Visite du ministre des travaux publics dans le 12e inondé
Visite du ministre des travaux publics dans le 12e inondé : l’inspection de la sécurité des immeubles touchés
Lors de la crue de 1910, les grands personnages de l’Etat se mirent en première ligne : faisant de nombreuses communications dans les journaux, se rendant sur place.
Après le président de la République et le président du Conseil, le ministre des travaux, Alexandre Millerand était aussi sur le devant de la scène.
Tout comme ces deux autres personnalités, il se rendit à son tour dans un quartier inondé. Au président de la République, le Gros Caillou et Grenelle ! Au président du Conseil, Saint Lazare ! Au ministre des travaux publics, Bercy et la gare de Lyon. Pour ce dernier, l’enjeu était de mettre en avant son attention de la sécurité des immeubles.
Rapport par le Petit Parisien du 30 janvier 1910 !
La flottille de Bercy
« A Bercy et tout autour de la gare de Lyon, le niveau des eaux s’est sensiblement abaissé dans la journée d’hier.
Néanmoins, les flots continuèrent à environner de toutes parts les établissements de la gare de Lyon. Le même service de bateaux continue à fonctionner pour le ravitaillement de tous ceux qui n’ont pas voulu se résoudre à quitter leurs appartements. La flottille du quartier de Bercy ne compte pas moins de cent cinquante unités. Et ce nombre n’est pas suffisant encore. M. Orsatti, commissaire divisionnaire, qui a la direction du service d’ordre sur ce point, secondé par MM. Marchand et Reiss, officiers de la paix, attend encore quinze berthons de la flotte de guerre et trois barques prêtées par les pécheurs de Cancale. « Afin que les embarcations ne soient pas distraites de leur mission de sauvetage et de ravitaillement, un gué a été aménagé avenue Daumesnil. Sur une distance de deux cents mètres environ, on peut traverser les eaux sur cette avenue à l’aide de hauts camions de ces véhicules prêtés par la Compagnie P-L.M, ou de tombereaux du service des égouts. Une cinquantaine de ces véhicules assurent le point de service de transbordement. Ils sont complets à chaque voyage. »
Venue d’Alexandre Millerand à la Gare de Lyon
« Vers dix heures et quart, M. Millerand, ministre des travaux publics, se présenta au ponton de la Gare de Lyon. Il était accompagné de MM. Pierre Baudin, député, Chargueraud, directeur général de la navigation, Sabot, maire de l’arrondissement, Pierre Morel, conseiller municipal, du général Carbillet, commandant des troupes du secteur, et venait de la mairie du douzième arrondissement où il s’était assuré des dispositions prises pour secourir les sinistrés.
Le ministre tenait maintenant à se rendre compte par lui-même de l’état des immeubles baignés par les eaux. Après s’être entretenu avec M. Orsatti, qui lui fournit quelques indications sur la situation des quartiers éprouvés, une barque s’approcha dans laquelle, M. Millerand prit place. Les personnes de sa suite y montèrent également, de même que M. Marchand, l’officier de la paix de l’arrondissement que le ministre fit asseoir en face de lui pour le questionner tout le long du voyage. Dans un autre canot, nous nous embarquons en compagnie de M. Jalabert, architecte de la préfecture de la Seine. »
« Au-dessus de deux mètres d’eau »
« Les embarcations longèrent la rue de Lyon, vers la place de la Bastille et tournèrent à gauche dans l’avenue Ledru Rollin. Les habitants penchés aux fenêtres des immeubles riverains reconnaissaient le ministre et le saluaient. Nos deux barques allaient toujours. De temps à autre, le ministre interrogeait. MM. Sabot, Marchand et Jalabert lui répondaient.
Comme on allait tourner dans la rue de Bercy pour la remonter jusqu’à la hauteur de la rue Villot, M. Jalabert fait connaître au ministre que la hauteur d’eau à l’endroit où on navigue est d’environ deux mètres. Par endroits, sur le quai de la Rapée, les fonds sont de trois mètres. Rue Villot, il y a en a encore deux mètres cinquante.
Etat des immeubles du quartier
« Puis M. Jalabert fournit au ministre des renseignements divers.
– D’une manière générale, explique-t-il, les immeubles des voies où les eaux se maintiennent stagnantes, n’auront pas trop à souffrir. Leurs assises ne seront point trop minées. L’avenue Ledru Rollin est dans ce cas, de même qu’une bonne partie de la rue de Bercy.
Il n’en sera pas de même des voies dans lesquels les courants se manifestent. La rue de Lyon et plus encore les rues Traversière et Villot doivent inspirer quelques craintes. Dans ces deux dernières rues, ajoute M. Jalabert des immeubles menacent ruine. Je m’attends à voir s’écrouler d’un moment à l’autre la maison portant le numéro 48 de la rue Villot. J’ai fait évacuer tous les immeubles qui étaient devenus dangereux pour leurs habitants, dit encore l’architecte préfectoral.
Mais, tandis que d’une barque à l’autre, ces explications s’échangent, la visite se poursuit. Nous avons parcouru la rue de Bercy et nous revenons dans le boulevard Diderot. Une barque vient à notre rencontre. C’est un message du président du Conseil priant M. Millerand de se rendre tout de suite auprès de lui. »