Histoires de Paris

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Histoires au détour d'une rue

La querelle des jésuites et des jansénistes

La querelle des jésuites et des jansénistes : dispute religieuse aux conséquences très larges autour de 1650.

 

Promeneur, lorsque vous laisser guidez vos pas dans le cimetière du Montparnasse, vous pouvez être interpellés par la présence d’un vestige d’un vieux moulin. Et pourtant vous n’être pas à Montmartre et son célèbre moulin de la Galette. Où est la prise au vent ?

Vous vous situez cependant sur le territoire d’anciens moulins qui fleurissaient dans la plaine de Vanves avant son urbanisation.

En creusant l’histoire de ce moulin du cimetière du Montparnasse, vous vous rendrez compte rapidement qu’il était à l’origine la propriété de religieux, les frères hospitaliers de la Charité.

Au début du XVIIe siècle, le meunier en chef complétait ses revenus en tenant une petite guinguette. Elle attira des étudiants en théologie, notamment des jésuites qui en firent le quartier général. Non loin de là, leurs adversaires du moment, les jansénistes avaient choisi le moulin des trois cornets pour leurs réunions et leurs agapes. Ainsi, se matérialisa une querelle entre deux courants de pensée théologiques.

 

Petit rappel du contexte

Fondée sur la butte Montmartre au XVIIe siècle, la Société de Jésus, sous la direction de son fondateur Ignace de Loyola, se développa au niveau européen. Par son vœu spécial d’obéissance au pape, elle se retrouva dans la lumière et prospéra.

Par ailleurs, en 1640, en Flandres, un évêque se fit connaitre après sa mort, Jansénius pour un ouvrage qu’il avait écrit mettant en avant le rôle essentiel de la grâce divine. Ce libre eut l’effet d’une bombe que nous allons commenter ensuite. Cette pensée se diffusa et aboutit aux jansénistes.

Comme vous vous en doutez, nous allons rentrer dans des considérations théologiques, bien éloignées de nos préoccupations parisiennes. Mais nous y reviendrons.

En réalité, la dispute entre les jésuites et les jansénistes s’inscrit dans un débat bien plus ancien, aux premiers temps de l’Eglise. En effet, alors que Saint Augustin défend la valeur supérieure de la grâce divine, Pélage soutient la possibilité de liberté humaine dans la recherche de salut. Pour le premier, tout provient de Dieu alors que pour le second, l’action humaine a également son importance.

Pourquoi ce débat revient en force au XVIIe siècle ?

Tout simplement car le calvinisme mettait fortement en avant le rôle du destin et reprenait la logique d’Augustin. Loyaux au pape, les jésuites prirent fait et cause pour l’importance de la liberté humaine. Les jansénistes s’y opposaient. Rome dut intervenir en faisant interdire le livre de Jansénius.

 

L’influence des jansénistes à Paris

Malgré l’interdiction papale, les jansénistes prirent pied à Paris dans ce début du XVIIe siècle. Ils furent particulièrement présents à Port Royal des Champs. En 1643, un frère de l’abbesse des lieux public un ouvrage dénonçant les jésuites, les accusant d’un trop grand laxisme face aux péchés. Il invite également à davantage de rigueur morale.

Rapidement, le pouvoir royal s’interpose pour s’y opposer. Richelieu met tout son pouvoir pour les chasser. Il fallut l’intervention énergétique sous Louis XIV pour y parvenir.

Aussi, les jansénistes se réfugièrent en Hollande, où ils purent subsister. Cependant, même s’ils n’étaient plus dans les radars officiels, ils avaient touché de gens autour de Port Royal.  Plusieurs penseurs, comme Blaise Pascal, mais aussi Racine, avaient pris leur défense.

 

Le récit de la chute de l’abbaye de Port Royal

Pour cela, citons le Petit Bleu de Paris du 29 juin 1939 :

« Ce que l’on cherche, à Port Royal des Champs, ce n’est pas tant le souvenir de l’antique monastère fondé en 1204 par Mathieu de Montmorency et par sa femme Mathilde de Garlande, que celui du berceau du janséniste au XVIIe siècle. En effet, l’abbaye avait beaucoup perdu de sa prospérité quand, en 1609, l’abbesse Angélique Arnould – la Mère Angélique – entreprit de la réformer.

Elle réussit si bien que, vingt ans plus tard, le couvent comptait quatre-vingt religieuses de chœur, tout en ayant essaimé à Paris où une filiale s’éleva au bout du faubourg Saint Jacques — aujourd’hui la Maternité.

Seulement avec la prospérité, la Mère Angélique avait apporté au monastère un virus qui devait occasionner sa perte : le janséniste. Par ses parentes, par ses relations, par son intelligence, l’abbesse exerçait une telle attraction qu’un certain nombre d’hommes, éminents par leur science et leur vertu, vinrent se fixer à proximité de l’abbaye, dans une vaste demeure qui subsiste encore et taxi est le domaine des Granges. C’est parmi eux, dénommés « les solitaires », que l’erreur s’infiltra. 

Il fallait tout de même en finir. La querelle de la grâce agitait fortement les esprits et, du domaine spirituel, débordait sur la politique. Les jansénistes comptaient parmi leurs adhérents des hommes d’Eglise, des magistrats, des bourgeois importants, et devenaient un véritable parti d’opposition.

Au nom d’une idéologie étroite, ils critiquaient et blâmaient les décisions du pouvoir royal, agissaient sur l’opinion publique influencée par l’austérité de leur maintien et la renommée de leur piété.

Louis XIV se souvint qu’ils n’avaient pas été étrangers aux troubles de la Fronde et, redoutant toujours quelque nouvelle guerre de religion, il résolut de sévir avant qu’il ne soit trop tard. Sommation fut faite aux jansénistes de se soumettre ; sur leur refus, le couvent de Port-Royal fut dispersé et les bâtiments rasés. La destruction fut totale. Les gens du roi allèrent jusqu’à exiler de leurs tombes les cendres des religieuses qui furent inhumées dans des cimetières des environs. »

 

Quels gagnants pour cette querelle ?

Cette question est bien difficile à répondre. En effet, facialement au milieu du XVIIe siècle, les jésuites paraissent avoir gagné avec la répression des jansénistes et leurs obligations de fuir. Cependant ils en payèrent le prix fort, étant à leur tour chassés du royaume sous Louis XV.

Chaque mouvement avait réussi à convaincre des fidèles, plus ou moins affichés, plus ou moins virulents, créant de fait une querelle de position.

Ne nous y trompons pas ! Le débat né des origines de l’Eglise la parcourut ensuite. Dans des temps beaucoup moins anciens, nous pourrions penser, à Paris en tout état de cause que les héritiers des jansénistes auraient pris le dessus, avec le retour d’une morale traditionnelle et la force spirituelle pour obtenir le pardon de Dieu.

La querelle larvée se poursuit. Notons au passage que seul le moulin du cimetière de Montparnasse est toujours debout. Ceux qui auront suivi se souviendront s’il était celui des jansénistes ou jésuites.

 

Sources bibliographiques

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