditions d’hygiène et de salubrité à Paris

Au regard de l’importance stratégique de la défense de Paris dans ce contexte de guerre, c’est le gouvernement de la défense nationale qui installe une commission pour s’occuper de ce sujet essentiel pour la survie des parisiens pendant la durée du siège. Voici la communication officielle du 10 septembre 1870 :

« Le gouvernement de la défense nationale, considérant que, dans les circonstances actuelles, il est urgent de centraliser les différents services, une commission de huit membres est constituée à l’hôtel de ville. Elle prendra le nom de commission d’hygiène et de salubrité.

Les commissions d’hygiène de chaque arrondissement, le conseil d’hygiène et de salubrité du département de la Seine, la commission des logements insalubres, correspondront directement avec la commission centrale qui fera rapport au gouvernement.

Fait à Paris, le 10 septembre 1870. »

 

Cette commission fut rapidement installée au cœur du pouvoir de l’époque, soit à l’Hôtel de Ville. Elle se réunissait chaque jour.

Elle comprenait les membres suivants – nous citons ici le Petit Journal :

« Voici d’abord le docteur Germain Sée, professeur à la Faculté, un des maîtres de la médecine moderne.

Puis M. Bouchardat, le célèbre hygiéniste M. Bouley, si expert dans toutes les questions qui intéressent la science vétérinaire M. Sainte-Claire Deville, le hardi novateur ; M. Alphand, si compétent dans tout ce qui intéresse le service de la voie publique.

Jules Ferry préside, assisté de M. Brisson, adjoint au maire de Paris.

Dans les circonstances ordinaires, les conseils d’hygiène sont appelés à jouer un rôle utile, mais ce rôle a bien plus d’importance aujourd’hui.

 

Premières décisions prises par la commission d’hygiène et de sécurité

Très rapidement, la commission prit ses premières mesures dont nous retrouvons les traces dans le Petit Journal du 15 septembre 1870.  Elle tenait à les faire diffuser par la presse pour en assurer la publicité la plus large au sein de la ville.

 

La gestion des boues

 « Des plaintes nombreuses se sont produites relativement au retard apporté depuis quelques jours à l’enlèvement des immondices sur la voie publique. Ce service était fait précédemment par des maraîchers qui, empêchés par les circonstances, ont dû être remplacés à l’Improviste. Des mesures sont prises pour que tous les jours ce service soit dorénavant terminé à midi au plus tard.

La commission s’est préoccupée également de la question de l’arrosement. La suspension actuelle est tout à fait momentanée et motivée par des travaux exceptionnels de défense. Des locomobiles vont, d’ailleurs, être installées sur le bord de la Seine et l’arrosage au tonneau suppléera, autant que faire se pourra, à l’arrosage à la lance, s’il venait à se trouver interrompu de nouveau. »

 

Suivant les quartiers, des lieux furent définis pour stocker ces boues et les ordures

« 1e Section. Terrain derrière le cimetière Montmartre. Rue des Grandes-Carrières, 12 et 14 (18° arrondissement).

2e Section. Terrain à l’angle du boulevard Davoust et du cours de Vincennes (20° arrondissement), Carrières Rousset, boulevard Mortier, près la porte de Bagnolet.

3° Section. Terrain de la compagnie des Glaciélés, rue de la Glacière, 123, dans le 13e arrondissement. Carrière du parc de Montsouris, dans le 13° arrondissement.

4′ Section. Rue Kléber, du numero 15 à 23 (15° arrondissement).  Ancien Hippodrome, avenue d’Eylau, 5′ Section. Carrières d’Amérique (19° arrondissement).

6′ Section. Terrain rue Marceau, au coin de la rue Nicoluï (12e arrondissement).

7′ Section. Carrière entre la rue du Clievaleret et le sentier du Dessous des-Berges. Rue de Yanves, partie comprise entre le chemin de fer de ceinture et la rue du Transit (14′ arrondissement).

15° arrondissement. Ancien Hippodrome, avenue d’Eylau Entre le boulevard Pereire et la rue Militaire, place Nouvelle (17, arrondissement Terrain entre les rue Ordener et Ramey (18e arrondissement).

10′ section. Carrières d’Amérique (19e arrondissement). Carrières Rousset, boulevard Mortier, Vi près la porte de Bagnolet (20° arrondissement) »

 

 

La gestion de l’eau

« Des approvisionnements immenses de substances désinfectantes viennent d’être introduites dans Paris. On est ainsi en mesure de prévenir énergiquement toute émanation dangereuse pour la salubrité publique. Les habitants de Paris doivent être rassurés en ce qui concerne le service des eaux pendant le siège.

Quand même la population serait privée de l’eau des aqueducs extérieurs, l’administration aura encore à sa disposition, tous les jours, soixante à soixante-quinze millions de litres d’eau potable, sans compter celle des puits particuliers.

D’après le rapport des ingénieurs du service, rapport fait et communiqué à la commission centrale d’hygiène, l’arrosage seul des rues pourrait souffrir.

