Histoires de Paris

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Histoires d'église

Vue de Saint Sulpice par Israël Silvestre

Vue de Saint Sulpice par Israël Silvestre : vaste église déjà mais qui était à la veille de sa transformation

 

Israël Silvestre était un dessinateur officiel de Louis XIV dans la première partie de son règne. Installé au Louvre, il parcourait les régions nouvellement conquises dans l’est pour les dessiner, notamment les places fortes. Ainsi, en représentant les lieux, il aidait l’armée à organiser la défense, avant que ses croquis ne soient remplacés par les plans reliefs.

Lorsqu’il était à Paris, il circulait beaucoup, réalisant de nombreux dessins, dont nous avons conservé la trace dans nos bibliothèques patrimoniales, nos musées. Grâce à son trait, ils représentent un témoignage du Paris de ce milieu du XVIIe siècle. Dans ce registre, la vue de Saint Sulpice est bien intéressante, comme nous allons le voir ensemble avec ces lignes

 

Une église à la façade entre gothique et Renaissance

Tout d’abord, en regardant ce dessin, ce qui nous frappe, c’est la façade de l’église !

Lors du passage d’Israël Silvestre, Saint Sulpice ne dispose pas de sa grande façade classique avec ces deux grandes tours.

A cette époque, on retrouve un portail avec une porte gothique au premier abord. Mais la façade n’a pas les jeux de profondeur qu’on pouvait retrouvait dans les églises médiévales parisiennes. C’est assez logique car Saint Sulpice s’est développé tardivement, prise avec la proximité de Saint Germain des prés et la lutte entre l’abbé de ce dernier et l’évêque. Etant à l’intérieur de l’enceinte de Philippe Auguste, sa main mise était revendiquée par le diocèse.

En tout état de cause, sous François 1er, dans la première moitié du XVIe siècle, elle fut agrandie, réhaussée avec ces pignons qu’on distingue dans la vue d’Israël Silvestre.

Bien qu’ayant qu’une seule porte principale, on peut distinguer sur la façade les différentes nefs de Saint Sulpice, qui avait déjà une taille importante. Elles sont éclairées par les grandes fenêtres de style gothique. Des murs en contrefort posent l’ensemble, mais retirent à la légèreté de l’édifice.

 

Une église déjà de grande taille

Frappant aussi de voir en regardant ce dessin la grande taille de l’édifice. Bien que récente, Saint Sulpice est déjà impressionnante dans ses volumes.

Au début du XVIIe siècle, le constat est sans appel. Le bourg de Saint Germain s’est tellement élargi que l’église ne peut plus accueillir plus du douzième de ses paroissiens. Il convient de l’agrandir en urgence. Les travaux sont lancés en 1615 et s’achèvent en 1631. On rajoute les chapelles latérales. Ce rajout explique la forme que nous avons décrit au niveau de la façade, avec des fenêtres de taille différente.

Cependant, dès que les travaux sont terminés, les projets reprennent. Le nouveau curé, Jean-Jacques Ollier pousse pour qu’elle puisse rivaliser avec Notre Dame dans le nombre de fidèles qu’elle pourrait accueillir. Même si les premières réflexions s’ouvrent en 1636, il faut attendre 1645 pour qu’un nouveau plan soit posé.

Silvestre nous propose une représentation de l’édifice avant la construction de l’église que nous connaissons aujourd’hui.

Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que ces agrandissements soient achevés, avec la façade classique actuel.

Le portail ne fut par la suite pas détruit mais remonté pour le couvent des Recolettes initialement situé entre la rue de Varenne et la rue du Bac. Il existe toujours de nos jours sur l’église Saint Saturnin de Nogent sur Marne.

 

La composition du dessin

Ainsi que nous l’avons fait en suivant les perspectives représentées par Silvestre, à la fois la largeur de la façade et son organisation que l’allure de la nef impressionnent.

Cette prise de vue avec beaucoup de profondeur indique également celle du parvis. Il semble déjà bien grand, ce qui devait inhabituel dans la ville si dense qu’était Paris. Ce phénomène est renforcé par le nombre de passants, mais nous y reviendrons.

D’autres lignes ressortent : Au premier plan, une façade de mur, peut être une tour, donne de la hauteur à l’ensemble.

Ensuite, le long de la place, nos yeux sont frappés par cette mur d’enceinte, coupée sur la droite par une porte. Il s’agit du lieu de la Compagnie des prêtres de Saint Sulpice. Cet organisme religieux n’existe alors que depuis la cure de Jean Jacques Ollier, dans les années 1640. En tout état de cause, la porte du couvent ouverte suggère la possibilité pour des passants d’y entrer.

 

Les personnages du premier plan

Chez Israël Silvestre, les personnages donnent de la vie au premier plan. Ils sont rajoutés à l’atelier pour accentuer l’impression de l’ensemble sans chercher à y représenter une scène réelle.

Dans cette vue de Saint Sulpice, plusieurs personnages y sont représentés. On y retrouve les mendiants comme souvent devant les églises. Assis juste à côté de la porte d’entrée, ou debout tendant la main près du passage.

On y voit aussi des personnages qui marchent, en groupe ou isolé. Le lieu est bien passant, au cœur d’un bourg de Paris en forte activité : Saint Germain.

Ensuite, on peut voir un carrosse arrêté, dans l’axe du portail. Il attendait quelqu’un ! Au regard de sa forme, c’était probablement quelqu’un de puissant, signe de l’importance qu’avait Saint Sulpice dans le Paris de cette moitié du XVIIe siècle.

 

Sources bibliographiques :

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