Le parc des Buttes Chaumont
Le parc des Buttes Chaumont, magnifique écrin de verdure vallonné, où l’on flâne avec délices depuis 150 ans.
« La plus belle chose que Paris puisse montrer », «Oasis charmant, Eden enchanteur »… les journaux de 1867 sont en grande verve pour décrire le parc des Buttes Chaumont, qui vient d’ouvrir alors. On parle déjà de magnifique promenade dans ces lieux, en prévision de l’Exposition Universelle. Les visiteurs venaient déjà nombreux pour profiter de ce lieu vallonné. Avant même que les travaux soient totalement terminés.
« Grand jardin où les successeurs de Le Nôtre ont pu civiliser la campagne sur une grande échelle. Ils y ont épuisés tous les secrets de l’art exquis, qui consiste à maîtriser les élans de la libre nature et à l’attiser en jeune personne décente et bien élevée. » Le Figaro décrit alors ainsi les mouvements de ce jardin à l’anglaise, construit à la place d’anciennes carrières.
De nos jours, les visiteurs continuent à se plaire sur les pentes du Parc. « Une envie de pique nique », « Un vrai terrain de jeu », « Respirer, voyager, se divertir et se restaurer : Les Buttes Chaumont », « Pause verdoyante en plein cœur de Paris » peuvent-ils écrire.
Un parc vallonné au nord de Paris, avec sa multitude d’activités
« Le parc des Buttes Chaumont est établi sur des vastes terrains, formant un angle curviligne compris entre la rue de Crimée et deux nouveaux boulevards ». C’est en ces termes que la Presse du 26 mars 1867 décrit ce parc en plein cœur du XIXe arrondissement, non loin de la Villette et du canal Saint Martin. 25 hectares, tout en dénivelé ! Avec en haut, une magnifique vue sur Montmartre.
« Un petit lac occupe le bas-fond qui existe au pied du promontoire ; il est alimenté par deux ruisseaux creusés dans le thalweg, de deux vallons qui y aboutissent et serpentent au milieu des pelouses gazonnées », poursuit le journal.
« Des sentiers, dont les pentes n’excèdent pas dix centimètres par mètre, mais qui exigent quelquefois des escaliers, permettent aux promeneurs de prendre des raccourcis entre les allées carrossables et de s’élever sur des sommets dont l’accès est possible seulement pour les piétons ».
« On y a construit des maisons de garde d’une architecture simple et élégante, trois restaurants et sur le faîte de la falaise un fac simile du Temple de la Sybille de Cumes. »
Le lieu se prête donc, à la détente… encore aujourd’hui !
Histoire du parc des Buttes Chaumont
Tout d’abord, les Buttes Chaumont, d’où vient ce nom ?
On rapporte en effet que les romains appelèrent les lieux, le Calvus Mons, le mont chauve… Avec le temps, et par contraction, le nom s’est transformé en Buttes Chaumont.
Un grand parc à l’anglaise
En 1860, sur décision de Napoléon III, Paris annexe les communes aux alentours. Ainsi, Belleville et la Villette sont intégrées notamment dans la capitale. Les lieux doivent alors être aménagés.
En outre, dans le projet de l’empereur et porté par Haussmann, il y avait l’installation de grands parcs, aménagés à l’anglaise. Le Bois de Boulogne, le bois de Vincennes et le Parc Monceau firent partie des premiers.
Aussi, comme pour les autres, Adolphe Alphand, ingénieur en chef, organisa la création du parc des Buttes Chaumont. Tout d’abord, il fit acheter 25 hectares sur les Buttes Chaumont, à l’emplacement d’anciennes carrières de gypse pratiquement désaffectées au début des années 1860.
Toutefois, il fallut attendre un peu pour aménager les lieux. En effet, les travaux de création du parc furent lancés en 1864, avec une perspective grandiose : l’Exposition Universelle de 1867. C’est d’ailleurs suivant ce calendrier que l’ouverture des Buttes Chaumont se fit.
Trois ans de travaux
Ces travaux furent organisés en plusieurs temps. Au début, en 1864, on procéda à de nombreux terrassements. En effet, bien que profitant de l’aspect escarpé des lieux, avec ses collines et ses restes de carrières, il était nécessaire de consolider certains endroits. Puis, on reconstitua des véritables falaises artificielles. En fait, beaucoup ! Ainsi, on put obtenir ce pic au milieu du lac.
Ensuite, en 1865, on creusa les routes, pour guider les visiteurs et autres flâneurs. Afin de laisser passer les voitures à cheval, les sentiers furent plats. Pour les promeneurs à pied, on voulut à des escaliers et des sentiers plus pentus. On recouvrit aussi de terre, sur toute l’étendue des lieux. Par ailleurs, on construisit trois chalets pour accueillir des restaurants. Tout autour du jardin, on installa au 8 entrées, des pavillons pour héberger les gardes.
Enfin en 1866, on planta dans le parc, avec de nombreuses essences, alors exploitées par les jardiniers de la ville de Paris… Tout un programme ! La nature se mérite ici et se cherche avec les mains des hommes. L’effet voulu est obtenu et marque encore les esprits.
D’où vient l’eau ?
En haut du parc, au détour d’une pelouse, de l’eau jaillit. Comme par magie, elle suit ensuite un chemin de pierre et de rocaille, si typique des jardins parisiens.
