Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires au détour d'une rue

Les débuts du magasin des Villes de France sous la Monarchie de Juillet

Les débuts du magasin des Villes de France sous la Monarchie de Juillet : les embellissements qui frappent…

 

A la faveur du roman d’Emile Zola, ‘Au bonheur des dames’, on imagine le début des Grands Magasins au Second Empire. Toutefois au cours des vingt années de la période, ce furent surtout les magasins de nouveautés qui marquèrent la manière de vendre la mode à Paris. Et les premiers commerce du genre apparurent à la fin des années 1840, sous la Monarchie de Juillet.

 

En lisant un article du Charivari de mars 1846, nous découvrons les débuts d’un entre eux, les Villes de France, installés entre les rues de Vivienne et Richelieu.

 

« La toilette des magasins de nouveautés »

« Je vous le dis en vérité, et vous pouvez m’en croire quand je prends mon style de prophète : avant peu de temps Paris ne sera plus qu’un immense magasin de nouveautés. »

Alors même que nous consacrons des articles pour réaliser une cartographie de ces magasins, nous ne pouvons pas dire la chose mieux que le chroniqueur.

« A mesure qu’il se fonde de nouveaux magasins monstres, les anciens s’agrandissent pour devenir plus monstres encore que leurs rivaux ; et, à force d’abattre des cloisons, toutes ces boutiques n’en feront plus qu’une seule.

Les Villes de France n’en sont même plus à percer de simples cloisons : elles abattent des murailles, et la rue Vivienne se trouve faire alliance avec la rue Richelieu. Ce sera à s’y perdre. »

 

Un magasin où on s’y perd

« On entrera dans un magasin pour acheter un foulard ; puis, pour peu qu’on se promène de comptoir en comptoir, on arrivera à une porte de sortie qui vous transvasera dans un quartier tout différent de celui où l’on comptait se trouver. Je demande formellement qu’on place à cette porte des commissionnaires médaillés spécialement chargés de reconduire à leur domicile les personnes égarées. »

A cette date, on n’imagine pas encore des grands magasins couvrant sur plusieurs immeubles, et sur tous les étages. Ainsi, les Villes de France font partie des premiers qui proposent de relier plusieurs adresses, sans à ce moment-là, en occuper la totalité.

 

Les aménagements extérieurs des magasins

« Depuis que le printemps a fait son apparition, tous les badigeonneurs de Paris ont été mis en réquisition par les magasins de nouveautés pour repeindre en vert les volets et les enseignes. La Fille mal gardée de la rue de la Monnaie est devenue plus coquette que jamais ! Les Deux-Magots du quartier Saint-Germain se sont mis à la mode parisienne, et le Pauvre Diable, lui-même, a jugé à propos de faire une toilette des plus fashionables, ce qui me ferait croire qu’il n’est pas déjà si pauvre diable qu’il veut bien s’en donner la réputation. »

Ainsi, on peut constater que l’aspect extérieur est traité avec beaucoup de soin et d’attention. Les propriétaires des Villes de France ne reculaient devant aucune dépense pour faire venir les clientes.

 

Le coût toujours plus cher de ces magasins

De fait, tenir ce genre de magasin impliquait de plus en plus de moyens.

« Jadis on ouvrait un magasin de nouveautés avec deux ou trois cent mille francs, et les personnes ambitieuses qui tenaient à joindre au madapolam un certain assortiment de bonnets de coton, croyaient faire beaucoup en s’adjoignant un commanditaire qui versait une cinquantaine de mille autres francs. Le fait est que pour cinquante mille francs, on doit avoir un nombre assez gentil de bonnets en coton, à moins qu’ils ne coûtent un prix fou, ce dont nous ne nous sommes jamais personnellement assuré. Aujourd’hui, trois cent mille francs seraient regardés tout au plus suffisants pour acheter un fond d’allumettes chimiques, et encore je ne suis pas certain si à ce prix on pourrait les avoir allemandes. Quiconque entreprend le commerce des mérinos compte immédiatement par millions, — ce qui me ferait croire que le mérinos est bien rare, à moins que ce ne soient les millions qui soient devenus très communs. Après ça, qui est-ce qui n’a pas, aujourd’hui, six ou huit millions à mettre dans les affaires ? »

 

Le bonheur pour des peintres

Et ces attraits pour l’extérieur se traduisent pour des artistes par des véritables marchés à occuper. Paris est une ville d’art et compte bien faire travailler ses peintres.

« Cette immense impulsion donnée au commerce du madapolam et autres toile3 blanches ne peut manquer d’exercer aussi une heureuse influence sur les toiles peintes. Bien certainement le besoin des immenses tableaux pour enseignes va se faire sentir, et la mode des illustrations de coins de rue ne peut manquer de venir. M. Pigeon, les Deux Magots, le Grand Condet autres tableaux de genre seront distancés par d’autres en harmonie avec l’immensité des magasins nouvellement en vogue.

Quel magnifique sujet que la Ville de Paris ou la Ville de Londres pour un peintre qui serait pas à la toise, il y aurait toute une fortune dans une enseigne pareille ! Espérons que les Villes de France entreront les premières dans cette nouvelle voie pittoresque et alors le véritable musée de peinture ne sera plus au Louvre, il sera dans les rues de Paris. »

 

Sources bibliographiques :

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