Types de pavés à Paris : granit, calcaire et grès, les pierres de la capitale
Les pavés de Paris sont bien plus qu’un simple revêtement de sol : ils témoignent des transformations successives de la ville, de ses logiques d’approvisionnement en matériaux, de ses ambitions esthétiques et techniques. Ils racontent une histoire urbaine faite d’usure, de résistance et de réemploi. À travers les types de pierre utilisés — granite, calcaire, grès —, on peut lire l’évolution de Paris autant que l’ingéniosité de ses bâtisseurs. Cet article propose de plonger dans la diversité des pavés parisiens à travers les critères de choix des matériaux, leur origine et leur usage, pour mieux comprendre comment ces pierres ont façonné la ville.
Le pavé, une affaire de matériau : critères de choix
Le choix des matériaux pour le pavage de Paris n’a jamais été arbitraire. Il repose sur une série de critères techniques, économiques et géographiques. Le pavé doit résister à l’usure du temps, aux passages répétés, aux chocs, aux intempéries et au gel. Il doit aussi être disponible en quantité suffisante à une distance raisonnable, afin de limiter les coûts de transport et de faciliter les travaux de voirie.
La texture et la couleur de la pierre jouent également un rôle, notamment dans les quartiers prestigieux où le pavage participe à l’identité visuelle de l’espace urbain. Enfin, la facilité de taille et de pose est un critère pratique important : certains matériaux se taillent facilement mais s’usent vite ; d’autres sont très durs mais complexes à extraire et à tailler. Ces contraintes ont orienté le recours successif au calcaire, au grès, puis au granite.
Le pavé de granit : robustesse et prestige
Le granit est aujourd’hui l’image la plus courante du pavé parisien classique, celui que l’on retrouve sur les boulevards, les places et les rues réaménagées à l’époque haussmannienne. Matériau très dur et résistant, le granite a été massivement importé de Bretagne (notamment des Côtes-d’Armor et du Finistère), du Morvan ou des Vosges à partir du XIXe siècle.
Son coût élevé était justifié par sa durabilité exceptionnelle et sa faible porosité, qui le rendait idéal pour les zones à forte circulation. Le granite résiste bien aux cycles de gel-dégel, aux sabots des chevaux comme aux roues des voitures modernes. Son aspect granuleux, ses couleurs allant du gris clair au rosé, ont aussi contribué à lui donner une valeur esthétique. Il est aujourd’hui encore employé dans les réaménagements patrimoniaux et les espaces piétons.
Le pavé de calcaire : pierre locale et usage ancien
Avant la généralisation du granite, c’est le calcaire qui dominait dans le pavage de Paris. La capitale reposant en grande partie sur un sous-sol calcaire, ce matériau abondait dans les carrières d’Île-de-France (Montmartre, Vaugirard, Gentilly, Bièvre). Facile à tailler et à transporter, le calcaire a servi pendant des siècles au pavage des rues principales et des ruelles.
Sa faible densité et sa porosité en faisaient un matériau accessible mais fragile. Il s’usait rapidement sous l’effet de l’eau, du gel et de la friction. C’est pourquoi son usage s’est progressivement limité aux voies secondaires, aux cours intérieures et aux trottoirs peu fréquentés. Toutefois, des vestiges de ce pavage calcaire sont encore visibles dans certaines rues du Marais, de l’île Saint-Louis ou de la montagne Sainte-Geneviève, où les travaux de restauration urbaine ont permis de mettre au jour ces sols oubliés.
Le pavé de grès : compromis entre solidité et accessibilité
Moins connu que le granite ou le calcaire, le grès a pourtant joué un rôle important dans le pavage des faubourgs parisiens et des communes proches. Ce matériau issu de la consolidation de sables, extrait notamment en Seine-et-Marne (région de Fontainebleau), dans la Brie ou à Arpajon, offre un bon compromis entre solidité et maniabilité.
Plus résistant que le calcaire mais moins dur que le granite, le grès était utilisé dans les rues soumises à un trafic moyen. Sa texture légèrement rugueuse procurait une bonne adhérence, un avantage certain pour les chevaux et charrettes sur chaussée humide. Des rues du 14e ou du 20e arrondissement conservent encore aujourd’hui des pavés de grès, reconnaissables à leur teinte brun-ocre et à leur grain fin.
Une ville de pavés composites : superpositions et réemplois
Paris, ville stratifiée par excellence, a souvent superposé les couches de son histoire. Il en va de même pour ses pavés. Il est fréquent que des travaux de voirie mettent au jour d’anciens pavages réemployés ou recouverts par des matériaux plus récents. Certains pavés médiévaux ont été démontés et réutilisés ailleurs ; d’autres ont été intégrés dans des sols hétérogènes où granite, calcaire et grès cohabitent.
Les restaurations récentes cherchent parfois à réemployer ces pavés anciens dans une logique de conservation patrimoniale ou d’économie circulaire. Le pavé devient alors un témoin archéologique, chargé de mémoire autant que de fonction. C’est le cas, par exemple, dans certaines opérations de réaménagement du quartier Latin ou du Marais, où les pavés d’origine sont replacés après nettoyage, conférant aux lieux une patine historique authentique.
Conclusion
Les types de pavés utilisés à Paris forment une véritable géologie urbaine. Leur diversité reflète les évolutions techniques, économiques et esthétiques de la capitale à travers les siècles. Granite, calcaire et grès ont chacun façonné l’espace urbain selon leurs propriétés et les besoins de leur temps. Aujourd’hui, ces pierres sont redécouvertes, valorisées, restaurées dans une démarche de préservation du patrimoine mais aussi d’urbanisme durable. Le pavé parisien, loin d’être un simple objet du passé, continue d’inspirer les aménageurs, les historiens et les flâneurs.
Sources bibliographiques :
Barles, S. (2005). L’invention des déchets urbains : France, 1790-1970. Champ Vallon.
Benoit, P.-Y. (1997). Pierres et carrières de Paris : exploitation, usages et reconversion. Paris-Musées.
Carvais, R. (2008). Matériaux de construction à Paris sous l’Ancien Régime. In R. Carvais, A. Guillerme, V. Nègre & J. Sakarovitch (Eds.), L’architecture et les sciences humaines : savoirs scientifiques et techniques dans la construction (pp. 171–190). CNRS Éditions.
Choay, F. (1992). L’urbanisme, utopies et réalités. Éditions du Seuil.
Duhau, E., & Fourcaut, A. (2004). La ville et ses territoires : géographie, urbanisme et société. L’Harmattan.
Lemoine, B. (2002). L’histoire des matériaux de construction. Éditions du Patrimoine.
Mansel, G. (2011). La chaussée parisienne du Moyen Âge à nos jours. Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 138, 57–84.
Roncayolo, M. (1996). La ville et ses territoires. Gallimard.
Simonet, R. (1991). Les pavés de Paris : entre technique et mémoire. Revue d’Histoire Urbaine, 3(2), 87–102.
Turquin, É. (2019). Les rues de Paris, mémoire de pierre : un regard sur le patrimoine pavé. Parigramme.