Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

Une exposition annuelle des Villes de France

Une exposition annuelle des Villes de France : des nouveautés qui venaient de partout et bien mises en scène.

 

Afin de nous plonger dans l’ambiance du magasin de nouveautés des Villes de France, situées en haut des rues de Vivienne et de Richelieu, nous avons trouvé cette description publiée dans le Courrier de Saône et Loire du 31 janvier 1852. Il revient sur l’exposition annuelle qui s’était tenue dans le magasin à l’occasion du début de la saison d’hiver.

 

« Nous croyons être agréable à nos lectrices en reproduisant un article du Journal des Débats du 14 : EXPOSITION ANNUELLE. Nouveautés des Villes de France, Rue Vivienne, 51, et rue Richelieu, 104. »

 

Une exposition en plein lumière, qui devient une habitude

« L’idée d’exposer des étoffes à la lumière, en plein jour, appartient aux magasins des Villes de France ; elle était nouvelle et heureuse, elle a réussi. En effet, c’est surtout à la lueur des flambeaux que la mode aime à étaler ses richesses et ses parures ; c’est là qu’on juge du véritable effet des couleurs, des nuances et des illusions. Depuis quatre ans, au commencement de chaque hiver, la maison des Villes de France invite toutes les élégantes parisiennes à venir admirer, dans une exposition solennelle, toutes les nouveautés de la saison. C’est une idée grande et hardie. »

Depuis ses débuts, le magasin de nouveautés avait pris comme habitude d’événementialiser ses opérations. Elle ne lésinait sur aucun moyen et se voulait un lieu d’attraction pour voir les nouveautés de la saison.

Cette approche était aussi bien utile pour faire relayer dans les journaux l’impression dégagées lors cette visite.

 

Un journaliste ébloui face à un palais sans fin

« Je viens de visiter cette exposition, et j’avoue que je suis encore ébloui par toutes les magnificences qui ont frappé mes yeux. Du haut du perron des magasins, à l’entrée par la rue Vivienne, le coup-d’œil était magique : des milliers de lumières, reflétées par les glaces et jouant dans les gazes, les soieries et les velours, vous donnaient une hallucination et vous faisaient croire à un palais sans fin. Trois choses, trois spectacles également intéressants se disputaient les yeux et l’attention : d’abord, cet océan de lumières ; puis cette foule compacte, élégante, l’élite des femmes distinguées ; et enfin les étoffes, c’est-à-dire tout ce que nos fabriques et nos ateliers peuvent produire déplus riche et de plus gracieux. »

 

Une collection complète, voire davantage

« Tout est là, les soieries, les châles, la fourrure, la dentelle, la lingerie, la confection, les chemises pour hommes, les cachemires de l’Inde, la bonneterie, la mercerie, le linge de ménage ; tout est disposé et présenté avec art, de manière à séduire toutes les fortunes. Aussi voit-on sur une infinité d’objets ce mot éminemment consolateur, vendu. Le salon des soieries attirait surtout la foule des élégantes, empressées de choisir leur toilette pour les bals nombreux que la saison va inaugurer. Les murs de ce salon étaient tapissés des plus gracieux et des plus rares produits des manufactures de Lyon. C’étaient les lampas Pompadour, les brocarts veloutés ; puis les robes en tulle, en crêpe, lamées or, lamées argent ; la moire antique avec le tablier-Pompadour brodée de perles blanches, brodée d’or. Toutes ces étoffes, qui se disputaient la palme et qui brillaient aux reflets de l’illumination, sont la propriété exclusive de la maison des Villes de France. »

 

Vers un voyage en Asie

« A côté de ce luxe d’étalage étaient des soieries plus simples pour toilettes de ville. Les étoffes de fantaisie se distinguaient par leur variété et leur bon goût. Me voici dans l’Inde. Là, chaque objet demanderait une description particulière. Ce sont des châles de tous dessins, de toutes grandeurs, des crêpes de Chine reproduisant des scènes orientales. Parmi ses rivaux, brillait un cachemire indien : il est tout brodé d’or et ressemble au plus riche ornement d’église.

À ses côtés, j’ai vu une robe de chambre indienne, également brodée d’or, qui m’a vivement tenté. Près de là, les rayons de nos fabriques déployaient leurs magnifiques produits ; on y voyait plusieurs vainqueurs dans la grande bataille de l’Exposition universelle de Londres ; sur les uns on lisait : châle-médaille ; sur d’autres, châle-grande-médaille. Les tentures, les étoffes pour rideaux et portières, les tapis d’Aubusson, les moquettes arrivaient à leur tour, et certes ce n’était pas la partie la moins aristocratique de l’exposition. Le rayon de blanc de fil, de linge damassé de France et de Saxe, des toiles fines de Hollande et d’Irlande de la batiste, des toiles de ménage blanches et écrues, tenait à lui seul une immense galerie. C’est là que la femme élégante et la modeste ménagère trouvent également le luxe et le nécessaire. »

 

Des vêtements pour de nombreuses circonstances

« Les chemises d’hommes se faisaient remarquer parleur élégance et leur variété ; chemises de bal, de marié, les unes à petits plis, d’autres bouillonnées, d’autres toutes brodées. La draperie étalait sa plus grande nouveauté. Mais c’est surtout près des dentelles que les yeux s’ouvraient à la convoitise. Des toilettes de mariées, des volants, des châles, des robes d’application d’Angleterre sa dressaient sur des mannequins et barraient le passage, conclue pour tenter l’acheteur. Je suis entré par la rue Vivienne, et il m’a fallu trois heures pour parvenir au salon de confection, donnant sur la rue Richelieu. C’est là le vrai temple de la mode, c’est là qu’elle étale ses plus nouvelles et ses plus gracieuses innovations. En vérité, je regrette que les limites trop restreintes de ces colonnes ne me permettent pas d’entrer dans quelques détails. Il me reste à féliciter les directeurs des Villes de France pour le bon goût dont ils viennent de faire preuve dans l’exposition de cette année. A. Leroy.»

Comme on le constate, la France est alors dans une véritable anglomanie, dans la foulée de la première exposition universelle qui s’était tenue à Londres.

 

Sources bibliographiques :

 

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