Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

L’avenue des Champs Elysées lors de la crue de 1910

L’avenue des Champs Elysées lors de la crue de 1910 : sous le coup d’une double menace et des infiltrations !

 

Lors de la crue de 1910, les Champs Elysées vécurent sous une très forte menace : l’envahissement complet des lieux.

En effet, l’eau de la Seine était montée plus haut que le parapet du Cours la Reine. On dut construire un mur en urgence.

Revue de presse.

 

Premiers blocages

Dans son édition du 26 janvier, la Petite République annonce l’arrêt de l’électricité au niveau des Champs Elysées :

« Le secteur électrique des Champs Elysées a dû arrêter la distribution du courant dans certaines voies, notamment avenue de Versailles, rue Théophile Gautier, quai Debilly et dans la partie basse de l’avenue des Champs Elysées, les câbles se trouvant noyés dans ces voies. »

 

Le sol est alors gorgé d’eau !

 

Le lendemain, le quartier est bloqué !  Le Matin du 27 janvier écrit :

« Au quartier des Champs Elysées, la rue Jean Goujon, l’avenue Montaigne étaient définitivement bloquées. Les habitants réclamaient des barques.

 

La menace du Cours la Reine

Un  journaliste du Matin écrit le 27 janvier « On jugeait opportun de bâtir un mur de protection sur le Cours la Reine, à l’emplacement des serres récemment détruites. »

 

Le Petit Parisien du 28 janvier se veut plus précis :

« Les ingénieurs pensent avoir paré à toute éventualité, mais la pression exercée sur le parapet est formidable et les joints ne tiennent plus : des filets giclent de toutes parts et un rien peut provoquer une véritable catastrophe.

Si une seule pierre se trouvait déplacée, la Seine se déverserait dans les Champs Elysées qui se trouvera recouvert au moins jusqu’à l’avenue Gabriel.

Sur le Cours la Reine, le niveau des eaux s’élève lentement depuis hier matin. Sur certains points, la hauteur dépasse un mètre et demi. »

 

Mais ainsi que le détaille le Matin du 28 janvier, la vie ne s’est pas arrêtée :

« Pourtant, Paris ne s’abandonne pas. Il s’oppose au malheur plus que de courage : de la bonne humeur. Hier soir, aux Champs Elysées, à quelques pas des parapets qui allaient céder peut être, des gamins avaient organisé une patinoire. Les gens qui passaient s’arrêtaient, les regardaient glisser et riaient. Il y eu mille spectacles de ce genre, hier, dans la ville.

Le grand souci n’est pas de sauver son bien, mais de sauver des vies humaines. »

 

Une nuit de combat 

C’est ainsi qu’on lit le compte rendu de la situation établi par le Matin du 28 janvier :

« Dix heures 15 – On s’attend d’un moment à l’autre à ce que l’eau passe au-dessus du parapet du quai de la Conférence. Trente soldats du génie sont arrivés, et de concert avec les cantonniers creusent des tranchées, font des barrages avec des sacs de terre. D’après l’ingénieur en chef, le débordement pourrait commencer à se produire vers minuit et les Champs Elysées seraient alors inondés.

 

Effort suprême

Deux heures du matin – Grâce aux travaux de défense en terre qui ont pu être exécutés hier, la place de la Concorde et les palais des Champs Elysées ont échappé à l’envahissement des eaux auquel la hauteur de la crue les condamnait, d’après le tableau que nous avons publié hier.

Cependant, dans la soirée, l’eau apparaissait derrière le Petit Palais et sur certains points de la place de la Concorde. Des barrages ont été immédiatement établis et la circulation a été partiellement interrompue.

 

L’eau atteint maintenant la partie supérieure des parapets du quai de la Conférence  et du quai du Louvre. On redoute que sous la pression formidable du flot, les murs étroits n’éclatent. Alors ce serait la catastrophe, une mer qui déferlerait à travers les Champs Elysées, balayant tout sur son passage. Cependant, les soldats du génie font de leur mieux pour parer à une aussi terrible éventualité. A l’aide de pièces de bois, ils continuent avec des sacs de ciment et renforcent encore avec des remblais de terre. Peut être ces ouvrages hâtifs  permettront-ils d’attendre la décroissance du fleuve »

 

Et une nouvelle menace

Maintenant, la menace venait aussi de la place de la Concorde :

« Le danger le plus grand peut être qui ai jusqu’à cette heure menacé Paris continue à gronder sourdement au sombre remous du fleuve. Quelques centimètres de crue encore, la moindre poussée et la place de la Concorde sera envahie. Alors si ce malheur arrive, c’est le plus effroyable désastre qu’on puisse imaginer.

