Les danseurs de corde et les sauteurs
Les danseurs de cordes et les sauteurs ou le combat acharné face à la Comédie Française pour un théâtre libre et franc
Les marchands de foire faisaient venir au XVIe siècle des saltimbanques qui dansaient. A la fin de leur spectacle, ceux-ci passaient auprès du public pour obtenir quelques pièces.
De la rue à la foire ! De l’interdiction à la liberté !
Les parisiens pouvaient croiser ces danseurs les jours de fêtes sur les places. Toutefois, selon Jacques Bonnet, historien de la danse du début du XVIIIe siècle, les curés étaient jaloux de leurs succès. En effet, lassés de voir leurs ouailles les quitter pour se masser voir les spectacles des danseurs, ils les firent interdire. En 1560, un règlement de police les exclut alors de la rue.
C’est ainsi que les saltimbanques se réfugièrent dans les foires, zones franches. Ils durent se contenter uniquement des foires Saint Germain et Saint Laurent.
Dés lors, les danseurs de cordes prirent des loges dans les foires et vendaient leurs places aux spectateurs. Les premières places pouvaient coûter 16 sols.
Chaque été, les entrepreneurs de province se regroupaient pour monter occuper une place dans le préau des spectacles de la foire Saint Laurent, ou jouer dans les faubourgs. Dans ce dernier cas, ils montaient à proximité des principales entrées de l’enclos de la foire des petites maisons démontables en planches. Ces théâtres étaient dénommé loges et le spectacle, un jeu. A côté de la scène, ils avaient placés une caisse contenant l’ensemble des accessoires pour les danseurs et les sauteurs.
La réunion des danseurs de cordes et des sauteurs
La troupe dirigée par Moritz Vonderbeck des danseurs de corde jouait un sujet devenu avec le temps célèbre : la belle Tourneuse. Le spectacle débutait par une personne qui emprunter aux cavaliers présents leurs épées pour les faire tourner à chacun des coins de ses yeux, accompagnée d’un violon.
Ces danseurs de corde complétèrent leurs spectacles, en faisant venir une autre troupe, les Alards. Ceux-ci étaient réputés dans les sauts périlleux.
Ainsi, à la foire Saint Germain, cette troupe de 24 sauteurs. Elle présenta en 1678 une pièce de clown, accompagnée par des danses.
Progressivement, le jeu se complexifie. La Comédie italienne commence à les inspirer. Aussi, ils apprivoisèrent d’abord Gilles, qui mimait la peur du policier, en commentant les sauts. Ensuite, Arlequin et Scaramouche firent leur entrée dans leur répertoire.
Ensuite, c’est la musique qui s’enrichit pour accompagner les danseurs.
Les danseurs de cordes saisirent l’opportunité du départ de la Comédie italienne
1697 pour ces saltimbanques fut une date qui marqua les mémoires. Les comédiens italiens alors furent chassés de l’Hôtel de Bourgogne. Aussitôt, les forains profitèrent de l’occasion pour reprendre leur répertoire, pariant sur la fin du monopôle de la comédie.
Bertrand qui avait une troupe de danseurs et sauteurs à la foire Saint Laurent sauta sur l’occasion. Il loua l’Hôtel de Bourgogne. La réaction de la Comédie Française ne se fit toutefois pas attendre. Elle se plaignit devant le procureur.
Les forains, arguant la franchise de leurs marchandises, contestent alors les revendications de la Comédie Française. Très procéduriers, les danseurs restèrent le plus long temps possible à jouer leurs spectacles et chercher la sympathie du public. N’hésitant pas à faire intervenir l’abbé de Saint Germain, ils tinrent la tête haute aux autorités.
Par la suite, ils recrutèrent deux suisses de la garde du Régent, pour le poste de directeurs de théâtre. En effet, les suisses de la garde royale avaient leurs propres privilèges et immunités. Ils servaient ainsi de paravent.
Le combat aboutit à la défaire des forains en 1710, après plus de 10 ans de procédure.
Plus de 10 ans de jeu du chat et de la souris face à la Comédie française
Les spectacles de la foire Saint Laurent de 1697 profitèrent de cette situation. Les forains firent alors des investissements pour aménager leurs théâtres avec des véritables scènes, des rangées de sièges, un parquet. Ils en profitent pour augmenter leurs tarifs, si bien qu’en 1711, la place dans leurs théâtre coûtait plus chère que celle de la Comédie Française.
Pendant ces dix ans de combat acharné, les forains n’hésitent pas à retenir simplement les meilleures scènes des pièces du répertoire des comédiens italiens.
Face à l’interdiction des dialogues, ils réagirent en proposant des monologues : ainsi, les acteurs défilaient sur scène pour répondre à leurs prédécesseurs. Les monologues virent à leur être interdits ? Ils firent alors du théâtre muet ou usant de jargons parodiques. Enfin, ils utilisèrent des écriteaux.
Au moment d’entrer sur scène, l’acteur rangeait dans sa poche droite ses répliques. Ensuite, il présentait progressivement les cartons pour les mettre dans sa poche gauche, une fois que les spectateurs les avait lus.
