Histoires de Paris

A chaque coin de rue de Paris, des histoires… souvent revues, réadaptées mais fascinantes

Histoires de place

La première inauguration de la statue de la République

La première inauguration de la statue de la République : la foule adopte son nouveau symbole un 14 juillet…

 

Après un concours qui s’était déroulé sur une petite année, les parisiens connaissaient l’heureux sculpteur chargé de la réalisation de la grande Statue de la République. En effet, le jury dédié s’était réuni en mai 1880 pour désigner le projet de Léopold Morice comme grand gagnant. Et comme le règlement du concours avait stipulé qu’un modèle de plus de 2 mètres soit réalisé pour départager les projets, on put le placer en bonne et due forme dans la nouvelle place de la République pour le 14 juillet suivant. Revenons sur les festivités d’alors !

 

Une foule considérable qui vient

En cette période de consolidation du régime républicain, les symboles étaient puissants. Le 14 juillet en était un, tout comme une statue de la République. Aussi, une foule de curieux s’était précipitée sur les lieux, tant pour voir le modèle que les différentes cérémonies qui s’y déroulaient. Le Petit Moniteur universel du 16 juillet 1880 écrivit :

« Nous ne saurions évaluer, même approximativement, le nombre de personnes qui ont visité la place de la République pendant la journée.

Dès neuf heures du matin, une foule considérable entourait la reproduction de l’œuvre de M. Morice.
La gigantesque statue de la République, coiffée d’un bonnet phrygien, est placée sur un piédestal qui rappelle celui du maréchal Moncey, place de Clichy. La République, debout, tient dans la main droite une branche d’olivier doré et s’appuie de la main gauche sur les tables de la Loi.

Devant le piédestal, est édifié un lion couché. La Liberté, l’Egalité et la Fraternité entourent la République. Entre chacune de ces statues est gravée cette inscription : A la gloire de la République française, 14 juillet 1880.

Des bas-reliefs représentant les principales journées républicaines sont disposés autour du piédestal. Au-dessus de chacun d’eux, sont écrites les dates suivantes : 20 juin 1789, 14 juillet 1789, 4 août 1789, 10 août 1792, 20 septembre 1792, 21 septembre 1792, 1er juin 1794, 27 juillet 1830, 20 avril 1848, 4 septembre 1870 et 25 février 1873. »

 

Vu le monde, impossible de circuler en voiture dans la place ce jour-là ! « : ce ne sont qu’oriflammes, guirlandes, drapeaux, au milieu desquels la foule essaie de pénétrer jusqu’au centre où se trouve la statue de la République », ainsi que le précise l’Estafette du 16 juillet 1880.

 

Un chantier tout juste achevé

Alors bien sûr, la statue était celle proposée par Léopold Morice. Mais on tint tout de même à ce qu’elle est un piédestal correct, ce d’autant qu’il s’agit d’un groupe, comme évoqué précédemment.

Le Petit Caporal du 16 juillet 1880 nous donne quelques précisions sur la fin de ce chantier :

« Les travaux étaient à peine terminés à midi. A cette heure seulement, le public a pu s’approcher du monument. Une couronne a été déposée sur le socle par « les étudiants de Paris ».

Un nommé Jesneuf, âgé de 29 ans, menuisier, qui était occupé aux travaux a été gravement blessé à la tête par la chute d’une paire de tenailles ; il a pu cependant rejoindre son domicile. »

 

Les nombreuses cérémonies devant la statue

Il faut dire que la municipalité avait vu grand. On avait même rajouté au solennel à la statue qui mobilisait déjà un grand nombre de symboles. Compte rendu par le Petit Moniteur universel du 16 juillet 1880.

« Outre les rampes de gaz et les guirlandes de lanternes vénitiennes rouges, la municipalité a fait élever autour de cette statue quatre pyramides, où d’autres inscriptions sont encore gravées : Serment du jeu de paume, 20 juin 1789, ouverture des Etats Généraux, 5 mai 1789, l’Assemblée des députés du tiers-état prend le nom d’Assemblée nationale, 15 juin 1789, Fête de la Fédération, 14 juillet 1790, Achèvement de la Constitution, 3 septembre 1791, Réunion d’Avignon à la France, 15 septembre 1794… »

 

Et autour le spectacle était de mise : « La statue de la République a été le centre des rendez-vous de la journée. Hâtons-nous de dire toutefois que l’ordre n’a pas été troublé un seul instant.

Depuis midi, jusqu’à six heures du soir, des Sociétés chorales ont donné des auditions auprès du monument. Citons les harmonies de Bercy, Belleville, Ménilmontant, Montmartre, Montrouge, des Batignolles et des Ternes.

La Marseillaise et le Chant du départ ont tout naturellement, été joués par tous ces orchestres.

Plusieurs bouquets et beaucoup de drapeaux ont été déposés sur le piédestal de la statue. »

 

La mise en avant du patriotisme des républicains

La caserne de la place était occupée par 130e régiment. Après être parti tôt le matin, pour faire son tour de chant dans la ville, il revint en fin de journée. Ce mouvement contribua également à l’animation des lieux.

« A cinq heures, un mouvement se fait sur la place du Château d’eau. C’est eaux ! Les voilà ! crie-t-on de toutes parts. On court, on se précipite. C’est le 130e régiment de ligne qui rentre. Il se dirige vers la caserne du Prince Eugène. La musique marche en tête, exécutant la Marseillaise. Le colonel est salué par les acclamations chaleureuses de la foule. Le cri de Vive la France ! sort de toutes les poitrines oppressées d’émotion. »

Tout était bon pour exalter le patriotisme des personnes présentes : « Un vieil invalide, infirme depuis de longues années, se découvre devant le chef des troupes et élevant sa casquette au-dessus de sa tête, s’écrit, les larmes aux yeux : Vive la patrie !

Lorsque le drapeau décoré passe, on se découvre. C’est un délire de cris et d’applaudissements. Un ecclésiastique âgé, arrêté devant nous, retire son chapeau, et, l’agitant devant nos brillantes et glorieuses couleurs nationales, crie à son tour : Vive la France.

Des applaudissements éclatent de toutes parts, et le vieux prêtre est vivement félicité. »

 

Les célébrités républicaines en visite

Comment imaginer un tel moment sans la présence de grandes personnalités. Ainsi, commençons par l’homme ayant déclaré la République : Léon Gambetta.

« A sept heures, M. Gambetta, en voiture découverte, est arrivé place de la République, dans la direction du boulevard Saint Martin à la Bastille.

En ce moment, une société chorale qui se trouvait aux abords de la statue de la République chantait alternativement un couplet de la Marseillaise et un couplet du Chant du départ.

Alors les curieux qui entouraient ces derniers les ont abandonnés pour se porter auprès de M. le président de la Chambre de Députés, qui a dû s’arrêter pendant quelques minutes pour répondre aux effusions populaires. La foule a ouvert un passage à M. Gambetta, qui est parti par le boulevard Magenta. »

Bain de foule et circulation en voiture parmi les présents.

 

La Lanterne du 16 juillet indiqua qu’une autre personne de marque s’était rendu sur les lieux un peu avant : « A cinq heures du soir, Victor Hugo passe en voiture sur la place de la République : les cris de vive Victor Hugo ! Vive la République ! éclatent aussitôt. » 

 

Sources bibliographiques :

 

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