Histoires de Paris

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Histoires de Seine

L’inondation du train entre les gares d’Orsay et d’Austerlitz de 1910

L’inondation du train entre les gares d’Orsay et d’Austerlitz de 1910 : face aux infiltrations par les parois

« Monsieur, si c’est pour prendre le train, il faut aller à la Gare d’Austerlitz ! »

« Pourquoi ? »

« Parce que les eaux ont envahi le sous-sol de la gare Saint Michel, que la voie électrique est endommagée, qu’il y a soixante-quinze centimètres d’eau sur les rails… »

Echange étrange mais qui revenait très souvent le 21 janvier 1910 ! En effet, un véritable attroupement s’était formé devant la Gare d’Orsay. En ce vendredi soir, nombre de voyageurs travaillant à Paris, souhaitaient rentrer chez eux, en banlieue. Et pourtant, impossible de prendre son train à la Gare d’Orsay.

La Seine est sortie de son lit depuis quelques jours. Le niveau de l’eau monte rapidement. Aussi, le tunnel de chemin de fer longeant le fleuve, entre la Gare d’Orsay et la Gare d’Austerlitz se retrouve inondé.

Une ligne de chemin de fer ayant son terminus Gare d’Orsay et desservant le sud et l’est de la banlieue parisienne

Au début de XXe siècle, le RER C que nous connaissons n’existe pas encore. Il faut en effet attendre les années 1980 pour pouvoir relier l’est à l’ouest de Paris en suivant le fleuve. Mais une partie existe déjà : à partir de la Gare d’Orsay.

Tout comme notre RER C actuel, la ligne était sensible à la crue. Dés-que le fleuve montait, des infiltrations se produisaient. C’est exactement ce qui se passa à partir du 21 janvier 1910, après seulement deux jours de crue.

A noter qu’il existait également, une autre ligne qui longeait la Seine : entre les Invalides et l’ouest parisien.

Attroupement devant la Gare d’Orsay

En 1910, nombre de personnes travaillaient dans Paris et utilisaient le réseau de transport en commun pour rejoindre leur domicile. Aussi, rapidement un attroupement se forme après la journée de travail du 21 janvier : les gens voulaient rentrer chez eux.

La compagnie de chemin de fer avait alors utilisé tous ses moyens pour juguler ce flux de personnes, comme le rapporte le Petit Parisien du 22 janvier 1910.

« Gardiens de la paix, facteurs homme d’équipe, employés, tout le personnel disponible avait été requis par le commissaire spécial de police et par le chef de gare, et échelonné sur le trottoir du quai d’Orsay, à seule fin d’empêcher le débarquement des voyageurs. »

Les trains des grandes lignes pouvaient circuler. Mais pas les trains de banlieue. Seul moyen de rentrer : rejoindre à pied la gare d’Austerlitz !

« Mais pour les voyageurs de la banlieue, se fut une autre affaire. Le tramway qui passe devant les deux gares, ne fonctionnant pas, bon gré mal gré, chacun dut gagner pédestrement la gare d’Austerlitz ».

Le journaliste conclut : « nombre de « banlieusards » manifestèrent hautement leur mécontentement. ». Le parisien, un râleur ? Mais comment rentrer chez soi ?

Des infiltrations le long des voies !

N’imaginez pas que les voies s’étaient retrouvées inondées par l’arrivée d’eau au-dessus des quais. Ce n’était pas le cas, en ce 21 janvier. La situation provenait en réalité d’infiltrations le long des parois.

Pour comprendre ce qu’il se passa, le Petit Parisien interrogea un ingénieur de la compagnie :

« La voie électrique forme entre la station de la gare Saint Michel et le terminus d’Orsay, une espèce de vallon, dont le fond est situé à trois cent cinquante mètres environ de la sortie du tunnel du terminus.

Ce point, le plus bas de la ligne, est à trois mètres dix-huit au-dessous du niveau actuel de la Seine. C’est là que viennent converger toutes les eaux d’infiltration. Le déversoir par lequel elles s’écoulent d’ordinaire, se trouvant actuellement au-dessous du niveau des eaux de la Seine et étant aveuglé, ces eaux d’infiltration s’amassent…. et vous connaissez le reste…

Il y a, sur certains points, soixante-quinze centimètres d’eau sur les rais électriques. Il y aurait danger à circuler sur la voie électrique dans ces conditions. »

Le Figaro de ce 22 janvier rapporta de son côté, qu’il y avait 25 centimètres d’eau, sous le quai Conti. Le journaliste poursuit :

« A la gare Saint Michel, où nous nous rendons, l’eau jaillit de partout en mince filets, glisse le long des murs, pénètre sous le bitume des plates formes qu’elle boursoufle et crève. Pour atteindre le bureau de chef de gare, il faut passer sur un plancher de bois, que l’eau commence à recouvrir. » 

Tentatives vaines de lutte contre l’eau

Impossible de lutter contre l’eau en furie. Pourtant, comme on peut s’en douter en pareil circonstance, on tenta alors de chercher à faire partir cette eau au plus vite, pour rétablir la circulation.

« Nous avons toujours deux pompes en service sur ce point et nous en avons installé trois autres.

Elles épuisent la mare qui s’est formée sur la voie. Cependant, ce qu’elles font est à peu près inutile, car la pression des eaux augmente d’heure en heure… L’infiltration devient de plus en plus grande et l’on a avisé qu’il en serait ainsi pendant au moins quarante-huit heures. »

On avait encore de l’espoir ! Même si l’eau montait très vite, comment imaginer alors l’ampleur de la crue qui se produisait alors.

En effet, le 22 janvier, on mesura 40 centimètres d’eau à la Gare Saint Michel et 1m50 sous le quai Conti. Comment faire face à cette catastrophe ?

Sources bibliographiques :

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