Histoires de Paris

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Histoires de Seine

Une administration veillant sur la Seine gelée

Une administration veillant sur la Seine gelée : la venue des glaces fut sans repos pour les fonctionnaires !

 

Il n’arrivait pas souvent que la Seine gèle. Même en cette période que des historiens du climat appelait un petit âge glaciaire qu’était le milieu du XIXe siècle, ce n’était pas fréquent.

Ainsi, en décembre 1879, la Seine gela, sur une grande partie de son parcours dans Paris.
Pour les autorités municipales, indispensable d’être à l’œuvre pour garantir la sécurité des usagers du fleuve qui étaient bien nombreux.

Pour cette enquête, nous nous appuyons sur les éditions du Petit Journal et du Petit Parisien de ce mois de décembre 1879.

 

L’attention des météorologistes et de l’administration du fleuve.

Evidemment, les premiers à intervenir sont les spécialistes de la mesure de la météo et du niveau du fleuve.

Ils ne manquent pas d’activité, ce d’autant que la Seine connait juste avant le froid intense, une crue, alimentée par les semaines de pluie. Dans ses colonnes du 3 décembre 1879, le Petit Journal publie les communiqués des autorités : « Après une baisse de quelques centimètres, la Seine a repris son mouvement ascensionnel : les eaux ont monté, depuis hier, de 20 centimètres. Les dernières dépêches des stations hydrométriques annoncent une nouvelle crue pour jeudi prochain. A tous les quais de débarquement, de nombreux ouvriers sont occupés à mettre en lieu sûr les marchandises qui s’y trouvent. Les eaux d’infiltration commencent à envahir les caves des maisons de la rive gauche. »

 

Les météorologistes sont aussi à la manœuvre. Rappelons-nous qu’ils disposent alors d’installations à l’Observatoire, mais aussi en haut de la Tour Saint Jacques, des positions intéressantes pour surveiller les évolutions et les caprices de la météo.

Citons en exemple cette communication extraite du Petit Journal du 4 décembre :

« Le froid a sensiblement augmenté ; et la neige, tombée dimanche, n’est pas près de fondre. La nuit, grâce à la limpidité du ciel, la réverbération de la neige donne une belle clarté. Le thermomètre a marqué, hier mardi, 3 degrés au-dessous de zéro, à sept heures du matin et à une heure après-midi. Hauteur barométrique, 756. » 

 

C’est l’Observatoire qui annonce le 11 décembre que le froid va s’intensifier et que la glace sur la Seine va se renforcer

« D’après les nouvelles de l’Observatoire, le froid, sera tellement intense, que demain la Seine sera gelée sur un long parcours : ce sera la cinquième fois que ce fait se sera produit, dans notre siècle. »

 

Le suivi de l’administration fluviale

Avec la montée du fleuve et les risques de glace ensuite, l’administration fluviale se retrouve au cœur des événements. Il est nécessaire de prendre les dispositions pour faire cesser la navigation tout d’abord, en raison du niveau de l’eau mais aussi de la quantité de débris et de glaçons qui circulent dans l’eau.

Ainsi, le Petit journal rapporte le 6 décembre la situation suivante :

« Les bateaux-mouches ont continué leur service jusque vers deux heures ; à partir de ce moment, la Seine a charrié des glaçons en telle quantité et si gros, que la navigation a été interrompue. »

 

L’administration doit aussi veiller à limiter la quantité de neige sur les quais.

« Les pauvres mariniers ont toute la journée jeté la neige dans la Seine pour déblayer leurs logements ; mais la neige tombait toujours. C’était toujours à recommencer. »

 

Deux jours plus tard, le Petit Journal poursuit ses nouvelles

« La crue de la Seine continue. Toute navigation est interrompue sur le fleuve et sur les affluents. Le petit bras de la Seine reste toujours gelé. Les canaux sont également pris.

L’administration des ponts-et-chaussées communique aux journaux l’avis suivant : La Seine, à Paris et à Mantes, va remonter d’environ cinquante centimètres. La Seine, à Montereau, va remonter d’environ cinquante centimètres, comptés depuis jeudi. L’Yonne, à Sens, va remonter d’environ cinquante centimètres, comptés depuis jeudi dernier. Le canal de Meaux à Chalifert est gelé. »

 

L’usage de bateaux pour veiller à la sécurité

L’administration ne dispose pas que de la possibilité de fermer la navigation pour assurer la sécurité du fleuve. Des bateaux sont restés à quais et les risques d’avarie demeurent. Rien de plus dangereux que des débris circulant à grande vitesse avec le courant et venant se rompre sur les coques de bateaux amarrés.

