L’Opéra comique de foire
L’opéra comique de foire, ou l’émergence d’un nouveau genre dans un espace populaire et libertaire des foires en réaction aux privilèges de la Comédie française
L’opéra comique fut marqué dans les foires par deux courants distincts : la comédie pour le premier et un mix entre le chant, la danse et le divertissement pour le second. C’est surtout ce dernier qui tira son épingle du jeu et qui couvrit d’honneur le genre.
Les pas de danse entre la dame Baron et Saint Edme
Lors de leur combat avec la Comédie française, les danseurs de corde Alard et la veuve Maurice avait obtenu au début des années 1710 la permission de l’Opéra de Paris de pouvoir agrémenter leurs spectacles de danses avec du chant. Ils furent suivirent par deux autres entrepreneurs qui marquèrent le début de l’Opéra comique : Gautier de Saint Edme et la dame Baron.
Gautier de Saint Edme reprit la troupe de la veuve Maurice. Entre 1711 et 1717, il put s’appuyer sur le talent de Dominique Biancolelli, avant que celui-ci ne rejoigne la Comédie italienne.
La dame Baron, de son vrai nom Catherine Vonderbeck, était la fille de la veuve Maurice. Elle s’était mariée avec un acteur de la Comédie française, Etienne Baron. En 1711, elle rejoint la foire Saint Laurent au sein de la troupe de Nivelon. Comme sa mère ne la laissa pas exploiter sous son nom, elle acheta en 1712 le matériel de sa troupe d’adoption.
Dés lors, des relations tumultueuses entre Saint Edme et la dame Baron s’ouvrirent. Elles démarrèrent en 1712 par un procès que la directrice avait lancé à l’encontre de son rival en même temps, qu’elle débauchait ses acteurs. Toutefois, cette action judiciaire se termina par une association entre les deux dirigeants en 1713. Les deux associés ne fusionnèrent pas et maintinrent chacun leurs théâtres séparés : Le Nouvel opéra comique de Baxter et Saurin pour la dame Baron et le Nouvel opéra comique de Dominique pour Saint Edme.
En 1715, Saint Edme obtint de l’Opéra une autorisation plus large que précédemment. Il en fit alors bénéficier son associée. Aussi, les deux s’unirent pour former l’Opéra comique. Toutefois, cette fusion ne dura pas : le divorce fut prononcé en décembre 1715.
En janvier 1716, la dame Baron obtint le privilège de l’Opéra comique pour le prix de 25 000 livres. Mais cette fois encore, elle le partagea avec Saint Edme.
Cette même année, en octobre, les syndics de la foire firent annuler tous les engagements qu’ils avaient passés avec les spectacles forains devant le Conseil. Ainsi, ils reprirent leur liberté et vendirent aussitôt à la dame Baron le privilège exclusif de l’Opéra comique au prix de 35 000 livres mensuelles. Saint Edme, se trouvant exclu, s’engagea alors dans un procès face à sa rivale.
Cette lutte aboutit à l’exclusion de ces spectacles en 1717 et au contrôle par l’Opéra lors de la foire de Saint Germain de 1718. Saint Edme dut, lui, se résigner alors aux écriteaux.
La situation devenant délicate pour les deux entrepreneurs, ils s’associèrent pour la foire Saint Laurent de 1718 et obtinrent un tel succès que la Comédie française en pris ombrage. Cette dernière obtint du Conseil l’interdiction de tous les spectacles forains à l’exception des marionnettes et des danseurs de corde.
Francisque, ou un coucou qui profite de fin de leur lutte
En 1720, Francisque et sa troupe s’aventurèrent à la foire Saint Germain. Ils jouèrent l’opéra comique, sans détenir de privilège. Mais ils ne furent pas inquiétés.
L’année suivante, le privilège de l’Opéra comique fut attribué à Lalauze. Il se lança à Saint Laurent. Cela ne découragea pas Francisque, qui attira Le Sage pour l’aider. Une fois encore, Francisque ne fut pas inquiété. En effet, il profita du jeu de la Comédie française qui souhaitait le laisser organiser une concurrence interne pour gêner le reste de l’Opéra comique. Après avoir ouvert le 31 juillet, Francisque dut fermer suite à l’arrêt demandé par Lalauze. Mais un autre coup de théâtre se produisit. Quatre jours plus tard, ce fut au tour de Lalauze de fermer, après avoir perdu son bail face à Francisque. Toutefois, ce jeu ne cessa pas car, la Cour empêcha Francisque de poursuivre ses spectacles ensuite.
