La foule visitant la morgue au XIXe siècle
La foule visitant la morgue : quand cent mille parisiens vinrent voir le corps d’un enfant trouvé dans la rue
Au XIXe siècle, les parisiens avaient une habitude étonnante. Dés que la rubrique Faits divers des journaux se trouvait au centre de l’actualité, ils se précipitaient au bout de l’île de la Cité, derrière Notre Dame de Paris. Là, se dressait la morgue.
Chose étonnante pour nous aujourd’hui, mais la morgue était ouverte au public. On y avait même installé une salle d’exposition avec une grande vitre. L’objectif était d’alors de permettre les reconnaissances des personnes trouvées mortes.
Au travers d’une histoire de faits divers qui se déroula en août 1889, revenons sur cette habitude !
La petite morte de la rue du Vert Bois
Comme le rapporte le Matin du 5 août 1889, on avait fait la découverte fin juillet le corps d’une petite fille dans la rue du Vert Bois, juste à côté des Arts et Métiers, non loin de la porte Saint Martin.
A cette époque, il n’était pas rare de trouver des enfants morts. On pouvait en trouver rejeter par la Seine ou abandonné dans des égouts et fosses d’aisance.
Aussi, l’enfant trouvé n’avait pas été déclaré à l’état civil, probablement, pour le journaliste du fait de l’ « irrégularité de sa naissance » (né hors mariage). Il faut se souvenir que les parents dans ce cas pouvaient se retrouver exposés à des « poursuites ».
Toutefois, ce n’est pas cette situation qui attira l’attention alors. Il y avait tellement de nourrissons trouvés morts abandonnés.
Une foule défilant à la morgue
Et pourtant, « tout Paris défilait devant la salle
d’exposition du funèbre monument ».
En effet, le journaliste écrit :
« Hier, dés huit heures du matin, les portes de la morgue ont été ouvertes au public qui faisait queue depuis plus d’une heure et pendant toute la journée jusqu’à la tombée de la nuit, la foule n’a cessé défiler ».
Il fallait même un service d’ordre pour « ranger le monde par ligne de cinq personnes ». Aussi, « le stationnement était interdit devant les glaces de la salle d’exposition ». Le journaliste conclut : « C’était une interminable procession que les agents faisaient avancer avec peine. »
Physionomie de la foule
Le journaliste du Matin était resté toute la journée devant la morgue. Cela lui permit d’évoquer un peu plus sur cette foule qui défilait.
Tout d’abord, « le sentiment qui dominait était la curiosité banale qui se changeait en compassion émue et bruyante devant le petit cadavre. »
Suivant les heures qui passaient la nature du public changeait. « Le matin, beaucoup d’ouvriers et d’employés ; de midi à deux heures, des ouvrières, des modistes en cheveux grignotant leur déjeuner en faisant la queue à l’horloge de Notre Dame ; dans l’après midi, un peu tous les mondes ; beaucoup de fiacres et quelques équipages. »
Ainsi, on peut constater qu’une grande partie de la population venait à la morgue alors : des ouvriers et les classes populaires, mais aussi des personnes plus aisées, voir très riches.
Tous ne venaient pas uniquement pour assouvir leur curiosité. « Au milieu de cette foule, nous avons cependant remarqué quelques figures inquiètes, torturées par une anxiété fébrile. »
Le journaliste développe : « des hommes et des femmes qui s’approchaient fébrilement des dalles, fixaient le petit cadavre et se faisaient conduire dans le cabinet du greffier d’où ils ressortaient quelques minutes après un air presque joyeux. » Il s’agissait de parents « dont les enfants avaient disparu ou avaient été volés. »
Une foule qui visite mais pas d’identification
Le greffier reçu au moins 200 déclarations. Cependant, « pas un seul des signalements ne répondait à celui de la petite fille ».
On compta jusqu’à 150 000 personnes qui vinrent alors à la morgue.
Au cours de l’autopsie, le médecin légiste indiqua que « l’enfant n’avait subi ni outrage, ni violence, qu’elle avait succombé à une mort naturelle. » Il n’exclu toutefois pas la possibilité d’un empoisonnement.