Histoires de Paris

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Repères

La gigantesque panne d’électricité lors de la crue de 1910

La gigantesque panne d’électricité lors de la crue de 1910 : Productions et distributions étaient bloquées…

L’électricité et l’eau ne font pas bon ménage. Cette situation s’est malheureusement vérifiée lors de la grande crue de 1910. A cette époque, l’électricité était produite par des génératrices situées dans différentes parties de la capitale. Aussi, un certain nombre se trouvait près de la Seine… Elles durent cesser leur production

Soucis de production

Commençons par les soucis de production ! Un certain nombre d’usines se retrouvèrent encerclée et inondée par la Seine qui montait, ainsi que l’écrivait le Petit Parisien du 28 janvier 1910 :

« L’usine de la Société d’éclairage et de force à Saint Ouen est envahie et arrêtée, mais le service est assuré par l’usine de Saint Denis.

L’usine Edison de Saint Denis est encore protégée contre une crue de 60 à 70 centimètres, mais les galeries du quartier du Faubourg Montmartre qui contiennent les câbles de distribution reçoivent les infiltrations des égouts avoisinants et on a dû prendre des dispositions énergétiques pour évacuer les eaux. La compagnie espère que ces mesures seront suffisantes.

Les usines du secteur de la rive gauche ont dû être arrêtées. La distribution du courant dans une partie de la périphérie desservie par ce secteur ne se fait que par la sous station de la rue Récamier, qui reçoit le courant de l’usine de Saint Denis. »

Le constat est sans appel : « Les trois quarts des abonnés sont privés de lumière électriques. »

Le 30 janvier, le Petit Parisien complète le tableau :

« L’usine génératrice d’Asnières se trouvant submergée, les machines de la station de la rue des Dames seules fournissaient l’électricité. Par suite du manque du combustible et d’eau, on dut en supprimer une. Dés lors, il fut impossible de fournir le courant nécessaire du secteur, qui est fort étendu. »

Soucis de distribution

Les génératrices bloquées car se retrouvant sous l’eau n’étaient pas le seul soucis. En effet, l’électricité, pour rejoindre ses consommateurs, passait par des câbles souterrains. Evidemment, certains se retrouvèrent dans les quartiers inondés. Aussi, par mesure de prudence, on coupa l’approvisionnement des secteurs touchés, ainsi que nous le détaille la Petite République du 26 janvier.

« Le secteur électrique des Champs Elysées a dû arrêter la distribution du courant dans certaines voies, notamment avenue de Versailles, rue Théophile Gautier, quai Debilly et dans la partie basse de l’avenue des Champs Elysées, les câbles se trouvant noyés dans ces voies.

Le secteur de la rive gauche ne fournissait plus, hier soir, à cinq heures, le courant entre le boulevard Saint Germain et la Seine ; mais dans la soirée, il a été possible de distribuer à nouveau le courant électrique aux abonnés. »

Autour des heures les plus tendues, le Petit Parisien évoque lui aussi la situation le 29 janvier.

« Au secteur de Clichy qui alimente d’électricité les 8e, 9e, 17e et 18e arrondissements, on nous a fait la déclaration suivante :

Nous nous sommes vus forcés de couper le courant, dans les quartiers de la Chaussée d’Antin, et de la Madeleine, par suite de l’inondation des sous-sols.

Le contact de l’eau avec les fils aurait pu causer les plus graves perturbations, des courts – circuits, par exemple, qui auraient pu avoir les plus graves conséquences. »

De nombreux quartiers touchés

Ainsi, la panne d’électricité fit toucher du doigt la réalité de la crue, dans un périmètre beaucoup plus large que celui des quartiers inondés. Une semaine particulièrement éprouvante pour les parisiens.

Pour commencer, intéressons nous, au nord ouest de Paris, avec le Petit Parisien du 29 janvier :

« Au secteur de Clichy qui alimente d’électricité les 8e, 9e, 17e et 18e arrondissements, on nous a fait la déclaration suivante :

Par suite de cette interruption de courant, tous les théâtres du huitième arrondissement, en contre bas de la gare Saint Lazare ont dû faire relâche. Mais nous n’y pouvons rien, et nous sommes nous-mêmes désolés de cet état des choses. »

Le lendemain, la situation se poursuit :

« Seuls, les quartiers des Batignolles, de l’Europe, ainsi que le 18e arrondissement, furent desservis. Les autres durent être éclairés au gaz ou à l’aide de lampe à alcool ou à acétylène.

Dans certains quartiers, des agents porteurs de torche, étaient placés dans les carrefours.

Dans le quartier Notre Dame, quai aux Fleurs, rue du Cloître Notre Dame jusqu’à la rue Massilon, les conduites de gaz avaient été coupées, par suite de l’inondation. Les boutiques firent usage de lampions.

Boulevard du Palais, on s’occupe d’installer des groupes d’électrogènes pour rendre l’électricité le plus tôt possible au palais de justice et au tribunal de commerce. »

Ainsi que l’explique le Matin du 28 janvier, on se sent comme revenu lors d’une grande grève.

« Une partie de Paris put, hier soir, se croire revenue aux jours de la grève de l’électricité.

Dés la tombée de la nuit, c’est en vain que l’on contourna les commutateurs dans toute la région des grands boulevards, située à l’ouest du Faubourg Montmartre. Il en fut de même boulevard Haussmann, boulevard Malesherbes, aux Batignolles, aux Ternes…

Mais cette fois, il ne s’agissait pas d’une fantaisie de « Sa Majesté » M. Pataud. Cette nouvelle obscurité était une des conséquences – un peu attendue – de l’envahissement par les eaux du sous-sol parisien.

L’usine d’Asnières avait été la première à arrêter sa machine. Puis peu de temps après, ce fut le tour du secteur de Clichy, puis celui du secteur Edison, lequel fournit la lumière à toute la ligne des grands boulevards, depuis la rue Montmartre jusqu’à la Madeleine, y compris l’Académie nationale de musique. »

Comment faire face ?

Comme on peut l’imaginer, cette situation fut bien compliquée à gérer :

« Et tout cela, comme bien on pense fut la cause d’une nouvelle perturbation déjà si troublée de la vie parisienne. Si dans les domiciles privés, on s’empresser de parer par d’autres moyens au défaut de lumière électrique, ce fut dans les établissements publics un instant un véritable affolement. A la hâte, il fallut trouver des bougies et des lampes.

Des industriels remplacèrent leurs réclames lumineuses, brusquement éteintes par des lanternes vénitiennes. Sur les tables des cafés et des brasseries, des bougies, fichées à la hâte dans des bougeoirs de fortune, constituèrent tout l’éclairage. Et cela suffit, après les jours de morne tristesse qui viennent de s’écouler, pour redonner au boulevard parisien un peu de sa bonne humeur.

Cette situation, s’il faut en croire les ingénieurs, pourrait se prolonger quelques jours encore. »

Sources bibliographiques :

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