Faire la cour au moulin de Javel
Faire la cour au moulin de Javel : c’était une habitude pour de nombreux parisiens à la fin du XVIe siècle…
Au cours du XVIIe siècle, on venait se promener sur les bords de Seine en aval de Paris, dans la plaine de Javel. On y rejoignait un moulin… enfin surtout l’auberge guinguette qui était là. Et on y flirtait, s’amusait, de préférence pas avec son conjoint.
A cette époque, Dancourt s’était amusé de tirer les traits de personnalités et des modes de rencontre sur place dans ses pièces sur les mœurs parisiennes.
A ses côtés, et tel que repris par la Revue politique et littéraire du 25 octobre 1913, découvrons cette histoire.
« Vous êtes jolie ; je vous amène au moulin de Javelle : vous y trouverez fortune »
Voici une phrase que pouvait dire un cocher de fiacre à une parisienne dans une œuvre de Dancourt.
« D’autres couples, pour être plus sûrs de ne pas se manquer, sont venus ensemble. Tel y vient avec une petite lingère du Palais, tel autre avec une prétendue comtesse qui n’est que la fille d’une blanchisseuse de la Grenouillère : « ce que c’est que d’avoir de l’esprit et du bonheur » ! D’aucuns tiennent à une particulière discrétion. Ne voyez-vous point ce laquais qui arrive et dit à la maîtresse de la maison : « C’est M. Grimaudin… qui envoie savoir s’il n’y a ici personne de sa connaissance, et s’il y peut venir souper avec deux dames de ses parentes ». Que sait-on ? On peut, mari, rencontrer sa femme au moulin de Javel ou réciproquement. « Vous ne devriez point recevoir de maris chez vous, vous autres » dit un personnage de Dancourt lors de son échange avec la patronne de la guinguette.
Au moulin de Javel, on pouvait aussi jouer sur son identité, sa place. Jouer à la fausse comtesse pour se démarquer, par exemple…
Rencontre fortuite avec son conjoint
« Des maris de bon sens ne doivent jamais aller où ils peuvent rencontrer leurs femmes ». Et ceci pour diverses raisons.
Tout d’abord, il n’est jamais agréable de croiser son conjoint en train de conter fleurette avec quelqu’un autre, en même que soi.
Ensuite, on peut se faire démasquer de manière bien plus désagréable.
« A quoi en effet ne s’exposent-ils pas, ces pauvres maris ? En voici un qui n’était venu au moulin de Javel que pour y surprendre en quelque débauche son coquin de neveu qui est un vagabond, qui mange tout son bien. Et pendant que le brave oncle est attablé avec un ami, sa femme ainsi que la femme de ce dernier n’ont-elles pas l’idée d’arriver pourvues d’agréables compagnies ? Apprenant que les maris sont là : « Allons-nous en souper à Passy », dit l’amoureux de l’une d’elles. — Eh ! « Nous n’y trouverons point de matelote », répond-elle. Cependant l’un des maris survient, réclamant les écrevisses et la matelote qu’il a commandées. Il se heurte à sa femme. Tableau. Mais celle-ci : Ah ! « une matelote et des écrevisses ! c’est donc ainsi que vous venez manger votre bien au cabaret ? » — « Ma femme au moulin de Javelle ! Qu’est-ce que cela veut dire ? » — Tu ne m’y attendis pas, ivrogne ! Ah ! je savoirs bien que je t’y attraperons ; il y a longtemps que je te guette ! » Et après diverses injures, elle le laisse ahuri, le menaçant de séparation. »
Des saisons différentes
« La clientèle varie suivant les saisons, car si l’on vient en promenade galante au moulin de Javel particulièrement durant la belle saison, le lieu n’est pas déshérité à d’autres moments de l’année. « Je ne sais combien de dames », qui viennent à Javel « tout l’hyver, avec des ducs et des marquis, n’y viennent l’été presque qu’avec des procureurs et des petits-maîtres du quartier Saint-Honoré ; encore ne sont-ce pas les plus mal partagées ». Vous en demandez la raison. Je vous répondrai avec un personnage de Dancourt : « Tout le monde est à l’armée…, les parties de plaisir sont supprimées », ou tout au moins ne sont plus les mêmes. L’Eté des Coquettes, selon le titre d’une autre comédie de Dancourt, c’est la disette des gentilshommes qui ont accompagné le roi à la guerre et ne reviendront qu’avec la mauvaise saison. « Quelle disette de compagnie ! » Il faut alors se rabattre, pour les promenades, sur des simulacres de gentilshommes, des gens de robe par exemple, qui se donnent du genre. « Tant que durera la guerre, dit une coquette, si l’on ne s’humanisait un peu, on mourrait d’ennui tout l’été… : on polit un homme de robe, on apprend à vivre à un abbé, on met un jeune homme dans le monde ; l’hiver vient insensiblement, et l’on se trouve dans son centre ». En attendant, quel lieu plus propre à policer les hommes (au sens de ces dames), et aussi les femmes en cas de besoin, que l’honnête moulin de Javel ! »
Ainsi, en hiver, pour la courtisanne et les coquettes, c’était saison plus faste. Les militaires étaient à Paris et avaient le temps. En revanche, en période de guerre, ils sont évidemment partis. Pour ces dames, la compagnie se fait beaucoup plus rare.
Sources bibliographiques :