La restauration de la Tour Saint Jacques
La restauration de la Tour Saint Jacques fut menée par Théodore Ballu en 1855 et répondre au projet impérial.
« La magnifique Tour Saint Jacques », « admirablement conservée » ! Les journaux de la moitié du XIXe siècle ne manquaient pas d’éloge pour la Tour Saint Jacques.
Vendue à la suite de la Révolution et rachetée par la Ville de Paris en 1836, on cherchait alors à savoir comment l’utiliser et la mettre en avant. En 1848, juste avant le renversement de la Monarchie de Juillet, la ville avait récupéré la pleine jouissance des lieux, avec la fin de la location avec une fabrique de plomb de chasse.
Aussi, située en plein centre de Paris et des plans de transformation de la ville par le baron Haussmann, on lance ses travaux de restauration au début des années 1850.
Evolution du projet de la rue de Rivoli
Envisagé dés 1833 par le préfet Rambuteau, le prolongement de la Rue de Rivoli jusqu’à la place Saint Antoine est réellement mis en œuvre au début du Second Empire.
Ainsi, autour des années 1850, dans les journaux de l’époque, on retrouve une trace des discussions alors. Dans son édition du 28 août 1851, la Gazette de France écrit : « La Tour Saint Jacques ne sera pas comme on le croyait d’abord au centre de la rue de Rivoli ; elle se dressera au milieu d’une place de 46 mètres de diamètre et à 12 mètres en arrière de l’alignement de la rue. » Le journaliste poursuit : « La rue de Rivoli formera un coude à partir de la rue de la Poterie afin de se trouver en parallèle avec le flanc gauche de l’Hôtel de Ville, près duquel on édifiera une caserne, dont l’emplacement n’est pas encore décidée. »
A partir de 1852, on commence à évoquer un square autour de la Tour Saint Jacques comme le rapporte le Siècle du 24 février. On décide également que le sol de la rue Saint Martin sera abaissé. En effet, il « aurait formé une butte dans la partie de la rue de Rivoli qui doit le traverser ».
Le lancement des travaux autour de la Tour Saint Jacques
En tout état de cause, les expropriations des maisons destinées à être détruites eurent lieu sur le premier semestre 1852. Les destructions sont ensuite menées au cours du reste de l’année.
Bien évidemment, en creusant, les ouvriers découvrirent des vestiges de l’ancien Saint Jacques la Boucherie. En effet, lors de la destruction de Saint Jacques la Boucherie, les ouvriers avaient cessé de prélever les pierres, arrivés au niveau du sol. Aussi, ce dernier contenait encore les fondations, qui durent être retirées pour établir le square.
Comme on trouvait de nombreuses petites statues, pierres tombales, chapiteaux, des badauds venaient très souvent pour essayer de trouver des trésors, malgré les interdictions.
Lancement de la restauration de la Tour en 1853
Les travaux de restauration démarrèrent réellement début 1853. En effet, comme l’écrit l’Assemblée nationale dans son édition du 15 avril, « on vient de commencer les travaux d’échafaudage de la belle tour Saint Jacques la Boucherie, pour la restaurer de la base au sommet ».
Au début de l’été, la municipalité vota le projet de restauration de la tour, pour un montant de 500 000 francs, la première année des travaux et 150 0000 francs la suivante. A cette occasion, la municipalité confia à Théodore Ballu la conduite des travaux de restauration.
Le projet de restauration
La restauration devait s’appuyer sur un terre plein central au pourtour de la base de l’édifice. La tour fut reprise à l’extérieur et à l’intérieur, presque en totalité.
Au niveau du rez-de-chaussée, on perça la façade principale d’une arcade ogivale, laissant à découvert les voûtes intérieures. Après avoir un temps pensé mettre des façades sur les trois autres façades, on décida de laisser au grand jour les ouvertures du rez-de-chaussée.
