Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de tour

Le moulin de Montmartre qui tremble

Le moulin de Montmartre qui tremble : encore un coup des ânes garous pour hanter des meuniers superstitieux ?

 

Dans nos recherches sur les vieux moulins de Montmartre dans l’ancienne presse, nous avons découvert cet article du Charivari du 1er février 1852. Ce titre satirique, connu pour moquer les souverains depuis Louis Philippe, revient sur un accident survenu le 31 janvier 1852 à Montmartre. Ce jour-là, la terre trembla.

 

Des meuniers et des ânes qui tremblent

« Les meuniers venaient de rentrer leurs ânes quand ils les virent s’agiter tout à coup comme si l’envie leur prenait de danser. Choqués de cette fantaisie intempestive, ils eurent recours à martin bâton pour faite rentrer les ânes dans le devoir et les rappeler à cette attitude méditative et sérieuse qui les distingue.

Mais les meuniers se mirent à danser aussi ; ils frappèrent pendant quelque temps en cadence, puis, saisis d’effroi, ils jetèrent leurs bâtons ; la danse n’en continua pas moins ; le mouvement d’oscillation gagna les râteliers, les mangeoires, les harnais, les fourches, les boisseaux d’avoine, tout ce qui garnis sait l’écurie. Le branle était devenu général. »

Ainsi, comme l’écrit, Clément Caraguel, l’auteur de l’article, ce n’étaient pas seulement les meuniers et les ânes qui tremblaient, mais aussi le moulin à proximité.

 

Des meuniers superstitieux

Comme nous allons le voir ici, la suite de l’article est amusante. Le Charivari poursuit sur les superstitions.

« Les meuniers sont naturellement superstitieux. Habitués à vivre au bord des chutes d’eau, ou sur des buttes sauvages incessamment désolées par lèvent, ils croient aux loups-garous, à la malebête, aux fées, aux esprits des eaux, aux dames blanches et au petit âne brun, connu encore sous le nom de l’Ane-garou.

L’Ane-garou est une variété l’espèce Loup-garou, comme son nom l’indique, et cette superstition est particulière aux meuniers. »

 

Tout comme ceux de Montmartre

« Ceux de Montmartre, à cause de la proximité de la capitale, sont à la vérité plus éclairés que leurs confrères des départements, on ne saurait pourtant sans exagération les qualifier de voltairiens ; ils ont rapporté de la fréquentation assidue du théâtre de la localité un certain nombre d’idées fausses qui se sont combinées avec leurs préjugés naturels, et en cette occasion ils se rappelèrent avoir vu une pièce dont tous les personnages se mettaient à danser tout à coup, par suite de la vengeance d’une fée, et ne pouvaient plus se tenir en repos.

 Ils conclurent naturellement qu’ils étaient, eux et leurs Anes, victimes de quelque sortilège et ils se demandèrent avec terreur quelle fée ou quel sorcier ils avaient offensé. C’était tout simplement un tremblement de terre, comme ils en eurent bientôt la preuve. Les moulins avaient dansé aussi, et il y en eut un, le premier à droite, qui ne put reprendre sa perpendiculaire quand le tremblement fut fini, et qui resta penché, comme la tour de Pise, sur l’abime béant à ses pieds. »

 

La raison de ces tremblements de terre était à chercher ailleurs que dans la superstition. En effet, la butte Montmartre faisait alors l’objet d’une exploitation très forte de son sous-sol pour fabriquer du plâtre. Aussi, elle avait perdu de sa solidité et des glissements de terrain se produisaient de temps en temps.

 

 Un nouvel attrait pour le tourisme ?

« La population de Paris s’est portée en masse à Montmartre aujourd’hui, malgré le mauvais temps, pour contempler le moulin penché. On pense qu’il sera noté désormais sur les Guides des Voyageurs comme un spectacle de haute curiosité, ce qui ne pourra manquer d’attirer tous les ans une foule de touristes et surtout d’Anglais à Montmartre. Ainsi ce qui semblait devoir être une cause de ruine pour les meuniers sera peut-être la source de leur fortune. Les voies de la Providence sont souvent mystérieuses. »

 

Nous constatons ici que l’attrait touristique de Montmartre y sévissait déjà. Tout ce qui était pittoresque intéressait les voyageurs venus visiter Paris. Alors un moulin aux allures de tour de Pise avait de quoi leur donner une motivation supplémentaire pour grimper en haut de la butte.

Nous ne pouvons vous dire ce qu’il advenu de ce moulin par la suite, en dehors d’imaginer qu’il fut emporté lui aussi par la suite, probablement par l’urbanisation des lieux.

 

Sources bibliographiques :

 

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