Histoires de Paris

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Histoires de Seine

L’organisation dans les bateaux-lavoirs

L’organisation dans les bateaux-lavoirs : tout pour guider les lavandières sous l’œil très attentif du gérant

Sur les bords de la Seine, en plein cœur de Paris, il était possible de venir nettoyer son linge. L’eau courante n’existait pas et pour cette activité qui en demandait tant, de nombreuses ménagères se rendaient dans les bateaux-lavoirs, des établissements pittoresques.

Avec le Monde Illustré du 30 décembre 1899, nous vous proposons de décrire l’organisation de ces lieux particuliers.

 

Une visite en bas des quais

« Beaucoup de gens qui, du haut des ponts ou le long des quais, s’intéressent au mouvement de la rivière, s’en tiennent à cet examen superficiel et il en est peu qui aient la curiosité de descendre un de ces escaliers de fer qui accèdent aux bas quais pour aller visiter ces bateaux-maisons, dont la disposition intérieure est cependant si curieuse. »

 

Comme aujourd’hui, il était possible de rejoindre les berges de la Seine. Il fallait cependant se frayer un passage entre l’activité marchande si active et les passants rejoignant le bord du fleuve. Il faut dire que pour beaucoup la Seine était un lieu de vie très actif.

« En entrant, on trouve tout de suite le bureau, petite pièce rectangulaire prenant jour sur le quai et éclairée par une cloison de vitrage qui la sépare du couloir d’entrée.

C’est là que se tient le gérant. Fonctionnaire à la solde du patron qui, lui, dirige seulement son exploitation, car il possède plusieurs bateaux. »

 

L’activité du gérant du bateau-lavoir et de son équipe

Commençons par le patron, ou plutôt son représentant :

« Le gérant trône derrière son guichet et remet contre espèces des jetons aux lavandières. Tant pour un seau d’eau chaude, tant pour l’essorage, tant pour l’eau de javel ; et, sur, les étagères du bureau, s’alignent des piles de savon, des provisions de boules bleues, tous les ingrédients enfin qui sont utilisés pour le coulage et le lessivage du linge.

 Comme le capitaine sur le pont de son navire, le gérant est maître après Dieu à bord de son bateau qu’il ne quitte jamais et à bord duquel il couche. Son appartement se trouve généralement derrière le bureau ; d’abord, la salle à manger, toujours très proprement tenue, car on y reçoit les visites de conséquence. Puis la cuisine, enfin la chambre à coucher dans le fond, à l’abri des regards indiscrets.

 Outre le gérant, l’équipage se compose d’un mécanicien chauffeur, d’un charpentier et de deux ou trois garçons de lavoir, suivant les besoins ou l’importance de l’établissement. »

 

Les lieux pour nettoyer le linge

« En pénétrant dans le bateau et après être passé devant le bureau, on arrive de suite à la batterie, c’est-à-dire à l’endroit où les lavandières battent leur linge.

La batterie est généralement sombre. Elle se compose d’un large couloir très bas de plafond, sur les bas-côtés duquel se trouvent rangées les lavandières.

Des quais ou des ponts on peut voir ces dernières, les unes légèrement penchées vers la rivière, les autres tournant complètement le dos.

Celles qui sont tournées vers l’extérieur éclaircissent ou rincent leur linge à l’eau courante et froide ; les autres le lavent à l’eau chaude. »

 

« Au-dessus de la batterie dont nous avons décrit l’aménagement se trouve le séchoir, vaste pièce aérée de tous côtés et dans laquelle le linge est étendue sur des lattes suffisamment distantes pour que l’air puisse circuler entre elles, La seconde partie du bateau est réservée au fonctionnement de la lessiveuse et des essoreuses.

 L’essorage est une opération qui consiste à mettre le linge dans un cylindre pour le débarrasser de l’eau qu’il contient encore après le rinçage. Cette opération remplace le tordage et en partie le séchoir ; il a cet inconvénient de fatiguer le linge en précipitant l’usure.

 La lessiveuse a des proportions colossales. C’est une cuve énorme sur laquelle vient s’abattre un couvercle mu par contrepoids et qui, lorsqu’il est descendu, actionne la pompe à eau de lessive. On pourrait dans une pareille lessiveuse mettre le linge de tout un régiment. »

 

Les différentes étapes du lavage du linge

Quittons un peu le Monde Illustré pour s’intéresser plus précisément aux différentes étapes du lavage du linge au XIXe siècle. Les machines à laver individuelles n’existaient pas, même si on commençait à entendre parler de lavoirs mécaniques.

Aussi, tout se faisait à la main.

C’est avec la France du 26 janvier 1886 que nous allons poursuivre

« Les opérations par lesquelles le linge passe avant son arrivée au séchoir sont l’essangeage, le coulage, le savonnage, le rinçage, la mise en blanc, la mise au bleu. »

 

Rentrons un peu dans le détail, avec la première étape.  

« L’essangeage consiste à laver le linge grossièrement à l’eau froide dans laquelle on rajoute quelque fois un peu de savon ; cette opération a pour effet de dissoudre l’albumine des taches et d’enlever mécaniquement les taches insolubles. Les blanchisseuses suppriment complètement cette première opération ; elles mettent au cuvier tout le linge tel qu’elles le reçoivent. Les ménagères, au contraire, pratiquent habituellement l’essangeage ; mais par un sentiment de convenance bien naturel, elles font presque toujours cette opération à leur domicile, et, en général, pendant la nuit.

Si elles ne peuvent faire l’essangeage de leur linge à leur domicile, elles le font au lavoir, mais dans des places spéciales qui leur sont réservées et qui sont à l’abri des regards indiscrets. »

 

Ensuite, voici le coulage, qui « se fait dans le cuvier. On commence par les jetées à froid qui remplacent l’essangeage en dissolvant l’albumine des taches sans la coaguler. Peu à peu, la température s’élève, et en deux heures, elle atteint 100 degrés. A cette température, le travail est plein et il se continue pendant quatre ou cinq heures. Dans la plupart des bateaux-lavoirs, on commence le lessivage à sept heures du soir et on ne le termine qu’à cinq heures du matin.»

 

Puis, « après la sortie du cuvier, le linge est soumis au savonnage, au rinçage, à la mise en blanc et à la mise au bleu »,

 

Sources bibliographiques :

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