La place, vaste entonnoir, serait bientôt remplie, puis les eaux tumultueuses se déverseraient sur les Champs Elysées, l’avenue de Marigny par la rue Boissy d’Anglas, la rue Royale, par toutes les voies ouvertes inondant le faubourg Saint Honoré, pour aller, terrifiante perspective achever de dévaster le quartier de la gare Saint Lazare déjà terriblement éprouvé. 

L’avant dernière nuit, le parapet qui est immédiatement en aval du pont, à l’abreuvoir de la Concorde, n’émergeait plus de que cinq centimètres. On s’empressa de l’exhausser au moyen de sacs de sables entassés, et cette opération était de la dernière urgence, puisqu’hier matin, la Seine avait dépassé le parapet de deux centimètres, ce qui fait que prenant comme point de repère le centre de la place de la Concorde, l’eau bat à plus d’un mètre au dessus de ce niveau fragile barrage de sable qui la contient encore. »

 

Un drôle de désert et l’obscurité

Drôle de situation que celle décrite par le Matin du 29 Janvier :

« Dés le matin, des nouvelles sinistres circulaient. On signalait partout des commencements de catastrophes. La Seine paraissait choisir  pour les ruiner les promenades préférées des parisiens, les perspectives les plus célèbres du monde. Elle creusait place de la Concorde, dont les alignements sont tous modifiés. Elle ouvrait les Champs Elysées où un charretier perdait son cheval dans une crevasse, et manquait de se perdre lui-même. Elle déchaussait les pavés rue Royale, défonçait la place de la Madeleine, provoquait place de l’Opéra un affaissement brusque.

Ici, c’était le désert ».

 

Le Petit Parisien du 29 janvier constate également un lieu dans les ténèbres :

« Les Champs Elysées sont  plongés dans les ténèbres. Le grand et le petit palais  menacés. L’Elysée est envahi par l’eau et privés de lumière. »

« Les lueurs bleues des torches, les clartés diffuses et jaunâtres des falots à bougies éclairent seules cette large artère. Tout le côté riverain des Champs Elysées est plongé dans les plus profondes ténèbres, car gaz et électricité font absolument défaut. »

 

 

L’inondation du fait des infiltrations :

« Les eaux continuent à envahir les Champs Elysées. L’avenue Dutuit n’est plus qu’un lac dont la nappe s’élève insensiblement, par suite des infiltrations qui se sont produites par les parapets des quais.

Le restaurant Ledoyen n’est plus qu’une ile ! Là, quatre pompes à vapeur travaillent sans relâche à épuiser l’eau qui a envahi les caves. »

 

« Le Grand Palais du côté du Cours la Reine, est battu par les eaux, et il y a plus de dix mètres d’eau dans les caves. Les gardiens de la paix ont dû évacuer leur poste et déménager tout le matériel.

Le Petit Palais est encore indemne. Mais il a lui aussi dix mètres d’eau dans ses caves. M. Henry Lapauze, conservateur du palais, a fait déménager en hâte les trésors de la collection Dutuit.

 

 

Partout, des embarcations surgissent, chargées jusqu’aux bords et au-dessus, d’objets et de vêtements, de toutes ces choses qui nous sont, à la fois familières et chères. Ici, ce sont des paquets jetés, au hasard, entassés les uns sur les autres, quelques uns défaits, mélangeant leur contenu. Là, des valises, des malles, des nécessaires de voyage, d’élégants coffrets, des cartons à chapeaux.

L’inquiétude est grande dans le quartier, car on a fait savoir aux habitants que la digue de terre élevée par le génie entre le pont des Invalides et le pont de l’Alma menace de céder sur plusieurs points. »

 

Puis le pic de la crue est atteint ! Tout est sauvé et la forte menace ne se concrétisa pas.

 

Sources bibliographiques :

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