Elle dispose ainsi d’un remorqueur pour commencer, comme nous le décrit le Petit Journal du 9 décembre 1879

« Le remorqueur municipal continue ses visites d’inspection. Les ponts, dans la traversée de Paris, sont l’objet d’une surveillance spéciale. »

Outre les bateaux, il importe de veiller sur la stabilité des ponts. Les piles sont des points névralgiques où il importe que des morceaux de bois ne s’y accumulent pas.

 

Le Petit Journal nous fait un compte rendu un peu plus précis le 10 décembre

« Toute navigation marchande reste interrompue ; la dimension des glaçons varie de 20 centimètres à un mètre de largeur. La quantité est surtout grande, aux ponts de la traversée de Paris, où l’amoncellement se produit plus facilement. L’administration de la navigation a pris toutes les mesures pour éviter les accidents. Les ponts, dans la traversée de Paris, sont l’objet d’une surveillance spéciale. De nombreux ouvriers sont occupés à briser la glace au fur et à mesure que le fleuve commence à être pris. »

« Le remorqueur municipal continue ses visites d’inspection. »

Ce remorqueur cesse ses fonctions le jour suivant en raison de la glace qui devient trop épaisse sur le parcours.

Le Petit Journal se veut rassurant le 11 décembre : « Le remorqueur municipal a cessé ses visités d’inspection ; mais le nombreux personnel de la navigation est chargé, d’une surveillance spéciale de certains ponts de la traversée de Paris. 

 

Il est remplacé ensuite par un brise-glace qui s’intéresse principalement à maintenir les alentours des bateaux-lavoirs au contact de l’eau.

« Le brise-glace doit fonctionner aujourd’hui, autour des lavoirs publics de la Seine, pour ne pas faire cesser le travail.

D’un autre côté, le service de la navigation ne néglige rien pour aider les communes suburbaines à se débarrasser de la glace. Comme nous l’avons annoncé, le gouverneur de Paris met à la disposition des communes suburbaines, le nombre de soldats, que la municipalité demandera. »  Petit Journal du 12 décembre 1879

 

L’administration emploie des ouvriers pour différentes taches

Avec ses ouvriers, elle cherche à casser un peu la glace et enlever la neige.

« De nombreux ouvriers, occupés aux quais de débarquement, ont été embauchés pour l’enlèvement des neiges. » Petit Journal du 8 décembre 1879

 « Le petit bras de la Seine est toujours pris ; mais les mariniers et les bateliers, dont les bateaux y stationnent, ont reçu l’ordre de rompre la glace, de crainte d’accidents. Cette sage mesure cause un réel désappointement aux nombreux gamins, qui y avaient installé leur camp général. »  Petit Journal du 10 décembre 1879

Ensuite, elle veut aider à la solidité des coques, comme on pouvait le lire dans le Petit Journal du 13 décembre.

« En prévision de la débâcle, de nombreux ouvriers consolident les bateaux-lavoirs et les établissements flottants. Dans beaucoup de lavoirs, le travail chôme par suite de la congélation, mais les ouvriers cassent partout la glace, pour pouvoir, recommencer le travail. »

 

Le rôle des gardiens de la paix

La police est aussi à pied d’œuvre sur les bords de Seine. Elle ne guette pas le passage des glaçons mais chercher à éviter que quiconque ne se rende sur la glace. Ce n’était pas une mince affaire, comme l’explique le Petit Parisien du 13 décembre

« Une surveillance des plus actives est exercée sur tous les ponts, afin d’empêcher les patineurs de se risquer sur le fleuve et les gamins d’y faire des glissades. Ce qui n’a pas empêché hier deux d’entre eux de traverser la Seine au pont de la Concorde, tandis que plus de cinq cents personnes les regardaient passer avec quelque anxiété. Les deux petits drôles ont dû revernir sur leurs pas four échapper aux agents qui les guettaient sur l’autre bord. »

 

De son côté, le Petit Journal indique le 13 décembre :

« Une grande foule stationne le long des quais pour jouir du spectacle que présente en ce moment la Seine. Les employés du service de la navigation veillent nuit et jour pour éviter les accidents. On ne saurait trop louer le zèle et le dévouement de ces modestes auxiliaires de M. Alphand. »

 

Cette surveillance était malheureusement vouée à l’échec :

« Toutes les précautions prises pour empêcher les patineurs d’aller sur la Seine ont échoué hier, lundi ; la foule a envahi la rivière, sur laquelle on se promène en sécurité. »  Petit Journal du 24 décembre 1879

D’aucun ne se contente pas de la situation. Ce d’autant qu’on signale des accidents sur la glace. Aussi, le Petit Journal indique la décision suivante le 27 décembre :  

« Pour prévenir les accidents, le préfet de police vient d’interdire les promenades sur la glace. » 

 

Sources bibliographiques :

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