Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires d'immeubles

Le magasin du Bon Pasteur de la rue Saint Honoré

Le magasin du Bon Pasteur de la rue Saint Honoré : des nouveautés en fanfare depuis le début des années 1840.

 

A l’angle de l’ancienne rue du Coq (devenue depuis rue de Marengo), au numéro 10, et de la rue Saint Honoré, aux numéros 167 et 169, un magasin de nouveautés avait pignon sur rue dans les années 1840. Ainsi, bien avant l’apparition des grands magasins, cette boutique proposait à ces clients ses collections d’habits et de lingerie renouvelées régulièrement. Elle faisait déjà de la publicité dans les journaux d’alors. Elle utilisait soit des encarts dans la presse, soit des articles élogieux, ainsi que nous allons le voir ensemble.

Tous les codes des magasins de nouveautés sont ainsi bien présents.

 

Une publicité puissante dès les années 1840

Frappant de constater dans la Presse du 4 janvier 1843, la mise en avant de marchandises du magasin Au bon Pasteur ! « Prix fixe invariable ». « Au comptant ». La réclame affichait avec grande précision l’abondance des produits présents sur les étalages : « 5 000 pantalons d’hiver », « redingotes de toutes les couleurs », « paletots d’hiver »… La publicité vantait aussi la qualité de habits « confectionnés pour hommes » : « Quatre des meilleurs coupeurs de Paris sont dans l’établissement. ».

Alors, certes, le magasin proposait des vêtements prêts à porter mais s’enorgueillit de pouvoir aussi commercialiser du sur mesure, tout en « confectionnant dans la livrée ». Ainsi, le magasin Au Bon Pasteur s’inscrivait dans l’élégance et voulait approvisionner les belles maisons parisiennes de la Monarchie de Juillet. Maîtres, comme valets !

 

La confirmation par un journaliste lui même

Cette opération commerciale fonctionna à merveille pour ses tenanciers. Ainsi, comme le signale la Presse du 9 janvier 1843, « les magasins du Bon Pasteur ont reçu aussi de nombreux visiteurs ; cela se conçoit, car tout y est confectionné avec un soin admirable. C’est là qu’on trouve les plus belles, les plus élégantes robes de chambre que les lions les plus à la mode puissent désirer ; puis outre leur beauté, elles sont de prix excessivement raisonnables, et même on reste souvent étonné de leur modération devant la beauté des étoffes employées. » « Plusieurs coupeurs, les premiers de Paris, sont attachés spécialement aux magasins de la rue du Coq, ce qui explique l’immense avantage que l’on trouve à s’adresser là. »

« Puis une chose est fort importante aussi, et qui est pour le Bon Pasteur un gage assuré de succès, c’est que les prix côtés sont réellement ceux demandés, sont réellement fixes, invariables et l’acheteur en sortant de faire son emplète est persuadé de n’avoir point été trompé, et peut être convaincu que nul autre ne l’aurait eu à un prix différent. ».

 

La « fashion » de 1844

Etonnant de se lire l’annonce du retour de la mode avec ces mots là, déjà sous la Monarchie de Juillet, qu’on imagine bien loin de nos soldes saisonnières. Et pourtant ! Voici, pour reprendre les mots d’un journaliste du Siècle publiés le 23 janvier 1844 :

« Le magasin du Bon Pasteur, rue Saint Honoré, est un de ceux que la mode a depuis longtemps placé sous son patronage. Il doit la faveur dont il jouit dans le monde élégant au bon goût et à l’excellente qualité des articles de tailleurs qu’il met en vente. Les connaisseurs ne savent trop admirer la coupe gracieuse des habillements d’hommes : habits, fracs, paletots, twennes, redingotes ouatées, gilets, par-dessus ouatés… qu’on y trouve à profusion. Les draps ours dont il vient de s’approvisionner sont surtout recherchés aujourd’hui par la fashion. Ils jouiront d’une grande vogue dans la saison où nous allons rentrer. »

 

Des gages de qualités vantées par la publicité

Outre ses prix fixes, outre la présence de ses quatre coupeurs d’excellence, la publicité du Bon Pasteur publiée dans le Journal des débats politiques et littéraires du 1er mai 1844 met également les fabriques chez qui le magasin s’approvisionne. « Il y a un salon d’exposition où l’on trouvera les meilleurs produits de nos fabriques françaises, tels que ceux de MM. Bacot, Bonjean, de Montagnac, Cunin – Gridaine… et à des prix bien inférieurs à ceux des meilleures maisons de Paris. »

La réclame indique ensuite quelques prix pratiqués. Ce dernier point peut nous sembler normal aujourd’hui mais c’était à l’époque une grande nouveauté. Les parisiens étaient habitués de négocier leurs achats.

 

Ensuite, chaque année, jusqu’à la Révolution de 1848, le magasin poursuivit ses publicités, vantant la qualité de ses produits, leurs nouveautés, et leur nombre.

 

La plainte pour détournement d’identité

La Révolution de 1848 et le début de la Seconde République correspondent à une période pour le magasin du Bon Pasteur une forte diminution de sa publicité. Toutefois, le magasin retrouve le chemin des journaux pour un prétexte insolite. En effet, le Journal des débats politiques et littéraires publie le 9 avril 1849, une communication signée par le directeur du magasin.

« Monsieur le Rédacteur à chacun ses œuvres et ses mérites. Si grâce à de constants efforts, ma maison est avantageusement connue pour la vente de vêtements d’hommes, il s’ensuit que des colporteurs, parcourant la province pour y vendre des marchandises mal confectionnées, se permettent de s’annoncer comme représentants ou voyageurs du Bon Pasteur, 167, rue Saint Honoré. Un tel état des choses est intolérable. »

Le directeur finit sa missive en signalant qu’il ne recourt à aucun colporteur, limitant leurs ventes à leur magasin de la rue Saint Honoré.

Quelques mois plus tard, le directeur reprend ses réclames, vantant ses confections à nouveau.

 

Le déménagement vers la rue des Petits Champs

En juin 1854, le magasin annonce dans la presse qu’il déménage. « Changement de domicile pour cause d’expropriation ». C’est en tout état de cause, ainsi qu’il précise dans la Presse du 2 juin 1854 qu’il rejoint le 32 de la rue des petits champs.

« La maison du Bon Pasteur doit sa réputation à la perfection qu’elle apporte à ses vêtements, au bon goût de ses étoffes nouveautés, à la bonne qualité de toutes ses marchandises et surtout à la modicité de ses prix. On trouve dans ses magasins un assortiment intense en vêtements dans les formes les plus nouvelles et des plus variées. »

Le Bon Pasteur sera remplacé ensuite par un autre magasin de nouveautés, en prévision de l’Exposition universelle de 1855 : Au Louvre.

 

Sources bibliographiques :

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