En fait, l’eau qui s’écoule aux Buttes Chaumont provient en réalité du Bassin de la Villette. Stocké dans un réservoir situé au niveau de la rue surplombant le jardin, elle peut ensuite descendre dans les deux rivières des lieux. Une seule destination cependant : le lac en contrebas.
Héritier d’une tradition d’exploitation de gypse
Mais à quoi ressemblaient les Buttes Chaumont avant la construction du parc ? Avant 1860 ?
La proximité de Montfaucon
Les monts chauves eurent pendant longtemps mauvaises réputations. Située près du chemin allant vers Pantin, elles se trouvaient juste derrière un lieu de si sinistre réputation : Montfaucon ! Ici, on pendait les criminels et autres condamnés à morts pour les autorités parisiennes. Ainsi, sur les Buttes Chaumont, résonnaient le son lugubre des chaines, frappant les corps en fonction du vent.
Ensuite, après la fermeture du gibet, on exploita les environs d’une autre manière, mais toujours dans la saleté : la voirie de Montfaucon. Les boues et autres saletés des égouts parisiens y étaient apportées pour fermenter et se transformer en engrais. Un peu plus loin, on découpait les corps des chevaux à l’équarrissage, attirant leurs lots de rats et autres vermines
Les carrières de gypse
Comme d’autres collines du nord parisien, et notamment Montmartre, le sous sol des Buttes Chaumont contenait une pierre très précieuse : le gypse. Aussi, à partir du XVIIIe siècle, de nombreux ouvriers vinrent s’affairer sur le sol des Buttes Chaumont. Sur les lieux du parc actuel, mais aussi, plus vers le centre de la ville, à la Butte Bergeyre, comme plus vers le nord !
Les hommes retiraient de ce sous sol le gypse, soit en creusant des galeries, soit sur des carrières à ciel ouvert organisé en différentes terrasses. La pierre formait là des sortes de boues blanches. Ils l’apportaient en contrebas, aux chaufourniers.
En effet, le gypse se transformait. On l’appelait aussi pierre à plâtre. Ainsi, dans des fours, les chaufourniers chauffaient et transformaient le gypse en plâtre. Une rue en garde encore leur mémoire. Le plâtre était enfin apporté dans Paris, dans des magasins spécialisés.
Au cours du XIXe siècle et sur l’impulsion de plusieurs industriels, les carrières sont fortement exploitées. On compta jusqu’à 800 ouvriers sur ces pentes. A la fin des années 1850, il ne reste plus grand-chose à extraire.
Un quartier malfamé
Alors bien sûr, des industries très sales, des carrières à ciel ouvert. Le quartier n’attirait pas les honnêtes gens. Impossible de construire là à ce moment là, car la terre pouvait à tout moment s’effondrer.
Ensuite, facile de venir ici pour vagabonder. De nombreux sans le sou venaient profiter de la chaleur des fours pour se faire cuire de la viande qu’ils avaient chapardée à l’équarrissage. Les gendarmes venaient ici patrouiller souvent, se souvenant qu’à chaque révolte ou révolution, des combattants s’y refugiaient.
Aussi, maintenir cet espace ainsi n’était pas bien vu selon les mœurs de la bonne société du milieu du XIXe siècle, si sensible à sa morale.
Anecdotes du parc
Pour atteindre l’île au centre du parc, deux ponts s’offrent pour le passage du promeneur. Une première passerelle suspendue s’élançant au dessus du lac, à 8 mètres au dessus des eaux. Œuvre de Gustave Eiffel, elle est largement à la vue des visiteurs.
Le second est plus énigmatique ! Plus haut, avec ses 8 mètres de hauteur. En maçonnerie, il attire moins l’attention. Et pourtant ! On l’appelait d’abord, pont des soupirs. Seulement, avec le temps, son nom changea. Il devint à la fin du XIXe siècle, le pont des suicidés. En effet, les journaux d’alors relataient souvent des faits divers, de personnes s’élançant du haut du pont. Il ne restait ensuite plus qu’aux agents de la ville de venir les chercher pour les apporter à la morgue. Certaines mauvaises langues invitaient les fonctionnaires à ne pas partir trop vite, au risque de devoir y revenir.
Et autour ?
Situé au Nord Est de Paris, les Buttes Chaumont sont entourées de nombreux lieux à visiter.
Tout d’abord, à proximité, une charmante église orthodoxe, Saint Serge, est à découvrir, perdue dans un petit jardin, au 93 rue de Crimée.
Bien sûr, le Bassin de la Villette et le canal Saint Martin valent le détour, avec leur cadre enchanteur, le long de l’eau.
En continuité, vous pouvez également découvrir le quartier de la Mouzaïa, avec ses belles maisons et ses différentes couleurs, un peu après la station de métro Botzaris.
Enfin, Histoires-de-Paris.fr vous suggère plusieurs idées de balades :
- Les carrières des Buttes Chaumont, vous replongeant dans cette ambiance antérieure au parc et de leurs ouvriers
- Montfaucon et ses différentes industries
- Les réservoirs de Belleville, à partir de la place des Fêtes, à la découverte de l’extraction des eaux de cette colline
Bonnes promenades !
Sources bibliographiques :
- Alphand, Adolphe. Les promenades de Paris. Rothschild. Paris 1873
- Petit Journal du 28 mars 1867
- La Presse du 26 mars 1867
- Le Figaro du 18 juin 1867