Ensuite, l’architecte décida de revoir la richesse de la décoration. En effet, pratiquement nulle en bas, elle devient de plus en plus riche au fur et à mesure que l’on monte. Au niveau des niches de la tour, on plaça des statues : Saint Jean l’évangéliste, saint Simon, sainte Madeleine, saint Charles, saint Fiacre, saint Denis, saint Georges, sainte Anne, saint Laurent, sainte Catherine, saint Léonard, sainte Marguerite, saint Michel, saint Quentin, saint Paul, saint Louis, saint Clément…
Enfin, on plaça une statue de Blaise Pascal en bas de la tour, en souvenir d’expériences qu’il y aurait conduite pour mesurer la pesanteur.
En haut de la tourelle, hébergeant l’escalier permettant de monter, on coiffa en décembre 1854, avec une statue de Saint Jacques, en reprenant la base qui subsistait. On l’accompagna d’animaux fantastiques, « comme en 1522 » rapporte l’Assemblée nationale du 28 août 1852.
Théodore Ballut fit appel à de nombreux sculpteurs pour cette restauration. Il confia la réalisation de la statue du sommet de la tour à M. Chenillon. M. Cavelier se chargea de celle de Blaise Pascal tout en bas.
Diébolt, Chambard, Gruyère, Dantan, Despretz, Duseigneur, Cordier, Perrault, Loison réalisèrent les statues des saints.
On put ensuite en mai 1855 retirer les échafaudages, tout en ayant obtenu une hausse de 100 000 francs dans le budget.
L’inauguration de la Tour Saint Jacques restaurée en août 1855
La fin des travaux de restauration de la Tour Saint Jacques coïncidaient avec l’Exposition Universelle de 1855 sur les Champs Elysées. Certes, elle avait commencé en mai, mais on profita des festivités du 15 août pour inaugurer la Tour Saint Jacques restaurées.
Quelques jours plus tard, la reine Victoria d’Angleterre vint à Paris pour voir la ville, ainsi que l’Exposition universelle. Fièrement Napoléon III lui montra la tour. Les journaux rapporte, qu’elle « n’a pas mis pied à terre. » et « les voitures ont fait le tour du monument paré de fleurs et de drapeaux pour la circonstance »
Le 14 juin 1856, à l’occasion du baptême du prince impérial à Notre Dame, la Tour Saint Jacques est particulièrement mise en avant, totalement illuminée. En effet, entre l’Hôtel de Ville et la Tour Saint Jacques, on avait totalement transformé la rue, « en un splendide jardin avec allées sablées, jets d’eau, bassins, cascades, grands arbres et fleurs nationales et exotiques », comme le rapporte le Journal de la Ville de Saint Quentin le 17 juin.
Anecdotes de la restauration
Début avril 1854, on découvrit dans une des chambres murées de la Tour Saint Jacques un « véritable gisement de guane, de première qualité » comme le signale le Mémorial de la Loire et de la Haute Loire le 15 avril 1854. En effet, cette chambre était murée depuis au moins trois siècles. Cependant, elle était devenue l’asile de corbeaux, pigeons, chauves souris, hiboux et autres moineaux. La couche de guano faisait au moins 2 mètres d’épaisseur.
On utilisa rapidement cet engrais, en le plaçant au pied des jeunes arbres plantés dans le nouveau boulevard de Strasbourg et dans le square de la tour.
Par ailleurs, lorsqu’on creusa le sol autour de la Tour, on fit la découverte de nombreux vestiges de l’église Saint Jacques la Boucherie.
Les curieux étaient alors très nombreux. Ainsi, la police dut faire preuve de beaucoup de vigilance pour éviter que des parisiens viennent ramasser des anciennes pierres.
Sources bibliographiques
- Visite de la Tour Saint Jacques par l’Agence Des Mots et des Arts le 3 août 2018
- La Gazette de France du 28 août 1851
- Le Siècle du 24 février 1852
- Assemblée nationale du 15 avril 1853
- Assemblée nationale du 28 août 1852
- Journal des débats politiques et littéraires du 18 janvier 1854
- Mémorial de la Loire et de la Haute Loire du 15 avril 1854
- Journal des débats politiques et littéraires du 27 avril 1854
- Le Siècle du 13 août 1855
- La Gazette de France du 22 août 1855
- Journal de la Ville de Saint Quentin et de l’arrondissement du 17 juin 1856