Histoires de Paris

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Repères

Le froid infernal de décembre 1879

Le froid infernal de décembre 1879 : un long mois avec des températures sous les -10°C : Comment survivre ?

 

Au cœur de l’hiver, nous avons voulu nous intéresser à un autre hiver. Sur le blog, nous avons évoqué les grands hivers, ceux qui glaçaient totalement les parisiens. Nous y avons même consacré une lettre mensuelle.

Plusieurs dates marquèrent les temps et l’histoire : 1408 qui faisant geler l’encre, 1608 et son froid interminable, 1709 et ses températures les plus basses…

1879, un grand hiver ? Nous allons voir que les températures furent très basses. Pendant un mois complet, tout décembre, les températures s’installaient en dessous du -10°C. Des conditions favorables pour toute geler, y compris la Seine. Et gare au redoux.

Pour nous y intéresser, nous avons fait une recherche approfondie dans les journaux de ces longues semaines de froid.

 

Une année qui avait été dure sur le plan climatique

Commençons par dire que 1879 n’avait pas été clémente pour les Français !

Dans son bilan de l’année, le Petit Journal n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Pas de printemps ; un été froid ; une mauvaise récolte succédant à une mauvaise récolte ; une situation générale embarrassée en Europe et dans le nouveau monde ; et pour finir un hiver extrêmement rigoureux qui a amené un chômage et une misère sans exemple, atténués heureusement par un merveilleux élan de générosité ».

Le tableau est bien noir ! Il est même glacial, au sens propre comme au figuré. Rappelons-nous que les parisiens étaient habitués au froid. Il arrivait fréquemment que la Seine charrie des glaçons. La seconde moitié du XIXe siècle était une période froide, bien loin des températures que nous connaissons aujourd’hui. On mourrait alors de froid !

 

Un froid qui commence à s’installer en octobre

Disons-le tout de suite, le froid le plus sévère fut enregistré en décembre. Cependant les conditions ne sont pas agréables, non plus, les semaines précédentes.

Ainsi, dès le 19 octobre, une première bourrasque froide est annoncée. Les jours précédents, les nuits marquaient les 10°C. Mais la gelée arrive, et on évoque même des averses de pluies et de neige. En octobre !

En tout état de cause, les nuits sont bien froides quant novembre vient. 4°C à 7 heures du matin !

Les jours passent et la météo est toujours maussade. La menace de la neige refait des siennes à la mi-novembre.

 

Les souvenirs du terrible hiver de 1870 – 1871

A la fin du mois de novembre, au vu de la tournure des dernières semaines, on commence à évoquer la possibilité d’un hiver bien froid.

« Les avis des météorologistes sont partagés sur la question de savoir si l’hiver sera rude, cette année. Les uns pensent qu’il sera long et rigoureux. Les autres opinent, au contraire, qu’il sera inoffensif. Devant cette touchante unanimité, le plus sage est d’attendre patiemment. D’autant plus que l’impatience ne changerait rien absolument à la température qui nous attend. » Le Petit Parisien du 27 novembre 1879

Le retour du froid n’éveille pas des bons souvenirs. On cherche à se rassurer : « On a observé que depuis le commencement du dix-huitième siècle, c’est-à-dire depuis 179 ans, le thermomètre n’est descendu, à Paris, que soixante-six fois plus de dix degrés au-dessous de zéro. »

Cependant l’hiver qui fait peur, c’est celui de 1870 – 1871, « où le thermomètre descendit un instant à -23 degrés, à l’Observatoire de Montsouris. Sombre et cruel hiver, où nous eûmes tout contre nous – la fortune et les éléments ! »

Cette année-là, les parisiens durent affronter les affres du siège des Prussiens qu’ils perdirent et des fortes pointes de froid.

On craint aussi pour la Seine, et à raison comme nous le verrons par la suite : « Rappelons aussi qu’en 1783, la Seine demeura gelée dans Paris pendant près de deux mois. On y passait comme sur une grande route et avec les plus lourds fardeaux. Cette congélation de la Seine recommença en 1795, où l’un eut à subir quarante-deux jours consécutifs de grande gelée. »

 

Un froid intense qui s’installe

Avec l’arrivée de décembre, le froid continue sa plongée. Le Petit Journal écrit le 4 décembre : « Le froid a sensiblement augmenté ; et la neige, tombée dimanche, n’est pas près de fondre. La nuit, grâce à la limpidité du ciel, la réverbération de la neige donne une belle clarté. Le thermomètre a marqué, hier mardi, 3 degrés au-dessous de zéro, à sept heures du matin et à une heure après-midi »

Le lendemain, on parle de nuit à -10°C. « La chute de la neige est générale aujourd’hui »

La ville est alors toute couverte de neige. Ce manteau ne la quittera plus avant le changement d’année.

Avec le froid et la neige, les transports deviennent de plus en plus difficiles. A peine, on arrive à déneiger un peu qu’il en retombe d’autre. Pour les trains, il est délicat d’arriver à bon port. Interdiction de monter en haut des monuments. Les bateaux doivent cesser d’avancer sur la Seine : ils sont entourés de glaçons.

 

Un froid mortel qui se déferle

Les jours passent et la neige continue de tomber, la Seine de charrier des glaçons, et le froid dure ! Et avec ce dernier, ce sont le nombre de victimes qui s’allonge. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet dans le blog, mais ce froid est totalement meurtrier.

Les personnes les plus pauvres sont les plus touchées par le froid. Un véritable élan de générosité s’installe dans la ville, aidée par la mairie.

On annonce dans les journaux qu’à la campagne autour de Paris, le thermomètre est descendu jusqu’à -24°C. Le 12 décembre, il est à -21°C dans la ville.

Après quelques jours un peu moins durs, il repart de plus belle, avec lui, la neige tombe de nouveau.

Il faut attendre la nouvelle année pour que les températures redeviennent positives et que la neige et la glace fondent.

Une autre catastrophe se met alors en mouvement : la débâcle de la Seine. Nous y reviendrons.

 

Sources bibliographiques :