L’arrivée de la Comédie italienne
Bien que de retour dans l’Hôtel de Bourgogne à la fin des années 1710, la Comédie italienne ne parvint pas à retrouver le succès qu’elle avait connu avant 1697. Aussi, elle commença à ouvrir une loge sur les Champs Elysées pour jouer la nuit. Toutefois, le succès n’était toujours pas de la partie.
Aussi, en juillet 1821, la Comédie italienne décida de s’installer à la foire Saint Laurent. Elle fit rénover luxueusement l’ancienne loge du chevalier Pellegrin. Dans le décor, on représenta la façade de l’Hôtel de Bourgogne, avec une inscription : « Hôtel à louer ».
Il suivit de cette arrivée une grande guerre de publicité menée d’un côté par les deux troupes historiques de l’Opéra comique de foire et la Comédie italienne.
Trois ans plus tard, la sentence tomba : l’Opéra comique fut interdit. La Comédie italienne dut partir en 1723
La suite de directeurs de l’Opéra comique de foire qui reprirent la loge de Pellegrin, rénovée par les Italiens.
Après s’être réfugié dans les loges des marionnettes, l’Opéra comique retrouva ses droits en 1724. C’est un certain vendeur de chandelle, Honoré, qui obtint le droit. Cependant, la vente de lumière et le théâtre étant des choses différentes, il dut constater l’absence de public. Cette situation profita à Dolet, porté tacitement par la Comédie française. Bien sûr, Honoré se battit en l’obligeant aux écriteaux. Toutefois, Dolet obtint les faveurs de Le Sage et d’Orneval, les auteurs à succès du moment.
Honoré s’associa en 1726 à Francisque. Toutefois, il dut laisser son bail à partir de 1728 à Boizard de Pontau. Le nouveau directeur produisit un spectacle de Le Sage et Fuzelier, tout en veillant à la qualité du décor et des costumes. Il dut lui aussi laisser sa place en 1732 à un ancien joaillier, de Vienne.
En 1734, Pontau retrouva son privilège, mais au prix de 15 000 francs par an, l’obligeant à s’endetter au-delà du supportable. Il exploita tout de même jusqu’en 1743. Monet reprit les droits alors pour un an. En effet, à cette date, l’Opéra comique fut de nouveau interdit. Cette parenthèse de fermeture s’acheva en 1752.
Toutefois, l’heure de gloire de l’Opéra comique de foire est terminée. Le genre subsistera jusqu’en 1762, lorsqu’il est contraint de fusionné avec la Comédie italienne.
Les transformations de l’Opéra comique de foire
Comme nous avons pu le constater, les premières décennies de l’Opéra comique de foire sont marquées par l’obtention d’un privilège sans cesse contesté par la Comédie française, mais bénéficiant d’une protection mouvante de l’Opéra. Aussi, la nature même des spectacles dut s’adapter aux différentes décisions de justice.
L’Opéra comique en vaudevilles, à la muette ou en écriteaux, des débuts fut remplacé par le vaudeville chanté sur des mélodies populaires. Ensuite, il mixa chant, prose et vaudeville. Enfin, il reposa sur des musiques composées pour le spectacle mettant en scène des duos, trios ou des ensembles.
Ainsi, ce sont d’abord les décors et les danses qui s’enrichirent. L’intrigue restait simple mais le jeu reprenait les modes parisiennes du moment. Aussi, le spectateur parisien se retrouvait dans ces spectacles et riait de bon cœur. IL faut dire que l’usage de chants connus le faisait participer avec beaucoup de joie.
Ensuite, la pièce elle-même s’enrichit et reprend l’ensemble des personnages de la Comédie italienne. Le théâtre de foire n’a alors plus rien à envier aux représentations des salles parisiennes.
Enfin, c’est la musique qui prend de la grâce.
Ainsi, en 1735, l’Opéra comique primitif est installé. Il peut maintenant servir le talent de ses grands noms, dans une salle cette fois-ci : Le Sage et d’Orneval.