Histoires de Paris

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Histoires de place

La place de la Concorde menacée par la crue de 1910

La place de la Concorde menacée par la crue de 1910 : Si le niveau était monté un peu plus, tout était perdu.

 

Parmi les plus grandes places de Paris, la Concorde connut des heures très difficiles lors de la crue de 1910. La circulation y fut fermée ! La chaussée se retrouva inondée. On construisit des protections de partout, dans le cas où la Seine monterait encore.

Revue de presse !

 

Les premières alertes sous la place de la Concorde

Comme on peut s’y attendre, ce fut au niveau des ports que la crue eut ses premiers effets. Le 20 janvier, la Petite République indique :

« Si les pluies continuent, la crue va devenir inquiétante.

La Seine commence à donner de sérieuses inquiétudes aux ingénieurs du service de la navigation. Déjà, elle atteint le point auquel elle s’élevait il y a un mois. En plein Paris, de la Concorde aux Tournelles, elle affleure les bas ports. »

 

Le 25 janvier, le Radical fait un point de la situation :

« A sept heures du soir, le niveau de la Seine, près du pont de la Concorde était à hauteur de la chaussée ; comme il y a du côté de la place de la Concorde un chemin de descente vers la berge, les eaux ont dû envahir la chaussée cette nuit. »

 

Inondation dans le métro

Après les berges, c’est au tour du métro de se retrouver pris dans les eaux. La poussée des infiltrations mais aussi l’inondation dans le tunnel du Nord Sud met la ligne 1 en grande difficulté, comme l’indique le Petit Parisien le 27 janvier 1910 :

« Sur la ligne 1 du Métropolitain (Vincennes – Porte Maillot), le service a été complètement interrompu à cause d’infiltrations qui ont submergé la voie à la Concorde. On a seulement établi une navette entre la Porte Maillot et la place de l’Etoile. »

 

La menace de la Seine

Puis c’est au tour du fleuve lui-même de menacer. Son niveau a tellement monté qu’il se trouve au-dessus de la place. Seul le parapet du quai de la Conférence protège les lieux.

Compte rendu par le Petit parisien du 28 janvier

« Au quai de la Conférence, l’eau affleure le parapet

On s’attend d’un moment à l’autre à ce que l’eau passe par-dessus le parapet du quai de la Conférence. Trente hommes du génie sont sur les lieux, et de concert avec les cantonniers, creusent des tranchées et construisent des barrages avec des sacs de terre.

Des barrages sont établis place de la Concorde, depuis les chevaux de Marly, la statue de Nancy, jusqu’aux chantiers du Nord Sud. Devant le jardin de Paris et le restaurant Ledoyen, la nappe d’eau est profonde de près d’un mètre. »

 

Un combat pour tenter de protéger tout

A partir des écrits du Matin du 28 janvier, nous pouvons suivre la situation dans ce lieu :

« Grâce aux travaux de défense en terre qui ont pu être exécutés hier, la place de la Concorde et les palais des Champs Elysées ont échappé à l’envahissement des eaux auquel la hauteur de la crue les condamnait, d’après le tableau que nous avons publié hier.

Cependant, dans la soirée, l’eau apparaissait derrière le Petit Palais et sur certains points de la place de la Concorde. Des barrages ont été immédiatement établis et la circulation a été partiellement interrompue. »

 

On se prépare au pire et on ferme toutes les rues menacées par la place.

 

Le pic de la crue et des combats

Le Matin du 29 janvier poursuit son rapport :

« Dés le matin, des nouvelles sinistres circulaient. On signalait partout des commencements de catastrophes. La Seine paraissait choisir pour les ruiner les promenades préférées des parisiens, les perspectives les plus célèbres du monde. Elle creusait place de la Concorde, dont les alignements sont tous modifiés. Elle ouvrait les Champs Elysées où un charretier perdait son cheval dans une crevasse, et manquait de se perdre lui-même. Elle déchaussait les pavés rue Royale, défonçait la place de la Madeleine, provoquait place de l’Opéra un affaissement brusque. »