Plus tard, les écriteaux étaient des toiles roulées sur des bâtons, sur lesquelles on avait écrit le texte et le nom du personnage qui le disait. Des enfants habillés en amour faisaient descendre ces toiles, à l’aide de contre poids, montrant par leur position où on en était. L’orchestre jouait le morceau et les spectateurs chantaient, pendant que les acteurs mimaient la scène.
En 1708, Alard et veuve Maurice obtiennent la permission de l’Opéra de chanter en même temps que leurs danses. Ils cherchèrent alors à éviter l’inévitable : l’interdiction de se produire. Elle tomba en 1710. Ils durent alors se rabattre sur leurs spectacles de danse d’antant.
Les grands noms des danseurs de corde
Les frères Alard
En 1678, la troupe de sauteurs et de danseurs des frères Alard se produit à la foire Saint Germain en appelant son spectacle, les Forces de l’Amour et de la Magie. La même année, à Saint Laurent, elle poursuivit sa représentation sous le titre de Circé en postures. C’est dans cette troupe qu’arrivèrent sur les planches de la foire, Arlequin, Gille et Scaramouche lors de la suppression de la Comédie italienne.
Charles Alard exploita seul jusqu’à la foire de 1699. A partir de 1700, il s’associa avec la veuve Maurice jusqu’en 1706. Il poursuivit seul jusqu’en 1710. En 1711, il loua une loge avec Lalauze et mourut ensuite d’un accident.
Dans son combat contre la Comédie française, il obtint de Bellavaine ses pièces, qui restaient peu licencieuses dans leurs contenus, afin de limiter les prises du Parlement.
En 1708, il se plaça sous la protection de l’Opéra en obtenant le droit de danser et chanter.
Moritz von der Beck, dit Maurice
Maurice était un ancien élève d’Alard. Il loua en 1696 un emplacement dans le préau des spectacles de la foire Saint Laurent et y fit bâtir deux loges à proximité du mur de clôture du côté du champ Saint Laurent. Une fut dédiée à sa troupe de sauteurs et danseurs et la seconde pour des combats de taureaux.
Il resta sur la foire jusqu’en 1699
Bertrand
Présent à la foire sous son nom seul entre 1697 et 1701, il s’associa à Selle pour les foires de 1702 et 1703, et à Dolet et La Place entre 1709 et 1712. Ce fut lui qui fut le plus téméraire dans l’affrontement avec la Comédie française.
Dés ses débuts, il eut des difficultés avec les pouvoirs publics. En effet, en 1690, sa loge à la foire Saint Germain fut détruite par le lieutenant de police. Ce fut lui aussi qui en 1707 répondit à l’interdiction des dialogues à la mise en scène de monologues qui se répondaient. En 1708, ce procédé leur est à nouveau interdit et ils doivent vendre leurs loges. Aussi, ils firent une vente simulée à Holz, suisse de la garde d’Orléans et se mirent à son service en qualité de gagiste. En 1709, ils jouèrent à la muette. Après 1712, Bertrand retourna aux marionnettes.
Christophe Selle
Il était un élève de Maurice. Tout d’abord, il ouvrit son spectacle de danseurs en 1701 dans une loge à proximité de l’enclos Saint Lazare. Ensuite, il s’associa à Bertrand entre 1704 et 1705 et ouvre un second jeu en 1706. Il choisit le suisse Godard en 1709 comme prête nom et quitta Paris en 1710.
Michu de Rochefort et Tiquet.
Rochefort était fils de peintre. C’était à l’extérieur de Paris, qu’il s’était familiarisé avec Arlequin, dans la troupe de Cadet. Il ouvrit à la foire de 1705 sa loge, associé avec Tiquet, son spectacle jusqu’en 1708. Tiquet continua mais avec ses marionnettes.
La veuve Maurice
Elle exploita sa propre loge dans le préau des spectacles à partir de 1707 jusqu’en 1709 et se retira ensuite. Elle vendit alors son emplacement et sa loge à Bellegarde et Desguerrois. Toutefois cette troupe ne joua qu’en 1710 et passa le relais à Gautier de Saint Edme.
Après 1716, un retour aux sources, non sans tentatives nostalgiques
En 1716, la Comédie Italienne revint à l’Hôtel de Bourgogne. Aussi, les troupes de danseurs et de sauteurs ne purent profiter davantage de l’éclipse qui venait de se refermer. De nombreux membres rejoignirent l’Opéra Comique. Toutefois, ce retrait ne se fit pas sans quelques tentatives de retours.
En 1719, Pierre Alard dirigea la troupe de danseurs de corde, la Grand troupe allemande, anglaise et écossaise. Mais il attira la visite du commissaire.
En 1726 et 1727, Restier anima une très grande troupe de danseurs, sauteurs et voltigeurs. Il s’associa à la veuve La Vigne en 1735 pour former la grande Troupe hollandaise jusqu’en 1746. Il poursuivit ensuite avec Jean François Colin jusqu’en 1752.
En 1729, Pierre Dubrocq présenta sa propre troupe.