Ainsi, la suspension, depuis samedi dernier, de l’arrosage dans certains quartiers, tient à la suppression d’un canal, encombré par les travaux de défense. »

 

 « La commission s’est occupée de tout ce qui concernait, au point de vue de l’hygiène, l’habillement, l’alimentation de ces masses agglomérées.

Elle a rencontré de la part du Gouvernement un bon vouloir et un zèle qui assurent contre tout risque de ce côté. Mais que de complications surgissent à la fois ! Prenons pour exemple arrosement des rues. Les travaux du génie militaire encombrent momentanément le canal de l’Ourcq.

Que faire ? Car ce sont les eaux de ce canal qui alimentent en grande partie les tuyaux d’arrosage. La poussière, à Paris, n’est pas seulement un inconvénient, elle pourrait devenir un danger à cause des nombreux germes de décomposition animale qu’elle contient.

La commission d’hygiène a eu la bonne pensée de réorganiser le système d’arrosage au tonneau, et de ce côté le danger est dissipé. »

 

Cas de maladies animales

« L’accumulation des bestiaux est telle qu’on peut non pas craindre, mais prévoir la possibilité d’épizooties partielles. Si l’on n’y prenait garde, des maladies telles que par exemple le sang-de-rate, pourraient rendre contagieuse pour l’homme même la piqûre des mouches qui auraient séjourné sur le cadavre des bêtes mortes. Des visites quotidiennes de vétérinaires sont organisées dans tous les parcs à bestiaux.

Au premier symptôme, un animal malade serait aussitôt abattu et enfoui. On n’en est pas tenu là, dans les fosses on jetterait du sel et des désinfectants.

Sel et désinfectants ont été dans ce but introduits dans Paris en immenses quantités. »

 

Les ambulances

« La commission d’hygiène ne pouvait manquer de se soucier des ambulances. L’organisation en est complète ! 

On a fait venir, sur son avis, des médicaments de toutes sortes. Londres a contribué à ces envois pour une large part. En même temps on demandait à la charité privée d’adresser aux mairies tout le linge disponible.

Il a fallu penser aussi à l’eau. Des procédés de filtrage ont été adoptés et permettent de rendre potables les eaux mêmes des puits les plus saumâtres. La vapeur fournira en outre des moteurs qui, alimentés par la Seine, seconderont l’action des pompes à feu.

 

Les recommandations adressées à la population pour le maintien de son hygiène

La commission publia plusieurs recommandations, portant sur l’alimentation, les eaux, l’assainissement et les logements

« Dès aujourd’hui, la commission d’hygiène croit devoir recommander à l’attention publique la note suivante

L’entrée dans Paris des populations de la banlieue a déterminé l’encombrement de certaines maisons.

« Voici les principales précautions hygiéniques que ces conditions exceptionnelles commandent

1e Aérer le mieux possible de jour et de nuit les pièces occupées par un grand nombre

2e Enlever avec le plus grand soin, chaque jour, les immondices et les fumiers des animaux

3e Visiter régulièrement les différentes matières alimentaires accumulées souvent dans des locaux étroits pour s’assurer de leur parfaite conservation ;

4e Tenir en bon état les puits et les appareils nécessaires pour monter l’eau, afin de pourvoir à l’arrosement, à la propreté des cours, des trottoirs et de la voie publique. »

 

Ces conseils ont été renforcés :

« Entretenir soigneusement la propreté du corps par des lavages et des bains. Changer suffisamment de linge et nettoyer autant que possible les autres vêtements. Eviter l’accumulation du linge sale en lavant ou donnant à laver au fur et à mesure. Ne pas coucher en grand nombre dans la même chambre, surtout dans la pièce servant de cuisine. Renouveler l’air des appartements en ouvrant de préférence les fenêtres exposées au soleil et, s’il y a lieu, se couvrir de vêtements chauds, afin de pouvoir aérer plus largement sans avoir à craindre l’action du froid,

Ne jamais brûler de charbon dans un réchaud à l’intérieur des appartements, ni dans les corridors, à moins qu’on ne le place dans l’âtre d’une cheminée ou sous la hotte d’un fourneau ; par où puissent s’échapper la fumée et les gaz provenant de la combustion.

 

Maintenir les habitations dans un état de propreté irréprochable. Balayer régulièrement les chambres, allées, escaliers, cours, etc. Nettoyer fréquemment, avec le plus grand soin, les sièges et cuvettes des lieux d’aisance, les plombs destinés aux eaux ménagères, les rigoles, ruisseaux et gargouilles. Ne point garder des viandes qui commencent à se corrompre, laisser au dehors, à l’air libre, les provisions et particulièrement les fromages qui exhalent une mauvaise odeur…

Enfermer les ordures, débris d’aliments, résidus le cuisine, dans des seaux ou autres vases clos, pour les jeter chaque jour dans les tombereaux qui doivent les emporter.

 

Ces recommandations furent renforcées également par le fait que Paris observa l’arrivée forte de population vivant habituellement à l’extérieur des enceintes.

 « La commission insiste sur ces préceptes de l’hygiène la plus vulgaire, parce que les populations nouvellement introduites dans la capitale, habitués à la vie du la campagne, ignorent les inconvénients de l’habitation des grandes villes. »

 

Sources bibliographiques :

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