 

 « Un parapet artificiel protège la place de la Concorde et le Cours la Reine

Le danger le plus grand peut être qui ai jusqu’à cette heure menacé Paris continue à gronder sourdement au sombre remous du fleuve. Quelques centimètres de crue encore, la moindre poussée et la place de la Concorde sera envahie. Alors si ce malheur arrive, c’est le plus effroyable désastre qu’on puisse imaginer. »

« L’avant dernière nuit, le parapet qui est immédiatement en aval du pont, à l’abreuvoir de la Concorde, n’émergeait plus de que cinq centimètres. On s’empressa de l’exhausser au moyen de sacs de sables entassés, et cette opération était de la dernière urgence, puisqu’hier matin, la Seine avait dépassé le parapet de deux centimètres, ce qui fait que prenant comme point de repère le centre de la place de la Concorde, l’eau bat à plus d’un mètre au-dessus de ce niveau fragile barrage de sable qui la contient encore. »

 

La bataille des soldats

« Les soldats et les ouvriers du génie travaillent courageusement.

Au-delà de l’usine de la Concorde jusqu’au pont Alexandre III, sous la conduite des piqueurs et des employés de la voirie qui, harassés mais marchant quand même, dirigent les travaux les soldats du génie, sans trêve ni repos, avec un zèle, un dévouement et un courage admirable, depuis ce matin déchargent des voitures de sable et emplissent des sacs qu’ils vont ensuite déposer au long du parapet. C’est grâce à ces braves gens que jusqu’à présent l’eau a pu être endiguée et n’a pas envahie la place de la Concorde, avec tous les irréparables malheurs qui s’ensuivraient, et que nous avons indiqués plus haut. Que ce monceau de sacs s’écroule soudain et la plupart d’entre eux seraient infailliblement noyés. Mais sans même y songer un instant, avec une alerte vaillance, en chantant le sac sur l’épaule, ces vieilles chansons hardies et rudes qui font la joie des chambrées, ils vont et poursuivent leur tache périlleuse, hardiment, joyeusement, à la française. »

 

« Le barrage de la place de la Concorde, confectionné à la lueur des torches par les soldats du génie, monte plus haut, toujours plus haut pour faire front à la marée qui l’assaille. »

 

« A 10h35, à l’abreuvoir de la Concorde, l’eau dépasse le niveau du trottoir : elle va s’écouler par-dessus le parapet »

 

La voirie en grande souffrance

Avec la grande pression de l’eau en sous sol et l’inondation sur la voirie, cette dernière est soumise à un grand danger : « Place de la Concorde, il y a une excavation à l’angle du Cours la Reine et de l’avenue des Champs Elysées. »

Le journaliste poursuit :

« La place de la Concorde s’affaisse en plusieurs endroits ; des lampadaires s’inclinent. La circulation est interdite aux voitures. »

« Ajoutons que dans tout le périmètre compris entre la place de la Concorde et l’avenue d’Antin, on manque totalement d’eau potable. »

 

Fin du combat

« Du côté du parapet, le danger parait écarté pour l’instant. Nous l’avons consolidé de notre mieux ; il ne nous reste plus qu’à nous tenir prêts à combler les fissures toujours possibles. Le véritable péril est dans le manque de solidité du sol que nous foulons et où nous pouvons être ensevelis en un clin d’œil par un éboulement. En outre, les infiltrations sont de plus en plus nombreuses et d’un moment à l’autre le sol peut se soulever, livrant passage à une véritable trombe d’eau. Cette eau, tendant à reprendre le niveau de la Seine, inonderait la place de la Concorde et les rues avoisinantes en quelque instants et cette fois, il ne nous resterait plus qu’à abandonner en toute hâte les lieux que depuis quatre jours nous défendons avec tant d’opiniâtreté. »

 

 

A dix heures du soir, M. Chanot, officier de la paix, a fait interdire totalement à la circulation sur le côté riverain de l’avenue des Champs Elysées de la Concorde à l’avenue D’Antin

 

Sources bibliographiques :